Prédiction du risque cardiovasculaire : quand les outils classiques ne permettent pas de trancher, le sens clinique du médecin reste essentiel
Les médecins tiennent à l’œil notre risque cardiovasculaire grâce à un outil appelé SCORE, qui leur permet de calculer, sur base notamment de la consommation de tabac, du taux de cholestérol et de la tension artérielle, notre risque de décéder dans les 10 ans d’un problème cardiovasculaire. Mais cet outil n’est pas parfait, et les chercheurs tentent de l’affiner en y ajoutant des tests pour détecter l’existence d’une athérosclérose silencieuse. Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) a analysé l’efficacité de six de ces tests. Même si certains d’entre eux permettent d’améliorer la « classification » des risques, les chercheurs du KCE n’ont pas trouvé de preuves convaincantes que leur adjonction à l’outil SCORE améliore la prise en charge effective des personnes à risque. Par contre, on sait que quelques informations très simples à obtenir pourraient nettement améliorer le pronostic de SCORE, comme par exemple la sédentarité, le tour de taille (obésité abdominale), le statut social ou l’existence de décès cardiaques prématurés dans la famille. Le KCE recommande donc d’élaborer un nouvel outil SCORE intégrant ces indicateurs faciles à obtenir en médecine générale.
Un outil de mesure qui n’est pas parfait
Les médecins tiennent à l’œil notre risque cardiovasculaire grâce à un outil appelé SCORE (Systematic COronary Risk Evaluation) qui leur permet d’évaluer notre risque de décéder dans les 10 ans d’un problème cardiovasculaire. Cette méthode de calcul se base sur cinq paramètres : l’âge, le sexe, le tabagisme, la tension artérielle et le taux de cholestérol total dans le sang. En fonction de ces paramètres, l’algorithme SCORE classifie le risque en « faible », « intermédiaire » ou « élevé ».
Pour ceux dont le risque est faible, il n’y a rien de particulier à faire ; pour ceux dont le risque est élevé, il faut souvent – outre l’adoption d’un style de vie plus sain – envisager un traitement médicamenteux (pour faire baisser le cholestérol par exemple). Mais pour les individus dont les risques sont jugés intermédiaires, la prise en charge n’est pas toujours très claire. De plus, les prédictions ne sont pas toujours exactes. Certains individus classés à faible risque décèdent malgré tout prématurément d’une maladie cardiovasculaire ; d’autres sont erronément jugés à haut risque et doivent prendre des traitements qui sont très probablement superflus.
Des indicateurs supplémentaires pour mesurer l’athérosclérose
Les chercheurs tentent dès lors d’ajouter à SCORE des indicateurs supplémentaires qui permettraient de cerner le risque de façon plus précise. Le KCE a analysé dans la littérature scientifique la valeur prédictive ajoutée de six marqueurs de l’athérosclérose (perte d’élasticité des artères) asymptomatique. Il s’agit de la dilatation flux-dépendante (DFD) de l’artère brachiale, la mesure de la vitesse de l’onde de pouls carotido-fémorale (VOPcf), l’index de pression systolique bras-cheville (IPSC), l’épaississement intima-média des artères carotides (EIMC), la présence de plaques carotidiennes (PC) et du score de calcium coronarien (SCC). C’est ce dernier indicateur qui permet la meilleure reclassification du risque (entre 22 et 56% des individus classifiés à risque intermédiaire selon SCORE sont re-classifiés dans une catégorie plus appropriée).
Toutefois, un indicateur comme le score de calcium requiert un examen par scanner, qui comporte une irradiation. Il faut donc être certain qu’il apporte un bénéfice clinique au patient avant de recommander son usage en routine. Malheureusement, il n’existe aucune étude prouvant formellement que cet indicateur – ou l’un des cinq autres – améliore la prise en charge de manière cliniquement significative quand on l’ajoute à l’algorithme SCORE. Il est donc prématuré de recommander leur utilisation.
Retour au bon sens clinique
Lorsque l’outil SCORE signale un risque cardiovasculaire intermédiaire chez un individu, c’est donc le sens clinique du praticien qui reste l’élément central de l’appréciation du risque réel et de la gestion à privilégier. Le KCE souligne toutefois qu’un certain nombre d’autres facteurs de risque cardiovasculaires bien connus sont faciles à évaluer en consultation de médecine générale. Ainsi, une évaluation de l’obésité abdominale, de la déprivation sociale, des antécédents familiaux ou de la sédentarité, permettent déjà d’affiner l’évaluation du risque cardiovasculaire établi par SCORE. Par exemple, une histoire parentale de maladie cardiovasculaire prématurée double le risque cardiovasculaire obtenu par SCORE.
Le KCE recommande donc aux sociétés cardiologiques européennes d’élaborer une nouvelle grille SCORE intégrant ces indicateurs très simples et sans risques.
À l’occasion de la publication de ce rapport, le KCE met également en ligne une page FOCUS reprenant toutes les études du KCE relatives à des problèmes cardiovasculaires, que ce soit sur le plan de la prévention, du diagnostic, du traitement ou de l’organisation des soins.