17 Juil 2018 13:11

EUTHANASIE – Chiffres des années 2016-2017 - 8e rapport aux Chambres législatives

Le rapport bisannuel de la Commission fédérale de Contrôle et d’Évaluation de l’Euthanasie est disponible sur le site www.commissioneuthanasie.be, rubrique publications. Il concerne les documents d’enregistrement des euthanasies pratiquées entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017 examinés par la Commission.

Le nombre de déclarations reçues pendant cette période a été de 2 028 en 2016 et 2 309 en 2017. La majorité était rédigée en néerlandais, concernait des patients âgés de 60 à 89 ans, hommes et femmes égalitairement représentés. Le plus souvent, l’euthanasie a eu lieu au domicile.

Les affections principales à l’origine des demandes d’euthanasie étaient soit des cancers, soit une combinaison de plusieurs affections (polypathologies) qui n’étaient pas susceptibles de s’améliorer et qui occasionnaient de plus en plus de handicaps sérieux allant jusqu’à une défaillance d’organes. Le décès des patients était généralement attendu à brève échéance. Les patients dont le décès n’est manifestement pas attendu à brève échéance souffraient majoritairement de polypathologies, alors que le décès de patients cancéreux est rarement considéré tel.

Les demandes d’euthanasie sur la base de troubles mentaux et du comportement restent marginales (1,8% de l’ensemble des euthanasies). Comme tous les dossiers d’euthanasies, ceux-ci respectent les conditions légales (patient capable ; demande écrite ; situation médicale sans issue ; souffrance constante, inapaisable et insupportable causée par une affection grave et incurable ; demande réfléchie et répétée).

Trois euthanasies de mineurs non émancipés ont été enregistrées en 2016-2017.

La Commission a estimé que toutes les déclarations reçues répondaient aux conditions essentielles de la loi et aucune n’a été transmise au procureur du Roi.

La Commission estime qu'au cours des deux années écoulées, l’application de la loi n’a pas donné lieu à des difficultés majeures ou à des abus qui nécessiteraient des initiatives législatives.

Chiffres détaillés

Le nombre de déclarations reçues en 2016-2017 a été de 4 337 (2 028 en 2016 et 2 309 en 2017). Entre 2014 et 2016, le nombre d’euthanasies enregistrées est resté assez stable. En revanche, l’année 2017 a été caractérisée par une augmentation de 13 %.

La proportion néerlandais/français des documents d’enregistrement demeurait en 2016-2017 de 78/22%, bien que le nombre de documents d’enregistrement en français augmente.

64% des patients étaient âgés de plus de 70 ans et 38,9% avaient plus de 80 ans. L’euthanasie chez les patients de moins de 40 ans reste très limitée (1,4%). Ce sont surtout les patients des tranches d’âge 60, 70, 80 ans qui demandent l’euthanasie (75,9%). Le groupe le plus important est celui des patients âgés de plus de 80 ans (38,4%).

En 2016-2017, trois déclarations relatives à l’euthanasie de mineurs ont été enregistrées. Ces derniers souffraient tous d’affections incurables et particulièrement graves allant entraîner leur décès à brève échéance. Leur capacité de discernement a été confirmée de manière explicite par un pédopsychiatre ou un psychologue et de nombreux autres médecins et prestataires de soins ont été consultés en plus des avis obligatoires à recueillir.

Le nombre d’euthanasies ayant eu lieu au domicile (45,1%) tend à progresser, tandis que celles pratiquées à l’hôpital diminuent (38,9%). Le nombre d’euthanasies pratiquées dans les maisons de repos et maisons de repos et de soins continue d’augmenter (13,9%). Ceci correspond au souhait du patient de terminer sa vie chez lui.

Dans la grande majorité des cas (84,9%), le médecin estimait que le décès des patients était prévisible à brève échéance.

Pour la majorité des patients, plusieurs types de souffrances tant physiques que psychiques (à ne pas confondre avec les affections psychiatriques) ont été constatés simultanément (62,5%). Ces souffrances étaient toujours la conséquence d’une ou plusieurs affections graves et incurables.

1,3% des euthanasies concernaient des patients inconscients ayant fait une déclaration anticipée.

