19 mai 2005 18:05

Intervention Verhofstadt - Ratification Constitution Européenne

Ratification de la Constitution Européenne.
Intervention du Premier Ministre.
Débat à la Chambre, le 19 mai 2005

Ratification de la Constitution Européenne. Intervention du Premier Ministre. Débat à la Chambre, le 19 mai 2005

Je me réjouis de la présence des ambassadeurs des autres Etats membres. Elle témoigne tout autant de la liaison de nos destinées et mérite toute mon estime. Je me réjouis également du fait que la Chambre ait répondu positivement à l'invitation du Gouvernement de faire de la ratification de la Constitution européenne une priorité et de veiller à ce que la Belgique puisse diffuser un signal positif en ratifiant rapidement le texte. J'espère sincèrement que les assemblées parlementaires des Régions et des Communautés seront tout aussi enthousiastes à l'idée de ratifier rapidement ce texte. Nous approuvons complètement la Constitution européenne. Elle est l'expression de notre foi en la nécessité d'une intégration européenne plus poussée. A ce jour, près de sept pays ont ratifié la Constitution (la Hongrie, la Lituanie, la Slovénie, l'Italie, la Grèce, la Slovaquie et l'Espagne). Vers la fin de ce mois, l'on s'attend encore à ce que l'Autriche et l'Allemagne viennent rejoindre ce groupe. Nous jetons un coup d'?il optimiste aux référendums qui seront organisés dans quelques semaines en France et aux Pays-Bas. Nous serions déçus de voir réduits à néant tant d'efforts déployés depuis la création du groupe de Laeken. Nous ne pouvons oublier que ce qui se passe maintenant - et permettez-moi d'utiliser le terme de Constitution européenne - est un événement unique. Le travail préparatoire du groupe de Laeken a donné l'impulsion pour la déclaration du Conseil européen de Laeken qui, à son tour, a accouché de la Convention européenne. De manière innovante, un exercice constitutif a eu lieu, impliquant l'ensemble de l'Europe : les représentants des parlements des Etats membres, les membres du parlement européen, les représentants des gouvernements et des diverses institutions européennes. Le travail fut intensif et la consultation des plus larges. La voix transparente qu'a suivie la Constitution peut être qualifiée de novatrice. Le résultat de la Convention a pour ainsi dire dépassé toutes les attentes. Il a influencé de façon aiguë les activités de la conférence intergouvernementale et a créé un précédent pour les futures adaptations des traités. Je tiens à rendre hommage à tous ceux, et tout d'abord au président et aux vice-présidents, qui ont contribué à la réussite de la Convention et ont allégé la tâche de la CIG. Je ne peux que recommander de ratifier le résultat, la Constitution européenne telle qu'elle se présente maintenant. Elle répond en large mesure à l'ambition qui était la nôtre dès le départ. Qui aurait cru, il y a quelques années, que nous réaliserions effectivement une constitution pour l'Union européenne ? Que la charte des droits fondamentaux serait intégrée au traité constitutif ? Que la structure basée sur des piliers, née des compromis de Maastricht, serait supprimée ? Que la fonction de Ministre européen des Affaires étrangères verrait le jour ? Que le lien avec les parlements nationaux serait renforcé et dès lors qu'un nouveau test serait instauré en vue de contrôler la subsidiarité ? Que les compétences du Parlement européen seraient davantage élargies par le biais principalement de l'élargissement de la procédure de codécision ? Et que, même après le "sommet des pralines" vilipendé par certains, des avancées considérables seraient enregistrées en termes de défense? Et ce, y compris des formes de coopération renforcée. Et, à propos des compromis bancals de Nice, que de meilleures solutions seraient trouvées pour parvenir à un processus décisionnel démocratique et plus efficace au sein du Conseil et la composition de la Commission ? En même temps les instruments législatifs furent simplifiés drastiquement? En d'autres termes, une part importante de notre ambition fut récompensée. Pas sur tous les points naturellement. Certes, c'eut été mieux si une majorité qualifiée plus importante encore avait été prévue, notamment en termes de fiscalité et de politique sociale ; c'eut été mieux que des méthodes plus simples aient été développées en vue d'adapter certaines composantes, notamment la troisième partie relative