07 nov 2013 06:53

Cancers localisé de la prostate : l’attitude du médecin souvent trop déterminante dans le choix du traitement ?

Face à un cancer localisé de la prostate, on peut envisager de débuter la prise en charge par une surveillance active (SA). Dans ce cas, on vérifie régulièrement s’il y a progression du cancer et on démarre un traitement classique dès que la maladie évolue. La décision de ne pas éliminer d’emblée un cancer n’est toutefois jamais évidente. Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) s’est intéressé à la manière dont les médecins et les patients perçoivent la SA, aux facteurs qui influencent la décision du malade d’accepter cette forme de prise en charge et à ceux qui poussent le médecin à la lui proposer. Il va sans dire que l’état physique du patient, son âge et la nature de la tumeur doivent être compatibles avec une surveillance active, mais de nombreux autres facteurs interviennent parmi lesquels les préférences du malade, l’influence de l’entourage et surtout l’attitude du médecin. Pour qu’un patient soit susceptible d’opter pour la SA, il faut qu’au moins un des médecins consultés soit convaincu du bien-fondé de cette approche et le rassure à ce propos. Le KCE plaide en faveur d’un partage de la prise de décision entre le patient et le médecin, ce qui nécessite notamment une information complète du patient et les aptitudes adéquates, chez les médecins, pour mener à bien ce type de prise de décision partagée.

Découvrir un cancer sans chercher d’emblée à l’éliminer peut sembler complètement irresponsable. Face à un cancer localisé de la prostate, on peut néanmoins envisager de débuter la prise en charge par une phase de surveillance active. Il est en effet possible que ce type de cancer n’évolue pas ou n’évolue que très lentement. Or les traitements classiques ne sont pas dénués d’effets secondaires, comme l’incontinence ou l’impuissance, ce qui peut affecter sérieusement la qualité de vie du patient. Dans le cadre de la SA, le médecin réalise régulièrement un dosage du PSA et une biopsie et un traitement classique peut être entamé dès que la maladie évolue. Cette approche permet parfois d’attendre jusqu’à 10 ans avant d’intervenir.


Pourtant, la SA n’est jamais un choix facile. Notre premier réflexe face à une tumeur est en effet de procéder le plus rapidement possible à son élimination, même si ce n’est en fin de compte pas toujours la meilleure solution pour le patient. Le KCE s’est intéressé à la manière dont les médecins et les patients perçoivent la SA, aux facteurs qui influencent la décision du malade d’accepter cette forme de prise en charge et à ceux qui poussent le médecin à la lui proposer.

L’ablation opératoire n’est plus automatique

Les médecins interrogés ont l’impression que la décision de procéder à l’ablation chirurgicale de la prostate est déjà beaucoup moins automatique qu’il y a 10 ou 20 ans. Cela s’explique en partie par le rôle de plus en plus important de la radiothérapie, mais aussi par une prise de conscience croissante que la chirurgie pourrait bien être utilisée de manière excessive. Les obstacles et les craintes face à la SA restent néanmoins très importants chez les patients comme chez les médecins, et la décision d’intervenir immédiatement ou non reste le fruit d’une réflexion complexe.

De nombreux facteurs influencent la décision

La sévérité de la tumeur, l’âge et l’état de santé du patient jouent le premier rôle dans la décision du médecin de proposer ou non la SA. Mais de nombreux autres facteurs interviennent. Ainsi, le fait d’être marié ou d’avoir de jeunes enfants peuvent être une raison pour le patient de privilégier une approche plus radicale plutôt qu’une SA. D’un autre côté, les médecins seront plus facilement enclins à recommander cette dernière aux personnes qui ont encore une activité professionnelle, car cette forme de prise en charge affectera sensiblement moins leurs activités.


Les préférences du patient sont également importantes. Les patients qui privilégient leur qualité de vie et craignent les effets secondaires des traitements radicaux accepteront plus facilement la SA que les patients qui veulent à tout prix extirper le cancer de leur corps et se donner toutes les chances de survivre.

L’attitude et la communication du médecin généralement déterminantes

Pour pouvoir poser un choix avisé et bien réfléchi, le patient doit évidemment avant tout être informé de toutes les options possibles de traitement – en première instance par son médecin. Selon notre étude, pour qu’un patient soit susceptible d’opter pour la SA, il faut qu’au moins un des médecins consultés soit convaincu du bien-fondé de cette approche et le rassure à ce propos. Les aptitudes communicationnelles du praticien et sa position en faveur ou non de la SA ont donc un impact majeur sur la décision du malade.


Pour tenir compte de la détresse émotionnelle du patient face au cancer, le diagnostic devrait être annoncé au cours d’une consultation spécifique. Le patient devrait recevoir une information correcte et complète sur les différents  traitements, mais aussi sur leurs risques et leurs avantages. Le médecin qui propose les options au patient devrait avoir discuté de celles-ci avec ses collègues lors d’une consultation oncologique multidisciplinaire.
Certains patients se mettent aussi activement en quête d’informations auprès d’autres sources. Le médecin généraliste peut être une aide dans la prise de décision ; le réseau social du patient également (famille, amis, connaissances possédant un profil médical...) même si l’influence de ce dernier peut être parfois difficile à gérer par les médecins.


Un matériel d’information complet et précis devrait être réalisé et mis à disposition de chaque patient concerné. Il y a aussi lieu d’impliquer davantage l’épouse ou partenaire dans la décision. Il serait également nécessaire de développer davantage au cours de leur formation de base et continue les aptitudes des médecins à mener un tel processus de décision partagée avec le patient.

Soutien scientifique et financier au corps médical

Les médecins craignent d’identifier trop tardivement une tumeur agressive et citent explicitement ce problème comme un désavantage de la SA. Pour les épauler dans le diagnostic et la prise en charge des tumeurs de la prostate, le KCE plaide en faveur d’une meilleure diffusion des directives cliniques et scientifiques. Une documentation sur les techniques existantes permettant d’affiner la caractérisation de la tumeur devrait également être mise à leur disposition.


Les médecins considèrent aussi l’accompagnement de la SA comme une option relativement chronophage, et financièrement assez peu intéressante. Il est donc nécessaire de réexaminer le financement de toutes les formes de traitement du cancer de la prostate afin de rendre moins désavantageuses celles qui demandent un grand investissement en temps.