Discours Verhofstadt Cérémonie de souvenir Tsunami

!!! Embargo till 18h00 !!! CONDOLEANCES DU PREMIER MINISTRE GUY VERHOFSTADT A L?OCCASION DE LA CEREMONIE PLURALISTE DE SOUVENIR ORGANISEE AU MONUMENT NATIONAL, LA CATHEDRALE SAINTS-MICHEL-ET-GUDULE, 15 JANVIER 2005.

Sire, Madame, Chères familles, Chers représentants des diverses convictions philosophiques, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, Dimanche 26 décembre, le lendemain de Noël, une vague d?effroi envahit le monde. Une journée que nous aimons d?habitude passer au pied de l?arbre de Noël. Une journée que nous aimons consacrer à nos amis et aux membres de notre famille. Ce 26 décembre, nous nous sommes réveillés, saisis par d?effroyables frissons. Des images abominables se sont imposées à notre regard. Le long d?une côte de 1200 kilomètres, un mur d?eau a détruit tout ce qu?il a croisé sur son chemin. Les gens sont restés sur la plage, les yeux remplis de stupeur devant les mouvements de houle d?une mer, qui de façon incompréhensible commença par se retirer avant de dégénérer en un déluge dévastant tout sur son passage. Un flot de sable, de vase et d?eau qui a heurté la côte sud-est de l?Asie. Une vague semant la destruction, le chaos et la mort. Les plages paradisiaques de sable blanc se sont subitement transformées en marais dévastés, recouverts de débris et de décombres. Une région sinistrée d?une ampleur inégalée : l?Indonésie, le Sri Lanka, le Sud de l?Inde, les îles d?Andaman et de Nicobar, les Maldives, la Thaïlande, la Birmanie, la Malaisie, et même la Somalie, le Kenya, la Tanzanie et le Bangladesh. Des millions de personnes ont dû fuir leur maison. Les pêcheurs ont perdu leurs embarcations. Les agriculteurs leurs récoltes. Les routes, les ponts et les bâtiments ont été rayés de la carte. Plus de 160 000 personnes ont trouvé la mort. Je dois bien l?admettre, je ne connais pas bien la mort. Mon père, ma mère, ma femme, mes enfants heureusement, mon frère, ma s?ur, tous sont encore en vie. A l?exception d?un seul, mes amis sont également toujours là. Familièrement, on dirait qu?il « est chanceux », qu?il a de la chance. La tragédie du 26 décembre nous rappelle à quel point cette chance peut être fragile. A quel point la chance peut basculer, rapidement et sans prévenir, dans le désarroi. Un désarroi immensément plus intense pour ceux qui ont laissé là-bas l?un de leurs parents, un enfant ou un proche. Un désarroi, qui au fil des jours, fait naître une incertitude douloureuse insupportable. Un doute toujours lancinant qui ne disparaîtra probablement jamais. Sachez, chères familles, que votre désarroi est aussi le nôtre. L?image de ces alignements de corps d?enfants. L?image de cette petite fille qui pleure sa maman et son papa décédés. Ces images ne cessent de se bousculer dans notre esprit. Parce qu?elles sont synonymes d?une souffrance extrême qui transcende le pays ou la race touchée, la couleur de la peau, qui touche, aussi, celui qui la découvre, à distance, par la télévision. Cet enfant est comme notre enfant. Ce père, cette mère, cette s?ur ou ce frère, qui se retrouve seul et souffre, est comme notre s?ur, notre frère, notre père ou notre mère. Devant la mort, que nous croyons en Jésus, en Yahvé, en Allah, ou que nous soyons bouddhistes ou hindouistes que nous soyons athées ou agnostiques, hommes, femmes, enfants, nous sommes tous égaux. Tous les hommes sont égaux. Devant la mort, nous pouvons avoir des réponses différentes. Certains puisent l?espérance dans la résurrection, d?autres dans la réincarnation, d?autres aussi préfèrent donner à la vie un sens exclusivement humain. Ce que la catastrophe du 26 décembre nous a rappelé avec force, est la réalité de notre nature, nos limites, les