03 Mar 2005 14:00

Discours du Premier Ministre à l'occasion de l'ouverture de la Troisième Conférence Internationale sur le Fédéralisme

Discours du Premier Ministre à l'occasion de l'ouverture de la Troisième Conférence Internationale sur le Fédéralisme
Bruxelles, le 3 mars 2005

Communiqué :
Discours du Premier Ministre à l'occasion de l'ouverture de la Troisième Conférence Internationale sur le Fédéralisme
La version française du discours est disponible sur le site web du Premier Ministre : wwww.premier.be

Discours du Premier Ministre à l'occasion de l'ouverture de la Troisième Conférence Internationale sur le Fédéralisme Bruxelles, le 3 mars 2005 Communiqué : Discours du Premier Ministre à l'occasion de l'ouverture de la Troisième Conférence Internationale sur le Fédéralisme La version française du discours est disponible sur le site web du Premier Ministre : wwww.premier.be

Discours du Premier Ministre à l'occasion de l'ouverture de la Troisième Conférence Internationale sur le Fédéralisme Sire, Chers collègues, Mesdames et messieurs, Notre pays a aujourd'hui le grand honneur d'accueillir des responsables politiques et des experts issus de plus de quatre-vingt pays dans le cadre de la troisième conférence internationale sur le fédéralisme. A l'instar du Canada et de la Suisse, pays organisateurs des deux dernières conférences, la Belgique épouse les formes d'une structure étatique fédérale. Chaque pays fédéral est différent, unique. Chaque État fédéral présente une conception propre. Dans ce sens, le fédéralisme représente une méthode plutôt qu'un modèle. En effet, une structure étatique ne constitue point de donnée statique; elle est, bien au contraire, un processus dynamique qui requiert des adaptations, des perfectionnements réguliers. C'est ce que nous faisons depuis vingt-cinq ans en Belgique. Cette année, notre pays fête en effet son 25ème anniversaire en tant qu'État fédéral. Depuis 1980, l'article premier de notre constitution stipule: "La Belgique est un État fédéral qui se compose des communautés et des régions». L'année 1980 ne marque toutefois ni le début, ni le point final. Les premiers ingrédients qui ont caractérisé la structure fédérale de la Belgique datent du début des années 60 avec la fixation de la frontière linguistique et l'instauration du principe de territorialité. De la sorte, nous reconnaissions en fait officiellement que la séparation entre la partie romane et la partie germanique de l'Europe se situait au c?ur de notre pays. En 1970, la Constitution reconnaissait et délimitait les régions linguistiques et les communautés. Cette étape jeta les bases d'une structure fédérale assez unique qui opérait une distinction entre le territoire et la langue. En 1980, cette distinction fut concrétisée par la création de trois régions, parallèlement aux trois communautés culturelles, à savoir les communautés française, flamande et germanophone. Les Régions wallonne, flamande et bruxelloise qui ont été distinguées en fonction du territoire. Les compétences concernant les matières personnalisables furent transférées du niveau fédéral aux communautés. Les régions se virent quant à elles attribuer des compétences liées au territoire, telles que l'économie, l'emploi, l'aménagement du territoire, l'environnement et le logement. Après avoir vécu les réformes de 1988, 1993 et de 2001, qui ont attribué aux entités fédérées des institutions élues ainsi que des moyens financiers solides, il est maintenant temps d'adapter les institutions politiques fédérales. Le régime bicaméral unitaire ne correspond plus à la réalité des faits. Le Sénat actuel évoluera en une chambre des régions et des communautés, compétente en matière de Constitution, de lois spéciales, d'accords internationaux, de traités et d'accords de coopération multilatéraux. Ce nouveau Sénat sera également habilité à évoquer les décisions de la Chambre fédérale lorsque celles-ci concerneront les droits et les intérêts des régions et des communautés. Le modèle étatique belge constitue surtout un exemple dudit "fédéralisme décentralisé", qui prévoit le transfert de compétences du niveau fédéral vers le niveau des entités fédérées. L'inverse existe également : un ordre étatique fédéral au sein duquel les régions ou les nations confient une partie de leurs compétences à un ensemble plus vaste. En guise d'exemple, citons la fondation des Etats-Unis d'Amérique, nés en 1787 à Philadelphie, de la volonté de James Madison et de Georges Washington de fondre la Confédération d'Etats disparates en une véritable Union. Au 19ème siècle, de nombreux Etats ont suivi cet exemple, tels l'Allemagne ou l'Italie. L'exemple le plus célèbre du 20ème siècle est