Cancer de l’ovaire: le KCE plaide pour une concentration des soins dans des centres de référence
Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) publie un ensemble de 15 indicateurs de qualité pour la prise en charge du cancer de l’ovaire. Cette démarche s’inscrit dans un processus continu d’amélioration de la qualité des soins en oncologie en Belgique et a déjà été appliquée avec fruit pour d’autres types de cancers.
Les résultats des 15 indicateurs ont été calculés au niveau national, et tous les hôpitaux recevront ensuite un rapport d'évaluation individuel envoyé par la Fondation Registre du Cancer. Cela leur permettra d'identifier leurs points forts et leurs points faibles et d'améliorer leurs pratiques si nécessaire.
Dans une seconde partie, l’étude a démontré que les chances de survie sont nettement plus élevées dans les hôpitaux qui traitent un grand nombre de patientes chaque année. Le KCE plaide donc pour une concentration de la prise en charge du cancer de l’ovaire dans un nombre limité de centres de référence. La reconnaissance de ces centres de référence ne doit cependant pas se baser sur le seul nombre de patientes traitées.
Le cancer de l’ovaire, un « tueur silencieux »
Dans le cadre de son système d’amélioration de la qualité en oncologie, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) vient de publier un ensemble d’indicateurs de qualité relatifs à la prise en charge du cancer de l’ovaire. Ce cancer n’est pas très fréquent (environ 750 cas de cancers de l’ovaire invasifs par an en Belgique) mais son pronostic reste particulièrement sombre, parce qu’il est souvent déjà généralisé au moment de son diagnostic (d’où son surnom de « tueur silencieux »). Partout dans le monde, son taux de survie à cinq ans reste malheureusement inférieur 50 %, et les chiffres belges, comme ceux d'autres pays européens, n’y font pas exception.
Le système belge d’amélioration de la qualité en oncologieLa Belgique a lancé depuis plus de dix ans un processus en trois étapes pour l’amélioration de la qualité des soins aux patients atteints d’un cancer. La première étape consiste à rédiger des recommandations de pratique clinique pour un type de cancer donné (guidelines). Viennent ensuite l’élaboration et la mesure d’une batterie d’indicateurs de qualité permettant d’évaluer la prise en charge de ce cancer (par hôpital et pour l’ensemble du pays). Et enfin, un feedback individualisé est communiqué à tous les hôpitaux belges par la Fondation Registre du Cancer (Belgian Cancer Registry-BCR), afin de permettre à chacun de s’interroger sur ses pratiques et d’adopter des mesures en vue d’améliorer la qualité de ses soins. Après quelques années, ce processus cyclique recommence, en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques. Cette démarche d’amélioration continue de la qualité a déjà été appliquée avec fruit aux cancers du rectum, du sein, du testicule, de l’oesophage et de l’estomac, du poumon et de la tête et du cou. |
15 indicateurs de qualité mesurés pour tous les hôpitaux
La première partie de l’étude publiée aujourd’hui porte sur la sélection et la mesure de 15 indicateurs de qualité (sélectionnés à partir d'une liste initiale de 244 indicateurs potentiels). Cette sélection a été opérée avec le Registre du Cancer, en concertation avec un panel d’experts cliniques. Chaque fois que cela était possible, une valeur minimale (objectif) à atteindre a été définie.
Ces indicateurs de qualité portent sur le processus de diagnostic et de stadification du cancer (p. ex. pour quel pourcentage de patientes a-t-on déterminé de façon complète le stade la tumeur ?, ou réalisé des tests génétiques?) et sur le traitement (p. ex. quel a été le délai entre le diagnostic et le début du traitement ? quel est le pourcentage de patientes qui ont reçu le nombre requis de cures de chimiothérapie ?). L’ensemble est complété par des indicateurs sur la mortalité post-opératoire, la survie à 1 et 5 ans et les éventuelles complications du traitement chirurgical.
Les 15 indicateurs ont ensuite été mesurés au niveau national et pour chaque hôpital (sur la base de données codées). Les résultats nationaux par indicateur sont donnés dans le rapport. Le Registre du Cancer enverra à tous les hôpitaux leurs résultats individuels, mis en perspective par rapport à ceux (anonymisés) des autres hôpitaux (benchmarking), de manière à leur permettre d’identifier leurs points forts et leurs points faibles et d’adapter leurs pratiques si nécessaire.
Une grande dispersion des soins
La deuxième partie de l’étude a consisté à comparer les taux de survie selon le nombre de patientes traitées par hôpital. Il apparaît que la durée de survie médiane est plus élevée (4,2 ans contre 1,7 ans) pour les patientes traitées dans les hôpitaux qui prennent en charge un grand nombre de patientes chaque année. Ce n’est pas une surprise, car le KCE a déjà fait ce constat pour plusieurs autres types de cancer par le passé (notamment pour les cancers de la tête et du cou en 2019 et le cancer du poumon en 2016).
Il est donc préoccupant de constater que, entre 2014 et 2018, les 4000 femmes chez qui un cancer de l'ovaire invasif a été diagnostiqué, ont été traitées dans 100 hôpitaux belges différents et que la moitié de ces hôpitaux ont traité moins de six patientes par an. Si l’on se focalise sur la seule chirurgie, on observe que seuls 5 hôpitaux ont opéré plus de 20 patientes par an. C’est pourquoi le KCE plaide en faveur d’une concentration de la prise en charge du cancer de l’ovaire dans un nombre limité de centres de référence, afin de diminuer la fragmentation actuelle des compétences et de l’expérience des équipes soignantes
Le nombre de patientes traitées n’est pas le seul critère
Le nombre de patientes traitées (ou opérées) n'est cependant pas le seul critère à prendre en compte. Déjà en 2014, le KCE précisait, dans son rapport 219, qu’un centre de référence pour le traitement des cancers gynécologiques devait notamment comporter une équipe multidisciplinaire spécialisée et expérimentée ainsi que des installations et équipements adéquats (p. ex. possibilité de section congelée per-opératoire, traitements de préservation de la fertilité, clinique du lymphoedème…). Il doit également pouvoir garantir la continuité des soins, suivre une procédure d’assurance-qualité, être engagé dans la recherche, etc. Les auteurs de la présente étude réitèrent donc aujourd’hui ce plaidoyer.
Un feedback aux hôpitaux…et aux patients ?
Actuellement, le processus d’amélioration de la qualité met surtout l’accent sur le feedback vers les hôpitaux. Mais les patients demandent à avoir eux aussi accès à ces informations, qui peuvent leur être d'une grande utilité lorsqu’ils doivent choisir l’hôpital où ils iront se faire soigner. En Flandre, l'Institut flamand pour la qualité des soins (VIKZ) publie certains résultats d’indicateurs de qualité (p. ex. pour le cancer du sein et le cancer du rectum). Le KCE recommande donc d’engager une réflexion commune avec tous les partenaires (VIKZ et PAQS*, Registre du Cancer, hôpitaux et représentants des patients) sur la manière de rendre ces informations publiques de manière correcte et accessible au grand public, tant pour les bons résultats que pour les moins bons.
* Plateforme pour l’Amélioration continue de la Qualité des soins et de la Sécurité des patients