frontières de notre supposée infaillibilité. Nous nous enorgueillissons du niveau de nos connaissances en sciences. Nous nous focalisons aveuglément sur nos avancées technologiques. Pourtant, au 21ème siècle, nous sommes toujours incapables de maîtriser complètement la terre. Notre planète tourne, vit et bouge. C?est heureux, sans quoi elle serait invivable. Mais parfois, heureusement pas trop souvent, la violence de la nature amène aussi son lot de conséquences tout à fait dramatiques, une énorme souffrance. La force brute de la terre dont nous avons été témoins les dernières semaines, rend d?autant plus absurde toute violence politique, religieuse ou ethnique. De grâce, qui sommes-nous pour pleurer, à juste titre d?ailleurs, les dizaines de milliers de victimes d?une catastrophe naturelle, tout en ne faisant que peu de cas des millions de personnes qui meurent dans des conflits et des guerres ou qui décèdent du sida, comme ce fut le cas ces dix dernières années en Afrique ? Au lendemain de ce dramatique événement, nous avons toutefois constaté un énorme élan de serviabilité, une réelle solidarité entre les hommes et les femmes. Cela nous remplit d?espoir. Nous craignions que le 21ème siècle, après le 11 septembre, devienne un siècle de division jamais égalée. La catastrophe du 26 décembre peut désormais déclencher une ère d?unité jamais égalée. Sur les ravages du raz-de-marée, est née une réelle vague de solidarité internationale. Partout des hommes se lèvent et prennent leurs responsabilités. Partout des actions naissent spontanément. Jamais la solidarité n?a atteint un si tel niveau. Jamais autant de pays n?ont collaboré à l?organisation des secours. Jamais une reconstruction n?a été si vite mise en route : gouvernements, organismes d?aide, volontaires, journaux, chaînes de télévision. Tous marchent dans la même direction, guidés par le même objectif : aider les populations dans le besoin. En tout cas, tout cela donne tort aux sceptiques qui pensent que le monde n?est fait que d?égoïstes. Cette solidarité ne peut être limitée ni dans le temps ni dans l?espace. La réaménagement des côtes totalement dévastées de l?Asie du Sud-Est prendra de nombreuses années. Et ailleurs dans le monde, il y a encore tant de gens qui ont besoin de notre aide : au Soudan, au Congo, en Somalie. Partout en Afrique, des tragédies humaines surviennent chaque jour sans pour autant attirer notre attention ou susciter notre indignation. Pour ces pays et pour ces peuples aussi, nous devons poursuivre nos efforts. Nous devons continuer à nous battre contre la guerre, contre l?injustice, contre les traitements inhumains. Un déluge a brutalement réveillé notre monde le 26 décembre. Empêchons-le maintenant de s?assoupir. Je tiens à adresser mes plus vifs remerciements à tous ceux qui ont pris leurs responsabilités pour aider les victimes du tsunami et leurs familles : Aux membres du personnel des ONG et organismes d?aides, aux initiateurs du compte 12-12, aux représentants des diverses convictions religieuses et philosophiques, aux membres du personnel du centre de crise, aux centaines de milliers de personnes qui ont apporté leur contribution financière, mais aussi et, en particulier, à tous ces hommes et ces femmes qui spontanément se sont lancés dans une action de secours. Ces hommes et ces femmes représentent l?avenir de notre société. Au nom de l?ensemble des gouvernements et au nom de nos concitoyens, je tiens à adresser mes plus sincères condoléances aux familles et aux amis des victimes belges, à la population de chaque pays touché par cette tragédie et à tous ceux à qui, au lendemain de la catastrophe, il ne reste rien d?autre que l?espoir de jours meilleurs. Je leur souhaite à chacun beaucoup de force.