bien entendu celui de l'Union européenne. Le projet qui, il y a cinquante ans, ne consistait qu'en une simple collaboration entre six Etats dans les domaines du charbon et de l'acier, se présente aujourd'hui comme une Union comptant 25 Etats membres. La construction de l'Union européenne dure maintenant depuis cinquante ans. Pas à pas. Chaque avancée de cet énorme projet est un pas en avant sur le chemin de la prospérité et de la paix. Partant d'une collaboration économique, nous sommes passés par un marché interne pour progresser vers une monnaie unique. Partant d'une politique de sécurité commune, nous passons par une politique de défense commune pour progresser vers un Ministre européen des Affaires étrangères. Et espérons que bientôt, chaque Etat membre ratifiera également la Constitution européenne. En bref, la construction d'un Etat fédéral suit un processus relativement lent qui nécessite de la part de chacune des parties une propension au compromis. Malgré toute la difficulté de cette attitude, la pratique démontre qu'il s'agit de la méthode à suivre pour prévenir les conflits. Qu'il s'agisse de conflits entre cultures, langues ou religions. Un Etat fédéral démocratique remplace la guerre armée par un dialogue structuré. La diffusion du fédéralisme, associée à la démocratie, peut, dans de nombreuses zones de conflit du monde, incarner un instrument pour la paix. Elle peut également être une arme contre ce que de Tocqueville appelait "la tyrannie de la majorité". Chaque conflit exige bien entendu une solution spécifique. Et il est vrai que l'on ne peut transplanter la structure de la Belgique, de la Suisse ou de tout autre pays fédéral. Il n'en reste pas moins primordial que cette conférence, forte de l'expertise et du savoir-faire disponibles, examine, dans les prochains jours, comment le fédéralisme peut contribuer à la prévention des conflits dans des sociétés complexes multiculturelles ou multireligieuses. Prenons l'Irak par exemple. Il y a un mois, les premières élections démocratiques y ont été organisées. Malgré la menace de terrorisme, elles furent un succès. Nous sommes maintenant confrontés à un défi d'envergure : construire avec les Irakiens un Etat durable. La Belgique a déjà apporté sa contribution à l'élaboration d'une constitution. Ce n'est pas une sinécure. L'Irak compte en effet différents groupes ethniques, diverses langues et religions. Il y a lieu d'examiner dans quelle mesure l'octroi d'un certain degré d'autonomie aux diverses communautés pourrait apporter la stabilité indispensable qui fait cruellement défaut aujourd'hui. Chypre ou Jérusalem sont d'autres exemples. Bruxelles est une Région gérée économiquement par une autorité unique, mais culturellement par deux Communautés. Voilà un cas de figure intéressant qui pourrait peut-être servir d'exemple. Citons encore le Congo, Mesdames et Messieurs, qui, actuellement, est à la recherche d'un difficile équilibre entre unité et diversité. Le Congo sort d'une période de guerre qui a déstabilisé tant l'économie, les structures étatiques que la population congolaise. Une feuille de route concrète pour garantir la transition du Congo est actuellement sur la table ; il s'agit des accords de Sun City. Une nouvelle constitution est une étape essentielle dans le processus de transition. Dès lors, je souhaite vivement que le projet de constitution, qui est actuellement présenté, soit adopté sans délai. Le projet de constitution crée un état fortement décentralisé dans lequel les provinces jouent un rôle très important et jouissent d'une certaine autorité. Une fois adopté, des élections doivent être organisées selon le calendrier établi. Ce chemin vers la démocratie, vers un Etat décentralisé stable au Congo est en outre une garantie de stabilité pour toute la région. La communauté internationale serait cependant bien malhonnête de notre part et de la part de la communauté internationale de nous contenter de poser des exigences. Une aide internationale doit soutenir ce beau pays d'Afrique dans son processus de transition. Chacun de nous, je tiens à le souligner, doit maintenant libérer les fonds nécessaires pour le Congo. Mesdames et messieurs, Cette troisième Conférence Internationale sur le Fédéralisme n'est pas un colloque ou un séminaire sans engagement. Le fédéralisme est un instrument de paix, un instrument de démocratie. Quantité de pays dont la vie quotidienne est rythmée par des conflits ont besoin de solutions créatives. Ces trois prochains jours, chacun d'entre vous aura une mission. La mission de rassembler votre expérience et votre créativité, de chercher des solutions et de faire progresser la paix dans le monde. Je vous remercie.