Sécurité et efficacité des implants et dispositifs médicaux : comment la Belgique peut-elle mieux protéger ses citoyens?
En Europe, les réglementations sont beaucoup moins strictes pour les dispositifs médicaux que pour les médicaments – et ce même pour les dispositifs à haut risque comme les prothèses de hanche, les pacemakers et les stents coronaires. En effet, pour pouvoir les mettre sur le marché, les fabricants ne doivent pas produire de preuve que ces dispositifs apportent un réel bénéfice au patient. Ils ne sont généralement testés que sur un tout petit nombre de personnes, et leur sécurité laisse parfois aussi à désirer. En attendant qu’une réglementation européenne plus stricte voie le jour, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) propose quelques mesures que la Belgique pourrait adopter pour protéger ses citoyens contre les possibles dangers et inconvénients de dispositifs à haut risque insuffisamment testés, sans pour autant se mettre en infraction par rapport aux législations européennes.
Un accès au marché beaucoup plus souple pour les dispositifs médicaux que pour les médicaments
Pour commercialiser un médicament, la firme productrice doit prouver que celui-ci est sans danger et qu’il représente un bénéfice pour les patients. C’est pour cela que des essais cliniques à grande échelle sont préalablement exigés. Par contre, pour un nouveau dispositif médical, comme par exemple un implant, la procédure est beaucoup plus souple : il suffit que le fabricant reçoive l’autorisation d’appliquer le label CE sur son produit.
Le label CE ne garantit pas la sécurité ni l’efficacité
La seule condition à remplir pour obtenir ce label CE consiste à prouver que le dispositif ne comporte pas de risques inacceptables (p. ex qu’une prothèse mammaire ne libère pas de produit toxique) et qu’il agit effectivement comme son fabricant affirme qu’il doit agir (p ex. qu’un pacemaker envoie effectivement l’impulsion électrique adéquate si le rythme cardiaque est trop lent). Mais contrairement aux médicaments, il n’est pas nécessaire de démontrer que le dispositif exerce un effet bénéfique sur la santé, et encore moins qu’il apporte une plus-value en comparaison avec les traitements existants. De ce fait, les dispositifs médicaux sont souvent insuffisamment testés sur des patients avant leur commercialisation.
Comme dans son précédent rapport à ce sujet, publié en 2011 (KCE Report 158), le KCE plaide pour que l’accès au marché de nouveaux dispositifs à haut risque soit conditionné par des preuves d’efficacité. Il demande également davantage de transparence autour des résultats des recherches qui ont motivé l’attribution du label CE. À l’heure actuelle, ces données ne sont pas publiquement accessibles.
Des implants pour le moins ’peu fiables’ reçoivent parfois le label CE
Non seulement l’efficacité ne doit pas être démontrée, mais la sécurité laisse parfois aussi à désirer. Les agences de notification (instances qui décident d’accorder ou non le label CE) sont rémunérées par le fabricant pour le traitement de leur dossier, ce qui ne favorise pas leur indépendance. Elles ne disposent pas non plus toujours de l’expertise nécessaire. De plus, il suffit à un fabricant d’obtenir le label CE de l’une des plus de 60 agences existant en Europe pour que le produit puisse être mis en libre circulation dans tous les États membres de l’Union européenne.
À titre d’illustration, on se souviendra de l’histoire bien connue de l’émission télévisée néerlandaise Radar qui, en décembre 2014, avait piégé trois agences en sollicitant un label CE pour un treillis vaginal (un implant utilisé chez les femmes en cas d’affaissement du plancher pelvien). Les journalistes avaient bricolé eux-mêmes cet implant au départ d’un filet à mandarines et l’avaient soigneusement décrit dans une brochure et un rapport technique à la présentation soignée. Ils s’étaient inspirés, pour leur imitation, de modèles de treillis vaginal existants mais retirés du marché parce qu’ils s’étaient révélés nuisibles. À leur grand étonnement, les agences de notification n’avaient pas fait le lien avec ces produits dangereux, n’avaient formulé aucune exigence supplémentaire et avaient donné aux journalistes l’assurance que leur produit obtiendrait rapidement le label CE. |
Le KCE plaide donc pour que seule une Agence européenne unique, ou un petit nombre d’agences spécialisées disposant de l’expertise clinique nécessaire, puisse délivrer un label CE pour des dispositifs et des implants pouvant présenter un risque médical élevé.
Une nouvelle réglementation européenne en vue
Ces dernières années, et notamment depuis le scandale des prothèses mammaires PIP, l’Union Européenne a clairement pris conscience qu’une réglementation plus stricte était nécessaire. Des discussions sont actuellement en cours au sein des instances européennes et on peut espérer que cette fois les intérêts du patient seront le point focal des débats.
En attendant, le KCE a étudié quelles mesures les autorités belges pourraient adopter pour mieux contrôler l’usage des dispositifs à haut risque.
En attendant, comment la Belgique peut-elle protéger ses citoyens des dispositifs et implants inefficaces ?
Même s’il n’y a pas (encore) de réglementation contraignante, les États membres peuvent prendre une série de mesures pour protéger leurs citoyens. Pour ne pas entrer en conflit avec les réglementations existantes, ces mesures doivent être soigneusement justifiées. Par exemple, il faut toujours pouvoir démontrer qu’il n’existe pas d’autre manière moins radicale de limiter les risques pour le patient.
Le KCE préconise de faire appel à une ou plusieurs des mesures suivantes :
1. Exiger que le fabricant mène des études cliniques randomisées avant d’autoriser l’usage en routine d’un nouveau dispositif à haut risque chaque fois qu’il y a des risques (trop) importants et que l’efficacité n’est pas démontrée.
2. Restreindre ou interdire la mise en service si le produit se révèle non conforme aux exigences du label CE, ou s’il existe un risque (potentiel) lié au produit lui-même (par ex. des implants d’origine animale).
3. Limiter l’usage en routine de certains dispositifs à haut risque, pendant une période donnée, à certaines institutions de soins (centres de référence) et, si nécessaire, demander à ces centres de réaliser des recherches supplémentaires.
4. Inciter les médecins à informer chaque patient à temps et de façon complète et compréhensible en lui fournissant des informations relatives à la sécurité, l’efficacité et le prix d’un nouveau dispositif médical (ou en expliquant que cette information manque). Cette information doit également mentionner les alternatives possibles. C’est seulement ensuite que le patient pourra donner son consentement éclairé.
Une introduction graduelle couplée à une évaluation
Dans d’autres pays, des systèmes ont été développés pour introduire et évaluer les nouveaux dispositifs de façon graduelle. Le KCE recommande de s’inspirer d’un plan néerlandais en 6 étapes ainsi que d’un modèle appelé ‘IDEAL Framework’, développé à Oxford. Il s’agit d’initiatives qui sont mises en œuvre par les médecins eux-mêmes.
Une mesure récente : le Plan Dispositifs médicaux
La Ministre belge de la Santé publique et des Affaires sociales a tout récemment mis en place un registre pour tous les dispositifs médicaux à haut risque. Grâce à ce registre, tous les dispositifs implantés chez des patients pourront être tracés. En cas de problème, comme avec les implants PIP, les médecins et l’Agence Fédérale des Médicaments et Produits de Santé (AFPMS) pourront identifier rapidement les implants concernés et les patients qui les ont reçus. Pour le KCE, ce système est le premier pas idéal vers l’introduction graduelle décrite ci-dessus.
Qu’est-ce que les dispositifs médicaux? Les dispositifs médicaux sont des appareils ou des instruments à usage médical. On en distingue plusieurs catégories selon le risque qu’ils représentent pour les patients : |