08 mai 2007 01:45

Discours Verhofstadt - Soldat inconnu

EMBARGO JUSQUE MARDI 8 MAI 11H

DISCOURS DU PREMIER MINISTRE GUY VERHOFSTADT A L'OCCASION DE LA CEREMONIE DU 8 MAI DEVANT LA TOMBE DU SOLDAT INCONNU.

BRUXELLES, LE 8 MAI 2007.

EMBARGO JUSQUE MARDI 8 MAI 11H DISCOURS DU PREMIER MINISTRE GUY VERHOFSTADT A L'OCCASION DE LA CEREMONIE DU 8 MAI DEVANT LA TOMBE DU SOLDAT INCONNU. BRUXELLES, LE 8 MAI 2007.

Sire, Mesdames et Messieurs, Nous commémorons aujourd'hui la guerre la plus importante et la plus sanglante de l'histoire de l'humanité. 55 millions de morts. En six ans. Une guerre mettant en jeu la civilisation européenne elle-même. Chaque fois que j'y pense, je me demande : Comment cela devait-il être ? Que pouvait-il bien se passer dans la tête de tous ces citoyens et surtout de tous ces soldats ? La peur d'une balle soudaine, de l'explosion d'une grenade, d'une embuscade ? Le courage indescriptible de rester debout malgré les dangers de la vie, l'arme en main, et de continuer à avancer jusqu'à la prochaine maison, jusqu'au prochain pont, jusqu'au prochain village. Six années marquées par la faim, l'angoisse, l'horreur et la destruction. Six années de doute et de profonde incertitude quant à l'avenir. Tous ces sentiments existentiels, les générations d'après-guerre n'ont plus eu à les subir dans notre pays. Ces générations, dont la mienne, en ont été épargnées. C'est à vous, les anciens combattants, que nous le devons. Grâce à votre courage et votre persévérance, grâce aux innombrables sacrifices, nous pouvons commémorer le 8 mai, plus de 60 années plus tard, dans la paix et dans un climat de prospérité inégalée. Ce courage était exceptionnel car il n'était pas évident. Et plus le temps passe, plus il est difficile de se représenter la situation à l'époque. C'est pourquoi nous ne le répéterons jamais assez. La situation semblait en effet désespérée lorsque le 10 mai 1940, une Allemagne nazie toute-puissante envahissait la Belgique. Dès les premières heures, l'aviation belge fut clouée au sol, détruite par les bombardements massifs. Les chars et les avions poursuivirent leur invasion avec une terrifiante rapidité à travers les Ardennes belges et françaises. Le fort d'Eben-Emael, près de Liège, à la réputation d'"imprenable", fut assiégé en un jour seulement. Deux ponts surplombant le Canal Albert tombèrent, intacts, dans les mains des Allemands. La Meuse fut traversée et les positions françaises encerclées. Tandis que la percée fut actée, après quelques jours, au sud, les Pays-Bas capitulèrent après seulement trois jours et l'armée belge fut contrainte d'abandonner certaines positions clés, incapable ou presque d'opposer une résistance. Et si les soldats belges ne perdaient pas espoir et tentaient de résister sur quatre fronts à la suprématie envahissante, ils devaient pourtant quitter, sur ordre de la France, le front de l'Escaut. La voie vers Dunkerque était ouverte. Malgré la couverture des soldats belges et français, l'armée britannique ne put faire mieux que de battre dramatiquement en retraite de l'autre côté du Canal. Le 14 juin, Paris tombait. Le 22 juin, l'armée française baissait les armes. Le doute était également très présent en Grande-Bretagne. De nombreuses voix se sont élevées en faveur de la signature d'un pacte de paix. En quelques semaines, l'Europe avait perdu tout espoir. 225.000 militaires belges furent emmenés dans des camps allemands de prisonniers de guerre. Quantité de citoyens d'origine juive, de tziganes et de prisonniers politiques furent enfermés dans des camps de concentration et d'extermination. C'est là que la page la plus noire de l'Histoire fut écrite. Mesdames et Messieurs, Plus j'écoute les personnes qui ont vécu cette guerre, plus je lis à ce sujet, plus je tente de m'imaginer à quel point la situation était tragique à l'époque, plus mon admiration grandit envers tous ceux qui ont continué à croire à la victoire. Mon admiration grandit envers ceux qui, confrontés au danger permanent pour leur propre vie, ont continué à s'opposer, et de quelle manière, en Belgique ou à l'étranger. L'on oublie souvent que des pilotes belges se sont également engagés dans la Bataille pour l'Angleterre. Des soldats belges aussi, dont la brigade Piron, ont participé au débarquement en Normandie. Le pont entre Deauville et Trouville porte encore le nom de « Pont des Belges », en hommage à ces hommes. Des unités commandos belges ont pris part, depuis l'Angleterre, à des opérations à travers toute l'Europe. Ensemble avec des centaines de milliers de soldats britanniques, américains, français, canadiens et polonais, ensemble avec tant de citoyens courageux, ils ont continué à croire en une Europe libre, en une Europe démocratique. Ils ont résisté obstinément. Ils n'ont pas seulement libéré notre pays. Ils ont libéré l'Europe. Ils ont libéré l'Allemagne. Ils ont libéré chacun d'entre nous du nazisme, du fascisme, de la dictature. Mesdames et Messieurs, Le soixantième anniversaire du 8 mai ne se borne dès lors pas uniquement à la commémoration de la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie. Le 8 mai 1945, les yeux du monde se sont heurtés aux limites de l'être humain. La détermination à ne plus jamais revivre ce cauchemar a fait naître l'Union européenne qui, plus que jamais, a propagé la paix et la prospérité sur notre continent. Le 8 mai a suscité la création des Nations-Unies qui poursuivent leur mission et contribuent, aujourd'hui encore, à coups d'échecs et de succès, à rendre le monde meilleur. Le 8 mai a fait en sorte qu'aujourd'hui plus que jamais, nous ne pouvons tolérer aucun courant anti-démocratique, raciste ou xénophobe. Le 8 mai est donc un jour que nous ne pouvons oublier, c'est un jour que nous devons mettre à l'honneur. Lors de cette journée, nous rendons hommage à tous les anciens-combattants, à toutes les victimes de la guerre, à tous les résistants, oui, à tous ceux qui, à l'époque, ont assuré l'avenir de ce pays ainsi que des générations actuelles et futures. Le 8 mai est un jour où les générations plus jeunes expriment leur reconnaissance. Un jour où nous sommes conscients que le monde tel que nous le connaissons aujourd'hui, c'est à vous que nous le devons. C'est pourquoi le 8 mai ne doit pas seulement être un jour de commémoration, il doit avant tout rester un appel. Un appel à tous. Jeunes et moins jeunes. Un appel à faire en sorte qu'il n'y ait plus jamais de guerre, plus jamais de dictature, plus jamais de fanatisme, et plus jamais d'intolérance. Je vous remercie.