Soins chroniques du futur : le patient aux commandes - 50 points d’action pour une réforme en profondeur du système de soins de santé
Plus d'un quart des Belges déclarent souffrir d'une maladie chronique et cette proportion augmentera encore, vu le vieillissement de notre population. En 2008, le programme national «Priorité aux malades chroniques !" mettait surtout l'accent sur l’information du patient et sur l'accessibilité des soins. Dans une seconde étape, la ministre de la Santé Publique a demandé au Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) de développer, en concertation avec l’administration de la Santé Publique et l'INAMI, une vision relative à l’organisation future des soins chroniques. Le KCE a analysé la littérature scientifique internationale et les initiatives actuellement en cours, en Belgique et à l’étranger, pour la prise en charge des maladies chroniques. Les experts du terrain et les décideurs ainsi que les représentants des organisations de patients ont également été impliqués dans cette étude. Le résultat : un "Position Paper" qui propose plus de 50 actions concrètes afin de réformer en profondeur l'organisation des soins chroniques.
Le nombre de malades chroniques augmente
Plus d'un quart de la population belge dit souffrir d'une maladie chronique, selon les chiffres de l’enquête de santé de l’Institut Scientifique de Santé Publique (2008). Les problèmes fréquemment cités incluent entre autres les maux de dos, les problèmes articulaires, l'hypertension artérielle et le diabète. En outre, un quart des Belges déclarent souffrir d’un problème de santé mentale. Dans la plupart des pays européens, près de 80% du budget des soins de santé est consacré aux soins chroniques.
Une maladie chronique vient rarement seule
Les patients chroniques présentent souvent plusieurs problèmes de santé. Au-delà de 70 ans, 50 à 70% des personnes souffrent d’au moins deux affections chroniques. Souvent aussi, il s’agit d’affections dont on ne guérira plus vraiment.
Cependant notre système de santé reste fragmenté et axé sur la guérison de problèmes de santé uniques, aigus, avec une attention particulière pour les soins spécialisés et les soins en milieu hospitalier. Les soins chroniques prennent une toute autre approche. Plutôt que d’axer les efforts sur la guérison, ils prennent en considération l’ensemble des problèmes et des besoins des patients afin qu’ils vivent le mieux possible avec leur(s) maladie(s) chronique(s). Le KCE propose plus de 50 points d’action concrets pour réformer de manière fondamentale l’organisation des soins chroniques et entre autres:
Un plan de soins individualisé sur mesure, mis au point et suivi par une équipe multidisciplinaire
Ce plan de soins élaboré en concertation avec le patient et ses aidants proches doit guider l’ensemble de la prise en charge chronique. Les besoins médicaux, mais aussi psychologiques et sociaux, de même que les objectifs de vie du patient doivent être à la base de sa conception. Sa finalité est claire : permettre à la personne de mieux fonctionner et améliorer sa qualité de vie, avec des soins à la maison si possible.
Ce plan sera suivi par une équipe de soignants qui travaillent en première ligne : médecin généraliste, infirmier à domicile, assistant social, kinésithérapeute, pharmacien etc.
Un dossier médical électronique partagé
Partager le plan de soins et le suivi du patient suppose que chaque soignant impliqué ait accès à l’information pertinente du dossier médical, tout en assurant bien sûr la protection de la vie privée du patient. Ce dernier peut cependant aussi avoir accès à son dossier, comme le prévoit la loi relative aux droits du patient. Ce partage du dossier ne sera possible qu’après avoir résolument franchi le pas vers la généralisation du dossier électronique pour les malades chroniques.
Coordination par le médecin généraliste et/ou un gestionnaire de cas
Actuellement, face à certaines situations complexes, le médecin généraliste travaille souvent en collaboration avec un réseau informel de soignants locaux. Planification et coordination sont alors les maîtres-mots mais ces tâches relèvent plus du management que des soins médicaux proprement dits. Afin de soulager la charge de travail du médecin, elles pourraient être parfaitement réalisées par un gestionnaire de cas (‘case manager ‘), en l’occurrence un infirmier ou un assistant social, qui connaît les structures locales de soins et de services.
La valeur ajoutée d’une redistribution des tâches entre soignants
Dans d’autres pays des « infirmiers de pratique avancée » (advanced practice nurse), porteurs d’un diplôme universitaire, réalisent des tâches qui chez nous sont effectuées par les médecins généralistes. L’objectif est ici aussi une diminution de la charge de travail du médecin de même qu’une attractivité accrue des professions concernées. Cette fonction n’existe pas en Belgique: une formation spécifique et une reconnaissance sont dès lors nécessaires. Dans le même ordre d’idées, des tâches actuellement réalisées par des infirmiers (soins d’hygiène par exemple) peuvent être déléguées à d’autres soignants.
De nouvelles modalités de rémunération
Une nouvelle organisation des soins pour les patients chroniques va de pair avec de nouvelles modalités de rémunération pour leurs soignants. Le système actuel est principalement basé sur un mode de financement à la prestation. Ce mécanisme représente un frein à l’exécution des tâches de coordination, qui prennent du temps, et à la délégation de tâches au sein de l’équipe. Le nouveau système de rémunération devra plus pencher vers un financement global (« forfait ») pour la prise en charge de chaque patient chronique, et devrait récompenser la qualité des soins prodigués.
La prudence reste cependant de mise : l’évolution du financement ne doit pas conduire à une situation encore plus compliquée qu’elle ne l’est actuellement pour les patients avec des besoins complexes. Il est important d’introduire progressivement les réformes et d’en mesurer de près les effets.
« Empowerment » du patient : une condition pour encourager son autonomie
L’ancienne vision paternaliste dans laquelle le patient subissait passivement son traitement appartient au passé. Plus d’efforts peuvent cependant encore être réalisés pour favoriser l’ « empowerment » du patient (c.-à-d. des actions pour l’aider à se prendre en charge) et de sa famille. Ils devraient recevoir en temps utile des informations précises et détaillées relatives au traitement, à l’évolution de la maladie et à la disponibilité des services afin d’être partenaires à part entière dans la relation de soins. Le médecin généraliste mais aussi les mutualités et les associations de patients ont un rôle important à jouer à cet égard.
Le position paper du KCE suggère de nombreuses autres recommandations pour préparer notre système de soins à la prise en charge dans notre société d’un nombre croissant de patients chroniques.