02 déc 2003 01:00

Discours prononcé par le Premier Ministre Athènes

Discours prononcé par le Premier Ministre Guy Verhofstadt à l'occasion de l'inauguration du centre international de conférence du Athens Concerthall
Athènes, le 1er décembre 2003

Discours prononcé par le Premier Ministre Guy Verhofstadt à l'occasion de l'inauguration du centre international de conférence du Athens Concerthall Athènes, le 1er décembre 2003

Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Président de la Commission, Mesdames et Messieurs, C'est pour moi un honneur de pouvoir prendre la parole à l'occasion de l'inauguration du "Centre international de Conférence". Le splendide bâtiment du Megaron Moussikis est à présent complété pour former une sorte de nouveau Parthénon: une combinaison parfaite du théâtre et de l'agora, de débats et de musique. Une combinaison typique pour la Grèce, typique pour Athènes. Chaque fois que je me rends à Athènes, je suis pris d'un sentiment particulier. Les valeurs pour lesquelles nous luttons en Europe depuis des siècles existaient déjà à Athènes il y a 2.500 ans: l'indépendance de la pensée, la liberté d'expression, l'Etat de droit, la démocratie. Ce n'est pas un hasard si la devise de la Grèce est encore toujours: eleftería i thanatos; la liberté ou la mort. À ce titre, le Parthénon vieux de 2.500 ans nous rappelle dans la pierre notre mission: ne jamais plus oublier, dans une Europe sans cesse plus unifiée, l'importance que revêtent la liberté et la démocratie. Ce n'est assurément pas une mission aisée. En effet, la situation de l'antique Athènes diffère de la situation européenne actuelle. Pour donner un exemple: au cinquième siècle avant Jésus-Christ, l'assemblée populaire à Athènes comptait environ 20.000 citoyens jouissant du droit de vote. À l'heure où je vous parle, rien que la Commission européenne regroupe déjà plus de 20.000 fonctionnaires. La comparaison montre que la démocratie européenne est devenue particulièrement complexe. À tel point que la plupart des citoyens n'a d'idée du mode de fonctionnement de l'Union européenne. Ils ne savent pas davantage quel est leur rôle au cSur de la démocratie européenne. C'est précisément pour dessiner l'avenir démocratique d'une Europe unifiée que nous avons opté à Laeken pour une nouvelle méthode révolutionnaire: la Convention. Et reconnaissons-le, le succès fut inespéré. Un texte de consensus global fut approuvé. Et la présentation de ce texte ici en Grèce, dans le cadre du Conseil européen de Thessalonique, a fait forte impression. Le détricotage du résultat des travaux de la Convention - comme si un consensus au sein de la Convention n'avait jamais atteint - constitueraient une erreur historique. En effet, la Convention a joui d'une très forte légitimité. Une légitimité qu'elle tira de sa composition et de la manière de travailler. En plus, le projet de la Convention remonte aux idées et aux idéaux des fondateurs de l'Europe. Jean Monnet et Robert Schuman savaient très bien ce qu'ils visaient. L'Europe devait et deviendrait une Europe unifiée, pas à pas et nonobstant les intérêts apparemment différents. Le doute n'a pas sa place ici. La direction que nous "montre" l'histoire est claire et précise. L'avenir de l'Europe se situe dans le développement d'une Europe fédérale. Une fédération qui, sur la base d'une constitution, respecte l'autonomie et les compétences des Etats membres qui la constituent. Les propositions formulées par la Convention représentent indéniablement pour les partisans de l'Europe fédérale un pas dans la bonne direction. La préservation des propositions formulées par la Convention doit dès lors être le point de départ. L'enjeu de la Conférence intergouvernementale n'est pas la préservation des intérêts nationaux, n'est pas le renforcement de la position des personnes ou des parties? L'enjeu est d'approuver une constitution pour l'Union et d'instaurer une Union de 25 Etats membres efficace. Une Union européenne qui ne verse pas dans la léthargie et ne se perd pas dans des discussions de compétences. Une Union européenne dynamique. Une Union capable de défendre les valeurs qui sont les siennes, dans et à l'extérieur de ses frontières, une Union européenne démocratique et transparente pour ces citoyens. Mesdames et Messieurs, Dans ses Mémoires, Jean Monnet compara le parcours de l'Europe à l'épopée du Kon-tiki, ce bateau antique et primitif à bord duquel quelques jeunes scientifiques traversèrent l'Atlantique. Monnet écrivit: "Ces jeunes hommes ont choisi leur direction, puis ils sont partis en sachant qu'ils ne pourraient plus faire demi-tour. Quelles que soient les difficultés, ils n'avaient plus qu'une ressource: continuer d'avancer. Nous aussi, nous allons vers notre but, les Etats-Unis d'Europe, dans une course sans retour." À ce jour, l'histoire semble donner raison à Jean Monnet. Même si la doute s'installe. Certains Etats membres nient, en effet avant même leur adhésion, la finalité politique du projet européen. Ces pays doivent cependant très bien savoir que les conséquences d'un échec au niveau de la Conférence intergouvernementale seraient dramatiques. Convaincre la conférence - avec l'ensemble des Etats membres qui entendent rester fidèles aux idées et aux idéaux des fondateurs de l'Europe -de la légitimité et du contenu du projet de constitution aujourd'hui proposé est pour moi une mission qui nous incombe. Ce sera la mission de la Grèce, de la Belgique et de tous les pères fondateurs de convaincre toute l'Europe, ensemble, rapidement et avec force. Mesdames et Messieurs, La fière pensée indépendante des antiques cités grecques a conduit ces cités à d'épuisantes guerres. Leur fierté était à ce point grande qu'elles préféraient encore une domination extérieure à l'idée de coopérer entre elles. Ce refus de coopérer et ces luttes intestines sonnèrent avant l'heure le glas de la Grande Grèce. Les Guerres du Péloponnèse opposèrent alors des Etats. Mais à non dire, c' étaient des guerres civiles grecques. L'histoire de l'Europe depuis le Moyen-Age n'est également qu'une succession de guerres mettant aux prises des Etats. Aujourd'hui, 2.400 années après la Grèce, nous sommes presque arrivés au point où nous pourrions appeler ces guerres, aussi des guerres civiles, "les guerres civiles européennes". Nous en avons tiré les enseignements requis. Et en gardant à l'esprit notre histoire, nous travaillons depuis 60 ans au projet unique d'Union européenne. Le chemin qui conduit de Laeken à Rome croise le cours du Rubicon. Si l'Union européenne veut demeurer fidèle à sa mission initiale, le texte produit par la Convention est la seule voie que l'Europe peut suivre. Traversons ce Rubicon, en conservant à l'esprit le Traité de Rome. Où comme le déclara jadis Jules César en grec: aneriphto kubos; les dés sont jetés et tout retour en arrière est impossible. Je vous remercie et nous nous revoyons aux jeux Olympiques.