Maux de dos : un mode d’emploi pour la prise en charge
Mal au dos, que faire ? Face à la grande variété de solutions proposées à ceux et celles qui souffrent de ce « mal du siècle », le KCE avait déjà publié en mai dernier un Guide de pratique clinique basé sur les plus récentes connaissances scientifiques. En guise de prolongation, voici un itinéraire de soins qui définit, pour un patient donné et en fonction du type et de la durée de sa douleur, les examens à effectuer et les traitements à proposer pour progresser de la façon la plus cohérente possible. C’est la première fois qu’un itinéraire de soins est réalisé en commun avec des représentants de toutes les professions de soins concernées et avec les patients. Il englobe à la fois les douleurs lombaires (mal de dos simple) et radiculaires (de type sciatique). Pour en faciliter l’usage, le KCE en a également développé une version interactive en ligne (www.lombalgie.kce.be).
Si vous souffrez de mal de dos, il y a de fortes chances que vous ayez déjà testé toutes sortes de traitements, de votre propre initiative ou sur le conseil de votre kiné, médecin traitant, ostéopathe,… et ceci avec des succès variables. C’est le constat de cette hétérogénéité – d’approches mais aussi de résultats – qui a incité le KCE à développer un itinéraire de soins pour tous les professionnels de la santé concernés par ce problème fréquentissime.
Qu’est-ce qu’un itinéraire de soins ?
Un itinéraire de soins est une sorte de « marche à suivre » qui définit, pour un patient donné à un moment donné de sa pathologie, les examens à effectuer et les traitements à proposer pour progresser de la façon la plus cohérente possible. Pour caricaturer, il ne saurait être question de proposer d’emblée une intervention chirurgicale avant d’avoir essayé la kinésithérapie !
Fruit d’un travail commun de toutes les professions concernées
L’itinéraire de soins que publie aujourd’hui le KCE est en quelque sorte la suite du guide de pratique clinique pour les douleurs lombaires et radiculaires qu’il avait publié en mai dernier. L’un comme l’autre résultent d’un travail de longue haleine mené en étroite collaboration avec la Spine Society of Belgium et des représentants des médecins généralistes, kinésithérapeutes et autres praticiens des techniques manuelles (ostéopathes et chiropracteurs), spécialistes en médecine physique et réadaptation, chirurgiens orthopédistes, neurochirurgiens, anesthésistes/algologues (cliniques de la douleur) et psychologues.
Une grande attention aux aspects liés au travail
Pour la conception de l’itinéraire de soins, le groupe de travail s’est adjoint les compétences d’ergothérapeutes et d’ergonomes, de médecins du travail et de médecins-conseils des mutualités. En effet, la volonté du groupe était de consacrer une grande attention au maintien ou à la reprise du travail, un domaine où beaucoup de nouvelles dispositions ont été prises, qui ne sont pas encore bien connues. « L’itinéraire a été pensé tous ensemble pour s’adresser à tous les professionnels de soins dans un esprit de bonne collaboration et de complémentarité, en n’oubliant pas de leur rappeler, ici et là, l’importance d’une bonne communication entre eux…» soulignent Pascale Jonckheer et Anja Desomer, les deux chercheuses du KCE qui ont piloté cette longue aventure.
La parole aux patients
Les patients ont également été sollicités pour la conception de cet itinéraire de soins, via des groupes de discussion où ils ont évoqué leurs cheminements à travers le système de soins. Cela a permis aux chercheuses d’identifier plusieurs malentendus fondamentaux entre patients et soignants. Par exemple, les patients sont souvent très anxieux d’obtenir un « diagnostic » précis pour leur mal de dos, alors que les soignants savent d’expérience que, le plus souvent, le mal de dos n’est pas la manifestation d’une lésion précise de la colonne vertébrale mais bien l’expression d’un dysfonctionnement passager, qui ne peut être visualisé sur une radio ou une IRM. Ces examens sont donc superflus et la prise en charge immédiate doit être la moins médicale possible, au risque que les patients interprètent parfois cela comme de la désinvolture de la part des soignants. Une communication plus claire à ce sujet s’impose donc.
Prévenir le passage à la chronicité
Dans environ 10% des cas, le mal de dos persiste plusieurs semaines ; à partir de 3 mois, on considère qu’il est chronique. Tout l’itinéraire de soins est focalisé sur la prévention de ce passage à la chronicité. En effet, il existe des facteurs de risque, désormais bien identifiés, qui permettent de distinguer les personnes dont la douleur risque de perdurer. Ces facteurs sont à la fois psychologiques (p.ex. une anxiété très marquée) et socio-professionnels (p.ex. un conflit avec l’employeur). À chaque étape de l’itinéraire, ce risque doit être (ré-)évalué, afin d’adapter la prise en charge au profil spécifique du patient.
Il s’agit donc pour les soignants de trouver un juste équilibre. D’une part, ils doivent préconiser une démarche dédramatisante pour la majorité de leurs patients lombalgiques, encourager l’activité physique, ne pas faire de radios, prescrire le moins de médicaments possible. Et d’autre part, ils doivent rester attentifs à détecter les 10% d’entre eux qui risquent de développer un problème chronique potentiellement invalidant.
Un outil interactif pour mieux s’y retrouver
C’est la première fois qu’un itinéraire de soins s’adresse de façon globale à tous les intervenants professionnels concernés, englobe à la fois les phases aigues et chronique et considère en parallèle les douleurs lombaires (mal de dos simple) et radiculaires (de type sciatique). Revers de la médaille, le résultat est inévitablement assez complexe. C’est pourquoi le KCE a développé un outil informatique sous la forme d’un site web interactif que chacun peut utiliser à partir de son ordinateur ou de sa tablette (www.lombalgie.kce.be). « Nous l’avons voulu le plus convivial possible et nous l’avons fait tester par des praticiens de terrain. Toutes les associations scientifiques participantes y ont apposé leur logo. Nous avons également pris contact avec eHealth et les principaux producteurs de logiciels médicaux en leur proposant d’inclure un lien vers cet outil dans leurs logiciels. De cette façon, nous espérons qu’il sera adopté par le plus grand nombre de soignants » concluent les deux chercheuses.
Personnes de contact sur le terrain : Dr Thomas ORBAN, médecin généraliste, président de la Société Scientifique de Médecine générale : 0475 / 902 926 Prof Henri NIELENS, Service de Médecine physique et réadaptation, Cliniques universitaires St Luc : 02 /764.16.50 (ou 010.47.45.05 vendredi après-midi) Pour entrer en contact avec les chercheurs du KCE : Karin Rondia, Communication scientifique KCE |