Les implants imprimés en 3D font des progrès rapides, mais sont-ils aussi sûrs et efficaces ?
L'impression 3D suscite un intérêt croissant dans le secteur médical. Il n’y a cependant, d’après le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE), aucune preuve convaincante que les implants imprimés en 3D soient aussi efficaces ou aussi sûrs que des produits « classiques ». Par ailleurs, certains implants, qui ne sont pas remboursés par l'assurance maladie (INAMI) parce que jugés trop chers, ou parce que leur fabricant n'a pas encore apporté de preuve de leur efficacité, peuvent pourtant être utilisés sans restriction par les médecins, et facturés au patient ou à l'hôpital, ce dont le patient n’est pas nécessairement au courant.
Le KCE estime que le placement de nouveaux implants à haut risque imprimés en 3D devrait être limité à certains centres spécialisés jusqu'au moment où leur sécurité et leur valeur ajoutée sera établie. Enfin, pour les dispositifs imprimés en 3D dont la sécurité est avérée, l’INAMI pourrait prévoir un remboursement même si leur valeur ajoutée n'a pas (encore) été démontrée, mais alors au même niveau que celle de l'alternative « classique » déjà existante.
L’impression 3D en plein essor dans le secteur médical
L’impression 3D est une technique qui consiste à « imprimer » un objet par couches successives à partir d’un fichier numérique. L'impression 3D est de plus en plus utilisée dans le monde médical, notamment en orthopédie et en dentisterie. L’impression 3D peut avoir différents degrés de spécificité. Par exemple, certains implants imprimés en 3D sont réalisés sur mesure spécifiquement pour une reconstruction de visage chez un patient donné. D’autres dispositifs sont produits à grande échelle, puis adaptés à un patient spécifique (p.ex. prothèses de hanche ou de genou), et d’autres enfin sont simplement fabriqués en série (par exemple des vis et des boulons) sans adaptations particulières.
Mais les produits de cette nouvelle technique sont-ils au moins aussi sûrs et efficaces que les produits classiques existants ? Et doivent-ils être remboursés ? Ce sont là les questions que le KCE a investigué.
Il faut davantage de preuves de supériorité en termes de sécurité ou d’efficacité par rapport aux implants “classiques”
Selon leurs promoteurs, l'utilisation d’implants imprimés en 3D permettrait de raccourcir la durée des interventions chirurgicales et de diminuer la fatigue des chirurgiens, qui feraient par conséquent moins d'erreurs. Cela permettrait en outre de réduire les coûts pour les hôpitaux parce que les salles d'opération seraient occupées moins longtemps.
Les chercheurs du KCE n'ont cependant pas trouvé de confirmation unanime de ces possibles avantages et ils ont par ailleurs constaté que les bénéfices prouvés pour le patient (en termes de résultats de la chirurgie, de risques de complications, etc.) restent actuellement très limités. Il n’y a pas non plus de preuves que l'utilisation d’implants imprimés en 3D permette de réaliser des économies pour l’assurance maladie.
Restreindre l’usage des nouveaux implants à haut risque à certains centres spécialisés
Les implants imprimés en 3D peuvent actuellement être utilisés sans restriction par les médecins, même sans preuves qu’ils sont plus efficaces ou plus sûrs que leurs équivalents existants. Le KCE recommande d’en limiter d’abord l’usage – à tout le moins celui des implants à haut risque – à certains centres spécialisés et de collecter des données scientifiques à leur sujet (voir plus loin).
Des coûts parfois à charge du patient
Le remboursement d’un implant imprimé en 3D à un prix supérieur à celui d’une alternative existante n’est en principe possible que si le fabricant a apporté la preuve que son produit est meilleur que le produit existant, ce qui requiert des études cliniques longues et coûteuses.
Si le fabricant ne peut pas (encore) apporter de preuve de l’efficacité, ou si le prix demandé est trop élevé, l’INAMI peut refuser son remboursement. Dans ce cas, il arrive que le coût de l’implant soit facturé au patient, à moins que l’hôpital ne le prenne lui-même en charge. C’est également le cas si le fabricant choisit de ne pas (encore) introduire de dossier de demande de remboursement auprès de l’INAMI.
Il n’est pas certain que le patient soit toujours au courant des conséquences financières de cette situation, ni des éventuelles incertitudes scientifiques au sujet du dispositif imprimé en 3D, ou de l’existence d’alternatives remboursées. Le KCE recommande donc que les chirurgiens informent clairement les patients à ce sujet, afin de permettre à ceux-ci de poser un choix éclairé.
Solution: rembourser au même prix que l’alternative existante
Pour éviter que le patient ne se voie facturer des sommes importantes, le KCE propose que l’INAMI rembourse certains implants dont la sécurité est prouvée mais dont on n’a pas encore pu établir qu’ils sont au moins aussi efficaces que l’alternative existante. Ce remboursement pourrait se faire au même montant que cette alternative. Pour l’INAMI et le patient, cette solution ne comporterait pas de coûts supplémentaires, tout en autorisant l’accès à des dispositifs potentiellement innovants, et pour les firmes, cela ne constituerait pas une entrave à l’innovation. Si la firme souhaite obtenir un prix plus élevé, elle devra fournir les preuves scientifiques nécessaires, en comparant son produit imprimé en 3D aux alternatives existantes et en recueillant des données pertinentes pour le patient (p.ex. qualité de vie, complications...).
Lorsqu’il n’existe aucune alternative (p.ex. dans le cas d’une prothèse de visage), l’INAMI pourrait décider au cas par cas du remboursement.
Vers des exigences de traçabilité plus strictes
Lors du scandale des prothèses de sein PIP, il avait été très difficile de retrouver la trace des victimes potentielles et de récupérer les implants non encore utilisés. Pour cette raison, l’Europe avait décidé de mettre en place des exigences de traçabilité plus strictes. Chaque dispositif – excepté ceux produits en exemplaires uniques ou par des hôpitaux – devait recevoir un code d’identification unique (UDI) de leur fabricant. La Belgique prévoyait en outre un enregistrement obligatoire des implants à haut risque dans un Registre central des Implants tenu par l’Agence du Médicament (AFMPS) ainsi qu’une carte d’implant pour chaque patient. Aucune de ces mesures n’est encore entrée en vigueur.
Faire coopérer les services publics entre eux pour soutenir et encourager la recherche
Les bases de données publiques contiennent des données très intéressantes, comme par exemple le nombre de décès et d’hospitalisations dans notre pays. Un couplage de ces données avec celles liées à un implant donné pourrait fournir des informations utiles au sujet de sa sécurité (p.ex. combien de fois le patient a-t-il dû être ré-hospitalisé ?) ou en vue de son remboursement au prix de son alternative. L’utilisation de ces données serait également utile pour le fabricant, car réaliser lui-même des études sur son produit coûte très cher et prend énormément de temps.
C’est pourquoi les différents services publics (INAMI, AFMPS, Healtdata.be, …) devraient rendre techniquement possible le couplage de leurs données avec les données de traçabilité des implants, ce qui exige que ces services coopèrent entre eux. Dans le cas où le fabricant souhaite un prix plus élevé que celui de l’alternative, il devra toutefois toujours fournir lui-même les preuves scientifiques nécessaires.