10 fév 2014 01:39

Cancers rares et complexes : enfin des centres de référence reconnus en Belgique ?

En Belgique, quelque 62.000 nouveaux diagnostics de cancer sont posés chaque année chez des patients adultes. Environ 4.000 (7%) concernent des formes rares et surviennent chez moins de 6 personnes pour 100.000 habitants. Leur diagnostic et leur traitement sont souvent très complexes. Pourtant, les 119 hôpitaux aigus de notre pays sont actuellement habilités à diagnostiquer et à traiter ces tumeurs rares ou complexes, alors qu’ils ne disposent pas nécessairement de l’expérience, des compétences ou même de l’infrastructure nécessaire. Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) plaide donc pour que la prise en charge de ce groupe de patients soit réservée à des centres de référence, qui répondent à des critères bien définis. De cette manière, une prise en charge optimale et de qualité comparable serait assurée aux patients atteints de ces cancers. L'année dernière, le KCE formulait cette même recommandation pour le cancer de l'œsophage et de l'estomac, qui requièrent un traitement très complexe. Cette recommandation est ici étendue aux autres cancers rares et/ou complexes.

4.000 nouveaux cas de cancers rares chaque année

En Belgique, près de 62.000 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chaque année chez des patients adultes. Environ 4.000 (7%) sont des formes rares, et surviennent chez moins de 6 personnes pour 100.000 habitants. Il y a beaucoup de types différents de cancers rares. Bon nombre d’entre eux touchent moins de 100 patients chaque année en Belgique.


Les deux familles de cancers rares les plus courantes sont les tumeurs malignes des organes digestifs (principalement le foie et la vésicule biliaire) et certains cancers du sang. D'autres cancers sont difficiles à diagnostiquer et/ou à traiter, par exemple les tumeurs de la tête et du cou ou encore les cancers survenant chez la femme enceinte.

Le traitement est actuellement possible dans chaque hôpital

Du fait de leur faible fréquence, ces cancers font souvent l’objet d’erreurs ou de retards de diagnostic. Chaque hôpital ne dispose pas des compétences nécessaires pour reconnaître rapidement ces formes rares de cancer et pour les traiter de manière optimale. Le traitement lui-même est souvent très complexe. C’est pour cette raison qu’il devrait idéalement être confié à des équipes multidisciplinaires expérimentées, spécialisées et disposant d’un équipement adapté (souvent un appareillage de pointe).


Pourtant, chaque hôpital belge ayant un programme de soins en oncologie peut actuellement traiter des malades atteints d’un cancer rare ou d'un cancer nécessitant des soins complexes, tels que certaines tumeurs cérébrales ou oculaires ou certains cancers de l’œsophage, de l'estomac, du pancréas ou du péritoine, par exemple. En conséquence, dans notre pays, nombreux sont les hôpitaux qui ne voient passer chaque année qu’un nombre très limité de patients avec de telles tumeurs.


C’est notamment le cas pour le cancer du pancréas, qui exige souvent une chirurgie très complexe et à haut risque : en 2011 une telle opération a été effectuée dans pas moins de 91 hôpitaux belges, dont plus de la moitié n’en avaient réalisé que 4 ou moins sur la même année ... et dont 9 seulement enregistraient 20 interventions ou plus par an.

Meilleures chances de survie pour les patients dans des centres expérimentés

De nombreuses études scientifiques belges et internationales démontrent de manière convaincante  que la survie est meilleure et les risques de complications moindres lorsque les interventions à haut risque sont conduites dans un centre qui atteint un seuil minimal d’activité par an. Etant donné que le nombre annuel de traitements et les résultats obtenus par hôpital ne sont pas publiques, les patients belges n’ont actuellement aucun moyen de savoir où s’adresser de préférence pour la prise en charge d’un cancer rare ou complexe.

Réserver le diagnostic et le traitement aux hôpitaux spécialisés et expérimentés

Le KCE plaide pour qu'un nombre limité d'hôpitaux expérimentés soient reconnus comme centres de référence et soient autorisés à soigner les patients ayant un cancer rare ou complexe. Ainsi, les patients auront l'assurance que ces hôpitaux, vers lesquels ils seront dirigés, remplissent toutes les  conditions nécessaires pour des soins optimaux.


Pour qu'un hôpital soit reconnu 'centre de référence', il devra répondre à un certain nombre de critères. Pour les définir, le KCE a fait appel à 220 experts cliniques actifs dans 30 hôpitaux différents (universitaires ou non). Parmi les conditions que ces spécialistes ont fixées pour 14 types de tumeurs rares ou complexes (voir tableau ci-dessous), on retrouve notamment une approche multidisciplinaire, un nombre minimal de patients traités et une surveillance continue de la qualité.


Ce n’est qu'en respectant ces conditions qu’il est possible d’acquérir et de maintenir un haut degré d’expertise. A plus long terme, des critères de qualité devraient également être fixés pour d’autres cancers.

Un réseau de centres de référence et d’hôpitaux périphériques

Les centres de référence sont encouragés à former un réseau de soins avec les centres périphériques, ce qui permettrait de maintenir les volets moins complexes de la prise en charge dans un hôpital local, proche du domicile du patient. Un coordinateur des soins se chargerait alors d’assurer la  transition fluide entre les différents établissements.

Amélioration de la qualité des soins et de la survie des patients grâce aux centres de référence

La notion de centre de référence n’est évidemment pas nouvelle : on la retrouve déjà dans le Livre blanc contre le Cancer publié en 2007 et dans le Plan National Cancer de la ministre Onkelinx. Entretemps, la nouvelle directive européenne relative aux soins transfrontaliers impose également aux différents États de désigner et de reconnaître des centres de référence.


Le Danemark, les Pays-Bas et la France ont déjà fait ce pas vers la centralisation des soins, avec à la clé de meilleurs résultats. En particulier, la centralisation de certaines opérations à haut risque a permis d’abaisser de façon spectaculaire la mortalité qui y est associée. La qualité du diagnostic a aussi été améliorée grâce à une double lecture systématique des échantillons de cellules tumorales  par un deuxième expert, par exemple dans le cas des sarcomes, très difficiles à reconnaître.


14 formes spécifiques de cancer pour lesquelles des critères sont définies pour les Centres de Référence

Cancers rares du sang
Cancers de la tête et du cou
Cancers du système nerveux central (cerveau et moelle épinière)
Tumeurs rares des organes endocriniens (ex. thyroïde)
Tumeurs neuroendocrines (tumeurs qui produisent des hormones)
Mésothéliomes (cancers de la plèvre)
Cancers rares des organes reproducteurs féminins
Cancers survenant pendant la grossesse
Cancers de l'œsophage
Cancers du pancréas
Cancers du foie et de la vésicule biliaire
Cancers rares de la peau
Cancers du péritoine
Polypose adénomateuse familiale (forme héréditaire de cancer colorectal)

Reportage

Le KCE a réalisé un reportage filmé sur ce thème, qui moyennant une citation de la source, peut être en tout ou en partie, projeté et diffusé. Ce reportage est disponible via site web du KCE: www.kce.fgov.be. Une version en haute résolution est à votre disposition sur demande à press@kce.fgov.be