Comment mieux gérer un afflux soudain de patients dans les hôpitaux ? Le KCE tire les leçons de la première vague de Covid-19
Vers la fin de la première vague de la pandémie, le Centre Fédéral d'Expertise des Soins de Santé (KCE) a été chargé d'examiner le fonctionnement du comité Hospital & Transport Surge Capacity (HTSC) et les mesures prises par celui-ci. Ce comité n’existait pas avant la crise ; il a été créé au début du mois de mars à l'initiative de quelques experts des autorités de santé et du terrain. Son rôle était de conseiller le Risk Management Group (RMG) en matière de gestion de la capacité hospitalière. Très rapidement, le comité HTSC a édicté des mesures claires que les hôpitaux ont mises en œuvre de manière très professionnelle – même s’ils ne les trouvaient pas toujours réalisables.
La composition du comité en fait une plateforme privilégiée pour discuter des questions relatives aux hôpitaux. Le KCE préconise donc de le maintenir en tant qu'organe de crise permanent mais aussi d'y inclure des représentants du terrain (médecins, infirmiers).
Lorsque la crise Covid-19 a éclaté, il a fallu créer rapidement des capacités supplémentaires dans les hôpitaux. Le comité Hospital & Transport Surge Capacity (HTSC) a été mis en place début mars 2020 pour encadrer cette manœuvre et la mener à bon port. Son rôle était d’émettre des avis à l’attention du Risk Management Group (RMG) en matière de capacité de pointe des hôpitaux et de transports de patients.
En juin 2020, le KCE a été chargé de se pencher sur le déroulement de la première vague de l’épidémie dans notre pays (mars-juin 2020) et d'évaluer le fonctionnement du comité et les mesures qu’il a proposées, ainsi que la réponse des hôpitaux. L'objectif était d’en tirer les enseignements et de formuler des recommandations à l'intention des décideurs politiques et des hôpitaux pour l’avenir. La demande émanait du comité HTSC lui-même.
Le KCE a mené des entretiens avec des membres du comité, des représentants du secteur hospitalier et des experts. Il a également organisé une enquête auprès des hôpitaux aigus (62/98 y ont participé), examiné la littérature (internationale), analysé les procès-verbaux des réunions du comité et sa communication avec les hôpitaux et étudié les approches mises en œuvre à l'étranger.
Un organe consultatif qui s’est très rapidement mis à l’œuvre
Lorsque la pandémie a éclaté en Belgique, notre pays ne disposait pas de stratégie pour faire face aux problèmes de capacité hospitalière. Les structures existantes (p. ex. le Risk Assessment Group (RAG), le Risk Management Group (RMG) ou le Centre national de crise (NCCN)) se sont essentiellement concentrées sur l'isolement des personnes revenant de l'étranger et pas tellement sur la provision de capacités hospitalières supplémentaires.
C'est donc à l'initiative d'experts du terrain et des autorités de santé que le comité HTSC a été créé. Il devait surveiller le nombre de patients COVID-19 et le nombre de lits disponibles dans les hôpitaux, et conseiller le RMG en matière de capacité hospitalière, en particulier en ce qui concerne les soins intensifs.
Le comité a démarré très rapidement. En mars et avril, une série de mesures radicales ont été prises pour augmenter la capacité des hôpitaux afin d’accueillir les patients COVID-19 (p. ex. la suspension de tous les soins non urgents). À partir de mai, les consignes se sont davantage orientées vers la préparation d'une éventuelle deuxième vague.
Les hôpitaux ont trouvé ces mesures claires, mais parfois peu réalisables. Ainsi par exemple, le comité a maintenu le niveau de compétence exigé pour le personnel à affecter aux lits de soins intensifs supplémentaires, alors qu'il n'y avait pas suffisamment de professionnels présentant le profil spécifique requis. Par contre, les mesures visant à libérer des lits ont été jugées faisables.
Malgré la sévérité des mesures demandées, l'autorité du comité HTSC n'a pas été remise en question et les hôpitaux ont réagi de manière très professionnelle, dans un bel esprit de solidarité. Cependant, le statut juridique de ces mesures (ainsi que celui du comité) n'était pas clair, de même que les conséquences en cas de refus ou d’impossibilité de les appliquer. Le KCE recommande donc que les plans de répartition proposés par le comité HTSC soient dotés d'un cadre légal permanent afin de permettre au RMG de les rendre immédiatement contraignants en cas de crises futures.