Comme lors du rapport précédent, la classification des affections à l’origine de l’euthanasie est réalisée selon les codes ICD-10-CM, « Classification Statistique Internationale des Maladies et des Problèmes de Santé Connexes ». Cela permet de comparer les données de 2016 et 2017 avec celles de 2014 et 2015. Les affections à l’origine des euthanasies étaient surtout des tumeurs (cancers) (64,1%), des polypathologies (16,4%), des maladies du système nerveux (6,9%), des maladies de l’appareil circulatoire (3,9%), des maladies de l’appareil respiratoire (3,2%) et des troubles mentaux et du comportement (1,8%).

  • Le groupe de patients oncologiques reste le groupe le plus important de patients qui demandent l’euthanasie. il s’agissait surtout de tumeurs malignes des organes digestifs, des organes respiratoires ou de tumeurs malignes plus rares. Ainsi que l’on peut s’y attendre, le décès de presque tous les patients oncologiques était attendu à brève échéance (99%). Les raisons pour lesquelles ils ont demandé l’euthanasie sont entre autres des métastases symptomatiques, l’épuisement des possibilités thérapeutiques, une récidive étendue du cancer qui n’était plus traitable ou des contre-indications médicales au traitement telles que les affections cardiaques, pulmonaires en phase terminale et les insuffisances rénales. Il a fréquemment été indiqué que les traitements palliatifs conventionnels ne permettaient pas de maîtriser la souffrance d’une manière acceptable pour la personne concernée et que le patient préfère l’euthanasie à une sédation palliative.
  • L’augmentation la plus importante a été constatée au sein du groupe de patients souffrant de polypathologies. Plus de 70% de ces patients avaient plus de 80 ans. Ils présentaient une combinaison de plusieurs affections graves et incurables et leur décès était, dans la moitié des cas, attendu à brève échéance. Pour rappel, en l'absence d'un contexte médical conforme à la loi, la "fatigue de vivre" n’est jamais acceptée par la Commission comme une justification d’euthanasie.
  • Au cours des deux dernières années, le nombre de patients présentant des affections psychiatriques (hors démence comme la maladie d’Alzheimer) était inférieur à 30 par an. Tous étaient considérés par les médecins déclarants comme ne pouvant plus être traités. Les demandes d’euthanasie ont été examinées de façon multidisciplinaire avec des psychiatres conseillers et traitants, des psychologues, des infirmiers, etc. Le délai d’attente variait entre 6 à plus de 24 mois. Durant la même période, on a constaté que le nombre de patients euthanasiés en raison d'une démence a continué d'augmenter.

Recommandations de la Commission

Comme elle l’avait déjà souligné dans les rapports précédents, la Commission estime qu’une pratique correcte de l’euthanasie dans le respect de la loi nécessite avant tout un effort d’information, tant vis-à-vis des citoyens que des médecins et, par extension, des prestataires de soins. Cela n'est pas encore le cas, malgré diverses initiatives non-gouvernementales. Il importe que les autorités prennent des initiatives en ce sens ou qu’elles subventionnent celles de tiers.

La Commission insiste à nouveau sur l’importance d’une brochure informative destinée au public. Cette brochure devrait être axée sur l’application de la loi relative à l’euthanasie, mais également sur l’application de la loi relative aux droits du patient et de la loi relative aux soins palliatifs.

Les facultés et les hautes écoles en charge de la formation de tous les professionnels de la santé devraient obligatoirement inscrire dans leur cursus une formation concernant les soins en fin de vie.

La Commission confirme ses avis antérieurs selon lesquels l’application de la loi n’a pas donné lieu à des difficultés majeures ou à des abus qui nécessiteraient des initiatives législatives.

En ce qui concerne, en particulier, le délai légal d’attente d’un mois imposé pour les décès non prévus à brève échéance, la Commission estime qu’il n’y a pas lieu de modifier la loi, parce que ce délai d’attente est lui-même souvent précédé d’une longue période de formation de la volonté et de réflexion intense par le patient.

Les formalités de la déclaration anticipée, en particulier la complexité de la rédaction, des procédures d’enregistrement et de renouvellement de celle-ci doivent être améliorées. La Commission regrette qu’aucune solution n’ait encore été apportée sur ce point. Le renouvellement de la déclaration reste un obstacle pour les citoyens.

La Commission trouve également opportun, tout comme cela se fait aux Pays-Bas, de mettre en place un document d’enregistrement électronique. Vu l’augmentation du nombre d’euthanasies déclarées, cela permettrait non seulement d’alléger la charge de travail des membres de la Commission et du secrétariat, mais cela faciliterait aussi le traitement électronique des données.

Contacts presse
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