L’incontinence n’est pas nécessairement une fatalité. Qu’on se le dise !
Dans notre pays, les personnes souffrant d’incontinence peuvent recevoir un forfait annuel de l’INAMI si elles satisfont à certaines conditions. Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) a été chargé d’analyser les modalités d’attribution de ces forfaits afin de mieux les adapter aux besoins et d’optimaliser leur accessibilité. En 2016, environ 108 000 personnes ont bénéficié de l’un ou l’autre de ces forfaits (sur une estimation de 400 000 personnes souffrant d’incontinence à des degrés divers). Toutes les personnes souffrant d’incontinence n’y ont pas droit mais il est nécessaire de mieux préciser leurs critères d’accès.
Toutefois, les professionnels interrogés dans le cadre de cette étude ont aussi souligné que les forfaits poussent certaines personnes à acheter des langes plutôt qu’à s’engager dans une démarche active de traitement. Il existe en effet diverses mesures de prévention et de traitement relativement efficaces pour la plupart des formes d’incontinence. Le KCE préconise de mieux informer les patients et les professionnels de la santé au sujet des traitements existants et d’encourager leur utilisation – dans la mesure du possible – avant de se résigner à porter des protections absorbantes.
Un problème aux contours flous
« Perte indésirable et involontaire d’urine ou de selles » : au-delà de cette définition, l’incontinence reste un problème aux contours flous. Entre la fuite furtive de quelques gouttes lors d’un éternuement – ou d’un jogging – et la perte complète et permanente du contrôle des sphincters, la gravité est très variable, tout autant que les mécanismes en cause. En l’absence de définition et de seuils communément acceptés, il est difficile de dire avec précision combien de personnes sont concernées, mais sur la base des résultats de la dernière enquête de Sciensano sur la santé des Belges (2013), on peut estimer ce chiffre à environ 400 000 personnes. Ce qui est certain, c’est que le problème est assez répandu, et qu’il constitue un enjeu de santé publique important en raison de la souffrance intime qu’il engendre et du fardeau économique qu’il représente pour les personnes concernées et l’assurance maladie.
Les deux types de forfaits INAMI pour incontinence …
L'assurance maladie (INAMI) peut accorder (à certaines conditions) deux types de forfaits annuels pour les personnes souffrant d'incontinence : d’une part un « petit » forfait (165 €) pour l’incontinence urinaire non traitable et d’autre part un « grand » forfait (506 €) pour les personnes souffrant d’incontinence urinaire et/ou fécale, mais qui n’est attribué que si la personne est en situation de dépendance (en soins à domicile ou soutenue par un aidant proche). Les forfaits ne sont pas valables en maisons de repos, où le financement se fait par d’autres canaux.
…couvrent-ils bien tous les besoins ?
Pour l’année 2016, on estime à environ 108 000 le nombre de personnes qui ont bénéficié de ces forfaits. Les chercheurs du KCE ont cherché à savoir si ce chiffre correspond bien aux besoins réels et si personne ne passe « sous le radar » du système. Entre autres conclusions, ils ont ainsi pu constater que l’existence même des forfaits est loin d’être connue par le public concerné, et même par les professionnels, que certains en sont exclus (par exemple les personnes souffrant d’incontinence fécale qui ne sont pas en situation de dépendance) et que les critères utilisés pour définir qui y a droit gagneraient à être mieux précisés. En outre, une consommation moindre du petit forfait a pu être observée à Bruxelles et en Wallonie par rapport à la Flandre.
…sont-ils utilisés à bon escient ?
Mais les chercheurs se sont aussi demandé si les forfaits étaient utilisés à bon escient. Car ils servent essentiellement à acheter des « protections absorbantes », ce qui, d’après les recommandations internationales, ne devrait être qu’une solution de dernier recours ou une aide complémentaire à un traitement. En effet, il existe des traitements qui peuvent être efficaces pour certaines formes d’incontinence, notamment la rééducation et l’électrostimulation des muscles du plancher pelvien par des kinésithérapeutes spécialisés, certaines interventions chirurgicales, voire certains médicaments. Pour les cas complexes, il existe de plus en plus de centres multidisciplinaires de périnéologie (« cliniques de l’incontinence ») dans les hôpitaux.
Un risque de « nihilisme thérapeutique »
Certains professionnels interrogés dans le cadre de cette étude ont souligné que « le problème avec les forfaits, c’est que cela pousse les personnes à acheter des langes, pas à s’engager dans une démarche active de traitement ». Ils ont également dénoncé le fait que le marketing des produits e relatifs à l’incontinence présente souvent le problème comme un phénomène « normal » quand on avance en âge, ce qui a pour conséquence que les personnes qui constatent un début d’incontinence ne pensent pas (ou n’osent pas) demander de l’aide auprès de leur médecin et se tournent immédiatement vers le port de protections absorbantes.
Informer, encourager et favoriser la multidisciplinarité
Outre diverses simplifications administratives, les chercheurs du KCE proposent plusieurs pistes pour améliorer la qualité et l’efficacité de la prise en charge de l’incontinence : 1/ bien informer les patients et les professionnels de la santé du fait que l’incontinence n’est pas nécessairement une fatalité irrémédiable, 2/ utiliser les forfaits pour inciter les personnes à entamer un traitement avant de se replier sur des solutions « passives », du moins chaque fois que c’est possible et 3/ favoriser les collaborations entre tous les professionnels qualifiés, médecins, infirmiers et kinésithérapeutes. Puisque la volonté de réformer les forfaits d’incontinence est bien présente, autant en profiter pour impulser une nouvelle dynamique auprès de l’ensemble des acteurs. Dans l’espoir de pouvoir offrir une qualité de vie renouvelée à toutes les personnes concernées.