aux domaines politiques ; il aurait également été souhaitable qu'une impulsion plus vigoureuse soit donnée afin d'accorder à l'Union les ressources financières autonomes dont elle a besoin. Ainsi, les négociations futures relatives aux perspectives financières seraient facilitées. Toutefois, le point le plus important a été sauvegardé et renforcé, à savoir une Union européenne au sein de laquelle la méthode communautaire a été sauvegardée et une Union européenne dont l'efficacité a été améliorée pour lui permettre de continuer à fonctionner pendant les décennies à venir. Nous devons incontestablement reconnaître que cette Constitution rendra l'Union plus démocratique, plus efficace et plus transparente. Personne ne le contestera. Celui qui s'y risquerait ferait preuve de mauvaise volonté ou aurait mal compris le message. Alors pourquoi toutes ces questions et tous ces doutes persistent-ils ? Pourquoi cette recrudescence de critiques ? Je peux admettre que la valeur symbolique qui se cache derrière la terminologie "constitution" ou derrière l'instauration de nouveaux symboles pour l'Union soit considérée par certains comme insuffisante. Je peux également admettre qu'exceptionnellement, un territoire inconnu suscite auprès de certains un sentiment d'agoraphobie. En outre, il faut reconnaître que l'Union ne changera pas "en substance" dès le premier jour de l'entrée en vigueur de la Constitution. Les effets ne seront pas aussi tangibles que lors de l'introduction de l'euro ou de la suppression des frontières. A mesure que s'écoule le temps, nous verrons que les pays européens coopèrent de façon plus étroite, que les institutions sont à la hauteur et que les citoyens et les entreprises bénéficient de la plus-value découlant d'une Union européenne qui offre une réponse à des questions dépassant les frontières nationales. C'est la raison pour laquelle la campagne d'information (à la radio, dans les journaux et magazines, via des sites web et des bureaux de poste) qui sera lancée dans quelques jours s'avèrera d'un grand intérêt. En effet, nous nécessitons une approche pédagogique poursuivie pour être à même d'expliquer en toute sérénité le contenu de la Constitution et de mettre en pratique sa valeur et sa signification. La signification et le contenu de cette Constitution ont déjà suscité nombre de débats. À juste titre et à tort. Pertinents et entièrement à côté de la question. Certains pays pratiquent tant l'information que la désinformation. Certaines considérations liées à l'actualité européenne, qu'il s'agisse de l'élargissement ou de développements socio-économiques, sont dévolues à la Constitution. Or, dans les faits, ils ne découlent que de décisions antérieures ou sont la conséquence de la législation actuelle. Les spéculations quant à une éventuelle alternative vont bon train. Un plan B. Ne serait-on pas mieux sans cette Constitution? Si le "non" l'emportait, ne pourrait-on pas parvenir, après de nouvelles négociations, à de meilleurs résultats? A vrai dire, seul le contraire me convainc. Il n'y a ni alternative ni plan B. Une renégociation ne se traduirait sans aucun doute pas par de meilleures solutions. Rompre le Traité mettrait en morceaux un équilibre trouvé laborieusement entre les petits et les grands Etats membres, entre les nouveaux et les anciens Etats membres, entre les progressistes et les conservateurs, entre les partisans d'une approche plus communautaire et ceux d'une approche plus intergouvernementale. En effet, la Constitution crée un cadre permettant à l'Union européenne et à ses Etats membres de poursuivre leur développement. Il ne s'agit pas d'un point d'arrivée mais d'un nouveau point de départ. Remettre en question ce résultat suscitera des problèmes et revient à implorer le déclin. L'Europe se verrait affaiblie. Paralysée. Les progrès enregistrés actuellement, également en termes socio-économiques, seraient annihilés. Et la Belgique mesure parfaitement l'enjeu. Car nous avons notamment contribué à l'obtention de la clause sociale horizontale et à l'introduction d'une base juridique pour les services d'intérêt général. Il appartient évidemment à chacun des Etats membres d'approuver le Traité selon ses propres procédures. Nous devons respecter cette liberté. Aujourd'hui, muni de votre aval, je suis convaincu que vous prendrez la bonne décision qui pourra inspirer d'autres Etats membres. Je vous remercie.