Collaborations entre hôpitaux : de plus en plus souvent à l’échelle du réseau
D'après les entretiens menés dans le cadre de cette étude, il semble que les hôpitaux se soient beaucoup repliés sur eux-mêmes pendant la première vague. Le rôle des réseaux locorégionaux était encore assez limité, car le secteur ne les trouvait pas encore suffisamment « mûrs ». Mais le comité HTSC leur a donné de plus en plus de poids, ce qui a incité les hôpitaux à s’unir pour aborder certains problèmes tels que les transferts de patients et les échanges de matériel de protection individuelle. Après le premier pic, ils se sont accordés pour admettre les patients COVID dans les plus grands hôpitaux, afin que les plus petits puissent reprendre les soins réguliers.
Ce type de collaboration au sein d’un même réseau devrait être renforcé à l'avenir ; pour cela il serait nécessaire de poursuivre le déploiement des conditions nécessaires requises pour ces réseaux, comme un financement approprié et des structures de gestion davantage élaborées au niveau du réseau.
Recrutement de personnel supplémentaire : à coordonner par les autorités
La disponibilité du personnel soignant a été décisive pour la création de capacités hospitalières supplémentaires. L’effort fourni par les hôpitaux et leur personnel a été historique : le temps de travail a été augmenté, des infirmiers et des médecins ont reçu une formation accélérée afin de pouvoir travailler en unités de soins intensifs, pour ne citer que ces exemples. Cependant, ce déploiement de personnel supplémentaire a été abandonné aux hôpitaux eux-mêmes. En cas de crises futures, les autorités pourraient assumer un rôle de coordination plus important.
D’importants budgets ont été récemment dégagés pour améliorer les conditions de travail du personnel infirmier (p. ex. augmentations de salaire) et réduire leur charge de travail, et ce en partie à cause de la crise COVID-19. Des négociations sont également en cours pour améliorer la rémunération des médecins en formation. À présent, ces budgets doivent effectivement être utilisés pour améliorer la situation sur le terrain (p. ex. en diminuant le nombre de patients par infirmier, en répartissant mieux les tâches, en visant une meilleure satisfaction au travail).
De l’importance d’avoir des données au niveau national
Pour gérer correctement la capacité hospitalière, il est indispensable de disposer de données adéquates sur la capacité des hôpitaux et l'utilisation des lits. Le KCE préconise de mettre sur pied un système national de collecte de données pour les soins intensifs, qui puisse fournir une image précise en temps réel des capacités disponibles (lits, équipement, personnel), des caractéristiques des patients et des résultats obtenus.
Les plans d'urgence hospitaliers doivent comporter un volet ‘pandémie’
Lorsqu'un hôpital fait face à un afflux soudain de patients, il doit lancer son plan d'urgence hospitalier (PUH). Au début de la pandémie, la majorité des hôpitaux disposaient déjà d'un tel PUH, mais la plupart n'avaient pas encore été approuvés par les autorités. C’est pourtant grâce à la mise en œuvre du plan que les hôpitaux ont pu réagir rapidement. Pour l'instant, cependant, les PUH ne comportent pas de volet spécifique pour les situations de pandémie ; il serait préférable d’en prévoir un à l’avenir.
Un organe consultatif permanent composé de représentants du terrain
L'étude du KCE montre qu'en raison de sa composition (principalement les autorités et les fédérations hospitalières), le comité HTSC est considéré comme une plateforme privilégiée pour discuter des questions relatives au secteur des hôpitaux. Le KCE préconise donc son maintien en tant qu'organe consultatif permanent, pouvant être mobilisé en cas de nouvelle crise nécessitant une capacité hospitalière supplémentaire.
Toutefois, l’absence de représentants du terrain, et plus particulièrement des infirmiers et des médecins hospitaliers (et médecins chefs) a été soulignée. Il serait donc préférable, à l’avenir, de l’élargir en ce sens, et aussi de pouvoir faire systématiquement appel à des compétences supplémentaires (p. ex. des patients, des éthiciens).