Cancer de l’ovaire: le bevacizumab donne de meilleurs résultats dans les stades avancés avec métastases
Le Bevacizumab (Avastin®) est un médicament utilisé en combinaison avec la chimiothérapie dans le cancer de l’ovaire. Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a réalisé une étude sur sa sécurité, son efficacité et son rapport coût-efficacité. Il en ressort que ce médicament permet de garder la tumeur plus longtemps sous contrôle, mais qu’il diminue la qualité de vie globale des patientes, du moins temporairement. Il n’y a aucune preuve que ce médicament exerce un effet significatif sur la survie totale, sauf chez les patientes dont le cancer est métastasé en dehors de la cavité abdominale. C’est aussi pour ce sous-groupe de patientes que le rapport coût-efficacité est le plus favorable. Le KCE recommande de tenir compte de ce constat dans les décisions relatives à (la continuation du) remboursement du bevacizumab, qui fait actuellement l’objet d’une convention temporaire de remboursement dans le cadre précis du cancer de l’ovaire.
En Belgique, le cancer de l’ovaire est le huitième par ordre de fréquence et la cinquième cause de décès par cancer chez les femmes ; environ 850 nouveaux cas sont signalés chaque année. Comme il ne provoque aucun symptôme particulier, il est souvent découvert (dans 70% des cas) à un stade assez avancé, alors que la tumeur a déjà des métastases (stade IV).
En 2016, le KCE a publié un guide de pratique clinique pour le diagnostic, le traitement et le suivi des femmes atteintes de cancer de l’ovaire (rapport n°268). Autant que possible, la tumeur doit être retirée par voie chirurgicale, souvent en combinaison avec une chimiothérapie. Dans certains cas, le bevacizumab, connu sous le nom commercial Avastin®, est ajouté en complément de cette chimiothérapie. Ce médicament (administré par voie intraveineuse) agit en limitant la croissance des vaisseaux sanguins autour et dans la tumeur. Le KCE a réalisé une étude sur sa sécurité, son efficacité et son rapport coût-efficacité dans le cancer de l’ovaire.
Détérioration (temporaire) de la qualité de vie
Quand il est utilisé en premier traitement (1re ligne), le bevacizumab semble avoir un effet négatif sur la qualité de vie à court terme (18 semaines). Cet effet négatif s’atténuerait après 60 semaines, mais les études sont contradictoires à ce sujet.
Lorsqu’il est employé pour une tumeur qui n’a pas réagi au premier traitement, ou en cas de récidive (2e ligne), aucune étude clinique ne démontre d’amélioration de la qualité de vie globale, mis à part une étude qui a mis en évidence une diminution des douleurs abdominales.
Des effets secondaires sérieux mais limités
Les effets secondaires typiques du bevacizumab sont notamment une hypertension artérielle, des hémorragies, des thromboses et des performations intestinales. Heureusement, les formes les plus graves de ces effets secondaires sont assez rares ; on considère donc que le risque est acceptable.
La survie totale n’est améliorée que dans les cancers avec métastases (stade IV)
L’étude du KCE montre que le bevacizumab, en 1re ou en 2e ligne, améliore ce que l’on appelle la « survie sans progression » des patientes (voir encadré) mais que cela ne s’accompagne pas d’une amélioration de leur qualité de vie globale. Les chercheurs ont également observé que le médicament n’a pas d’effet significatif sur la survie totale, sauf dans le cas des patientes dont le cancer est déjà métastasé en dehors de la cavité abdominale. Le gain médian de survie est alors de presque 8 mois.
Différents sondages d’opinion réalisés auprès de femmes atteintes d’un cancer de l’ovaire révèlent que la majorité d’entre elles estiment qu’un nouveau médicament est utile à partir du moment où il permet de prolonger non seulement la survie sans progression mais aussi la survie totale d’au moins 5 mois. Le lien entre les deux n’est en effet pas aussi étroit qu’on pourrait le penser (voir encadré). Elles semblent également prêtes à accepter une survie sans progression plus courte si les effets secondaires sont moindres.
