Quel vaccin choisir pour protéger les personnes âgées contre le pneumocoque ?
Avec la vaccination contre la grippe, se pose aussi, pour les personnes âgées, la question de la vaccination contre le pneumocoque. Une vaccination assez peu suivie chez nous malgré la virulence redoutable de cette bactérie qui cause pneumonies, méningites et septicémies, avec une mortalité qui peut dépasser 20% chez les plus de 85 ans. Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) et l’Universiteit Antwerpen ont réalisé une étude coût-efficacité des deux vaccins contre le pneumocoque commercialisés en Belgique, pour déterminer quel serait le schéma de vaccination de notre population de seniors qui permettrait de les protéger de façon optimale sans grever trop lourdement le budget de la santé.
Une maladie fréquente et grave
Les pneumocoques (Streptococcus pneumoniae) sont des bactéries redoutables qui peuvent provoquer des pneumonies, des méningites et des septicémies, surtout chez les nourrissons et les personnes âgées. Chez ces dernières, on estime qu’ils ont causé, en Belgique, en 2015, environ 5800 hospitalisations et 430 décès. Dans les cas les plus graves, la mortalité peut atteindre 23% chez les plus de 85 ans. Les pneumocoques peuvent également laisser de lourdes séquelles, notamment des pertes auditives et des troubles neurologiques après une méningite.
Il existe plus de 90 souches différentes de pneumocoques (on appelle ces souches des ‘sérotypes’) ; certaines sont bien plus fréquentes ou virulentes que d’autres. Il est donc important que les vaccins ciblent les sérotypes les plus fréquents.
Deux vaccins différents
Dans notre pays, deux vaccins contre les pneumocoques sont disponibles pour les personnes âgées : le PPV23 (Pneumovax 23®), qui existe depuis les années 1980 et qui protège contre 23 sérotypes (31,93 €), et le PCV13 (Prévenar 13®), plus récent, qui couvre 13 sérotypes (74,55 €). Ce dernier a également été utilisé en Belgique chez les nourrissons de 2011 à 2015 (il est aujourd’hui remplacé par le PCV10). Ces vaccins diffèrent par leurs mécanismes de protection mais aussi par les sérotypes qu’ils contiennent : en 2015, le PPV23 contient les sérotypes responsables de 66% de toutes les maladies graves à pneumocoques en Belgique, contre environ 25% pour le PCV13.
En 2014, le Conseil Supérieur de la santé a recommandé d’utiliser le PCV13, suivi du PPV23 (à 8 semaines d’intervalle) chez toutes les personnes de 65 ans et plus, ainsi que chez les personnes à haut risque de maladie. Mais aucun des deux vaccins n’est remboursé en Belgique. Et contrairement à ce qui se passe chez les nourrissons (pour qui le vaccin est gratuit), la vaccination des seniors contre le pneumocoque n’a jamais rencontré beaucoup de succès : on estime que seuls 10% des plus de 65 ans étaient vaccinés en 2013.
Match nul
Il a été demandé au KCE d’évaluer le nombre de maladies et de décès que ces vaccins pourraient éviter dans la population âgée s’ils étaient plus largement administrés, mais aussi – dans la situation budgétaire tendue que l’on sait – de calculer leurs rapports coût-efficacité (valent-ils leur prix ?) et leur impact sur le budget des soins de santé.
Après avoir analysé toutes les données disponibles, les experts du KCE et de l’Universiteit Antwerpen, ont conclu que le PPV23 et le PCV13 sont tous deux susceptibles de réduire le nombre d’épisodes de maladies à pneumocoques (et de décès) chez les personnes entre 50 et 84 ans, mais qu’il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que, dans l’absolu, l’un des deux a plus d’impact que l’autre, étant donné les possibles évolutions de l’épidémiologie et des données scientifiques disponibles au sujet de l’efficacité de ces deux vaccins. Par ailleurs, au-delà de 85 ans, aucun des deux vaccins n’a fait la preuve de son efficacité. Le choix de vacciner ou non dans cette tranche d’âge doit alors se faire au cas par cas.
La vaccination des nourrissons brouille les cartes
Mais, dans le cas du pneumocoque, le choix du vaccin doit aussi tenir compte d’un autre facteur plus surprenant : l’effet de la vaccination des nourrissons. En effet, dans les pays comme le nôtre, où les bébés sont quasi tous vaccinés contre le pneumocoque, la transmission ‘naturelle’ de la bactérie est profondément modifiée. Les sérotypes contre lesquels protège le vaccin diminuent tandis que d’autres sérotypes, non ciblés par le vaccin des nourrissons, deviennent plus fréquents. Résultat : étant donné que les nourrissons belges ont été vaccinés pendant plusieurs années avec le PCV13, les sérotypes actuellement couverts par ce vaccin circulent progressivement moins dans la population âgée et l’impact de ce vaccin diminue donc de plus en plus.
À l’inverse, les 11 sérotypes supplémentaires présents uniquement dans le PPV23 sont aujourd’hui responsables de 42% des maladies à pneumocoques les plus graves. C’est d’ailleurs pour cette raison que le CSS avait recommandé, en 2014, de compléter le PCV13 par le PPV23 de manière à protéger les patients contre les sérotypes non couverts par PCV13.
Le PPV23, plus coût-efficace que le PCV13
Mais une telle vaccination combinée, outre qu’elle revient fort cher au patient (+100 € tant qu’il n’y a pas de remboursement), ne permet d’éviter ‘que’ quelques hospitalisations et décès supplémentaires, pour un coût très élevé : plus de 500 000 € par année (gagnée) de vie en bonne santé, ce qui est nettement plus élevé que la vaccination avec le PPV23 seul (voir encadré).
D’après les estimations du KCE et de l’Universiteit Antwerpen, la stratégie qui offre le meilleur rapport coût-efficacité est la vaccination avec le PPV23 des personnes de 75 à 84 ans.
En quelques chiffres :
La vaccination par PPV23 coûterait en moyenne 83 000 €, 60 000 € et 52 000 € par QALY pour les tranches d’âge respectives de 50-64, 65-74 et 75-84 ans(compte tenu du coût de la vaccination mais aussi du coût des traitements évités).
Le choix du PCV13 représenterait des coûts par QALY significativement plus élevés : environ 201 000 €, 171 000 € et 338 000 € respectivement, pour les mêmes tranches d’âge.
L’ajout du PCV13 au PPV23 (recommandation du CSS) ne permettrait d’éviter ‘que’ quelques hospitalisations et décès supplémentaires par rapport au PPV23 seul, et ce à un coût par QALY supérieur à 500 000 € pour la tranche d’âge 75-84 ans.
Un QALY (Quality-adjusted Life-Year) correspond à une année de vie gagnée, pondérée par la qualité de vie. Il s’agit de l’unité de mesure d’un bénéfice de santé. Elle englobe à la fois la « quantité de vie » et la « qualité de vie ».