L’ECMO, une technique qui sauve des vies mais qui nécessite d’être encadrée
L’ECMO (ExtraCorporeal Membrane Oxygenation) est une technique d’oxygénation du sang par circulation extracorporelle utilisée dans les unités de soins intensifs. Pendant la pandémie de COVID-19, beaucoup de patients en insuffisance respiratoire grave ont pu en bénéficier. Mais même si elle permet de sauver des vies, cette technique est très lourde et comporte des risques importants. Son utilisation doit donc être bien encadrée.
Il a été demandé au Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) de dresser un état des lieux de l’utilisation de l’ECMO en Belgique et d’identifier les facteurs permettant d’optimiser cette pratique. La littérature en décrit plusieurs, tels que la concentration de l’ECMO dans quelques hôpitaux, la formation (continue) de l’équipe soignante, la mise en place de protocoles standardisés ou l’enregistrement des données.
Les chercheurs du KCE estiment que l’on ne dispose actuellement pas d’une vision suffisamment claire de la manière dont l’ECMO est pratiquée dans nos hôpitaux. Ils préconisent donc de commencer par mettre en place un enregistrement systématique des données nécessaires à une réflexion plus objective sur une éventuelle (ré)organisation de l’ECMO au niveau du pays.
C’est pendant les phases les plus dramatiques de la pandémie de COVID-19 que l’abréviation ECMO (pour ExtraCorporeal Membrane Oxygenation) a été propulsée dans les médias grand public. Il s’agit d’une technique d’oxygénation du sang par circulation extracorporelle utilisée dans les unités de soins intensifs, chez des patients dont le coeur ou les poumons sont gravement défaillants.
Son principe est assez similaire à la circulation extra-corporelle utilisée pendant les interventions de chirurgie cardiaque. Le sang veineux, désoxygéné, est prélevé au niveau du coeur et envoyé sur une membrane capable de l’enrichir en oxygène et de récupérer le CO2 qu’il contient. Cette membrane est dite « extracorporelle » car elle se situe dans un appareil oxygénateur situé à l’extérieur du corps. Le sang réoxygéné est ensuite réinjecté dans la circulation sanguine du patient. Cette technique a été utilisée chez de nombreux patients en insuffisance respiratoire grave lors de l’épidémie de grippe H1N1 en 2009. Depuis lors, son utilisation dans les services de soins intensifs va croissant en Belgique comme dans les autres pays. Lors de la pandémie de COVID-19, beaucoup de patients qui avaient développé des atteintes pulmonaires graves ont pu en bénéficier.
Une technique de dernier recours
L’ECMO est toutefois une technique très lourde, réservée généralement en dernier recours à certains patients de soins intensifs qui sont dans un état très critique. Même si elle permet de sauver des vies, elle est très invasive et comporte de nombreux risques (hémorragies, thromboses…). Son coût est par ailleurs élevé.
Or une technique aussi risquée doit nécessairement être bien encadrée et organisée. Il a donc été demandé au KCE de dresser un état de la situation actuelle de l’utilisation de l’ECMO en Belgique, d’identifier les facteurs qui favorisent son efficacité et sa sécurité et d’analyser les différentes formes d’organisation de ces soins dans d’autres pays proches du nôtre.
Approcher au plus près la réalité du terrain
Les chercheurs du KCE ont analysé les (rares) données disponibles sur l’utilisation et les coûts de l’ECMO dans nos hôpitaux, afin d’avoir une vision la plus proche possible de la réalité belge. Il apparaît que l'utilisation de l'ECMO continue à croître – comme ailleurs dans le monde – mais avec la particularité, chez nous, que la technique est utilisée dans un grand nombre d’hôpitaux et qu’il n’existe pas assez de données propres à la Belgique pour pouvoir déterminer dans quelle mesure cette utilisation est appropriée ou non. Par ailleurs, les hôpitaux mentionnent que l’utilisation de l’ECMO leur occasionne des coûts importants, qui ne sont pas couverts par les montants financés par l’INAMI.
Les conditions d’une bonne efficacité
La littérature internationale identifie plusieurs facteurs qui ont un impact sur l’efficacité de l’ECMO : la formation (continue) de l’équipe soignante, la mise en place de protocoles standardisés pour encadrer le traitement (critères d'éligibilité, durée du processus...), l’enregistrement des données et l’analyse critique des résultats, etc.
Plusieurs études internationales font également état d'une relation entre le nombre d'ECMO réalisées dans un hôpital et les résultats en termes de survie des patients. Or il semble que, dans notre pays, certains hôpitaux n’utilisent cette technique que pour quelques patients seulement chaque année. La question se pose donc de savoir s’il ne faut pas envisager de la réserver à quelques hôpitaux afin de limiter cette dispersion des cas. Plusieurs pays, dont l’Angleterre et l’Italie, ont déjà opté pour une limitation de son utilisation à certains grands hôpitaux géographiquement répartis sur leur territoire.
Ne pas prendre de décision prématurée
Les chercheurs du KCE estiment toutefois qu’il est prématuré de trancher cette question pour la Belgique, car on ne dispose actuellement pas d’une vision suffisamment claire de la manière dont l’ECMO est pratiquée dans nos hôpitaux. Ils préconisent donc de commencer par imposer un enregistrement systématique et plus complet des données des patients, de leurs indications spécifiques, de la durée des traitements et des éventuelles complications.
L’analyse de ces données (p. ex. après 2 ans) devrait faciliter la réflexion sur une éventuelle réorganisation des services d’ECMO (p. ex. en les limitant à certains hôpitaux) et sur la meilleure manière d’y procéder. Un tel scénario devrait par ailleurs nécessairement s’accompagner de la mise en place d’un système efficace de transfert de patients entre hôpitaux (organisation d’équipes ECMO mobiles).
Sans oublier l’avis des patients
Enfin, une analyse de la littérature sur le vécu des patients et de leurs proches a mis en évidence l’importance d’une information claire et régulière par les équipes de soins, ainsi que d’un accompagnement non seulement pendant la durée de l'ECMO, mais aussi après le retour à domicile (risque de syndrome post-soins intensifs).
Par ailleurs, de façon plus générale, certains aspects éthiques mériteraient une réflexion approfondie, notamment la prise en compte des points de vue des patients, des proches et des prestataires de soins lors de l'utilisation de techniques hautement invasives et potentiellement vitales chez des patients en état critique hospitalisés en soins intensifs et incapables de participer aux décisions relatives à leur traitement.