Le KCE recommande donc aux firmes pharmaceutiques d’inclure aussi la survie totale et la qualité de vie dans les paramètres à mesurer lors des études cliniques, et de les publier de façon transparente.
Survie totale et survie sans progression Le terme survie sans progression (PFS - Progression Free Survival) est surtout utilisé par les oncologues pour mesurer l’efficacité d’un médicament. Il désigne la période qui va du premier jour du traitement au moment où la maladie recommence à s’aggraver. Le terme survie totale (OS-Overall Survival) est pour sa part utilisé pour désigner la période entre le début du traitement et le décès, que celui-ci soit dû au cancer ou à une autre cause. Comme il faut attendre longtemps pour connaître la survie totale, on préfère utiliser la survie sans progression comme paramètre dans les études cliniques, de manière à pouvoir plus rapidement mettre le médicament sur le marché et obtenir son remboursement. On pourrait logiquement penser qu’un allongement de la survie sans progression se traduit automatiquement par un allongement de la survie totale. En réalité, ce n’est pas souvent le cas, et certainement pas en cas de cancer métastatique. Ainsi, il se peut qu’après une période de stabilité (sans progression), la tumeur connaisse une période d’accélération. Dans un tel cas, la survie sans progression est allongée, mais sans aucun effet sur la survie totale. |
Un rapport coût-efficacité plus favorable chez les patientes avec un cancer métastasé (stade IV)
Dans notre pays, le bevacizumab est remboursé dans certains cas pour le traitement du cancer de l’ovaire. Ce remboursement est basé sur une convention dite « article 81 », une mesure temporaire résultant d’un accord confidentiel entre le ministre de la santé publique et la firme pharmaceutique produisant le médicament. Pendant la durée de cette convention, les autorités s’engagent à rembourser le médicament. Les annexes de ces conventions étant confidentielles en vertu de mesures légales, nous avons basé nos estimations sur le prix officiel du marché, tout en effectuant des simulations avec différents montants potentiels de ristournes.
En tenant compte de l’efficacité du médicament et de son impact sur la qualité de vie, le KCE a calculé que, du point de vue de l’économie de la santé, ce traitement coûte plus de €150.000 en 1re ligne et plus de €170.000 en 2e ligne pour une année de vie gagnée en bonne santé. L’élément de loin le plus déterminant dans ce calcul est le prix de vente du produit, qui représente un coût supplémentaire d’environ 40.000 € par patiente (sans tenir compte des éventuelles ristournes confidentielles).
Pour les patientes au stade IV, chez qui le médicament a bel et bien un effet positif sur la survie totale, le prix d’une année de vie gagnée est d’environ €52.000. Pour ce sous-groupe, qui représente environ 150 patientes par an, il faut vérifier si cette survie se confirme à long terme. Actuellement, au moins trois études internationales sont en cours à ce sujet. Il faudra suivre attentivement leurs résultats, de même que les résultats à plus long terme des études déjà publiées.
Le KCE recommande de tenir compte de toutes ces observations lors des décisions relatives à la (continuation) du remboursement du bevacizumab à l’expiration de la convention article 81.
Une évaluation économique est nécessaire aussi lors d’extensions d’indication
Le dossier que la firme productrice du bevacizumab a soumis en vue du remboursement de son médicament dans le cancer de l’ovaire ne contenait aucune évaluation économique, parce que le bevacizumab est déjà employé dans d’autres cancers, comme le cancer de l’intestin et du sein. D’après la réglementation actuelle, les évaluations économiques ne sont exigées que pour les médicaments de classe I (ceux pour lesquels la firme revendique une plus-value), et ce uniquement pour la première indication pour laquelle un remboursement est demandé. Pourtant, le rapport coût-efficacité d’un même médicament peut être extrêmement différent d’une indication à l’autre, étant donné les différences d’efficacité, les effets secondaires, l’influence sur la qualité de vie, la durée moyenne du traitement, etc. Le KCE plaide donc pour que, lors de toute demande d’élargissement de remboursement, des évaluations économiques soient demandées à la firme productrice.