Fiscalité du carbone et de l’énergie : des progrès, mais un chemin important reste à parcourir pour réussir la transition climatique
Les instruments de tarification, tels que les taxes, sont un levier central de la politique climatique et énergétique. Ils doivent toutefois être rapidement réformés afin de verdir les modes de consommation et de stimuler les investissements indispensables à la transition. De nouvelles mesures climatiques peuvent en outre générer des ressources supplémentaires pour soutenir les ménages et les entreprises. C’est pourquoi le SPF Santé publique publie aujourd’hui, en collaboration avec le SPF Finances, son troisième « Landscape report » sur la fiscalité de l’énergie et du carbone en Belgique.
Des signaux-prix inadéquats ralentissent la transition dans l’ensemble des secteurs
Des signaux-prix adaptés sont indispensables pour orienter ménages et entreprises vers des technologies respectueuses du climat. Pourtant, ce nouveau rapport montre qu’en Belgique, les prix et la fiscalité actuels avantagent encore trop souvent les options polluantes, ralentissant ainsi la transition climatique.
Dans le secteur des transports, par exemple, le remboursement des accises sur le diesel professionnel perturbe le signal-prix pour le transport routier de marchandises, les bus et les taxis.
Dans le secteur du bâtiment, une fiscalité plus élevée sur l’électricité que sur les combustibles fossiles freine encore le déploiement des pompes à chaleur. Une réforme plus poussée des accises permettrait de renchérir le coût total des chaudières au gaz et au mazout, au profit de solutions de chauffage plus propres.
Par ailleurs, certains avantages spécifiques accordés à des groupes ou sous-secteurs se traduisent en pratique par des subventions aux combustibles fossiles qui ralentissent la transition : tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, voitures de société et cartes carburant, ou encore exemptions d’accises pour l’industrie, l’agriculture, la navigation et l’aviation.
La fiscalité climatique et énergétique comme source de financement des politiques climatiques
Le rapport souligne également l’importance de la fiscalité énergétique pour les budgets publics (9,7 milliards d’euros en 2023) et détaille les évolutions majeures qui s’annoncent dans ce domaine sous l’effet de la décarbonation progressive de notre société. La disparition progressive des combustibles fossiles réduira par exemple significativement les recettes d’accises, lesquelles pourraient chuter de 75 % d’ici 2050 dans un scénario de neutralité climatique.
Les prochaines années verront aussi l’entrée en vigueur d’une série de nouveaux instruments climatiques au niveau européen : un nouveau système d’échange de quotas d’émission (ETS2) pour le transport routier, les bâtiments et les petites industries, un Fonds social pour le climat, et un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM). Chacun d’eux générera de nouvelles recettes publiques pour la Belgique[1].
Ce rapport montre également que l’impact de l’ETS2 sur les ménages variera selon leur comportement et leurs investissements dans la transition climatique. Les analyses estiment qu’un ménage vivant dans une habitation bien isolée, chauffée au gaz, et parcourant environ 12 000 km par an avec un SUV à essence ferait face à un coût supplémentaire de 207 euros par an. À l’inverse, un ménage à plus forte consommation — par exemple occupant une habitation mal isolée, chauffée au mazout, et utilisant un SUV diesel pour 30 000 km par an — verrait ce surcoût grimper à 607 euros.
L’ensemble de ces nouvelles recettes devra être mobilisé pour accompagner les citoyens et les entreprises — en particulier les plus vulnérables — dans la transition climatique. Les différents niveaux de pouvoir doivent décider au plus vite de la répartition et de l’utilisation de ces moyens afin de soutenir les investissements des ménages et des entreprises. La cohérence entre niveaux de pouvoir est à cet égard cruciale
[1] En 2030, il s’agit d’environ 1 à 1,6 milliard d’euros pour l’ETS2, 290 millions d’euros pour le Fonds social pour le climat et 170 millions d’euros pour le CBAM.
Des avancées réelles, mais une réforme plus ambitieuse s’impose
Des progrès ont été accomplis dans la réforme de la fiscalité énergétique, notamment avec la hausse de la TVA sur les chaudières à combustibles fossiles et le renforcement de la déduction pour investissement visant à encourager les investissements durables (2024). L’accord budgétaire de novembre 2025 prévoit également un ajustement limité des accises pour les ménages ainsi que de légères hausses sur l’essence et le diesel.
Malgré ces avancées, une réforme plus ambitieuse demeure indispensable : le différentiel de prix entre l’électricité et les combustibles fossiles entrave toujours le déploiement des pompes à chaleur, les entreprises ont besoin d’une adaptation des accises pour accélérer leur électrification, et les subventions aux combustibles fossiles continuent de freiner la transition climatique.
Selon Jean-Luc CRUCKE, ministre de la Mobilité, du Climat et de la Transition écologique : « La tarification carbone est un levier essentiel pour accélérer la transition et renforcer notre indispensable indépendance énergétique. Les mesures déjà prises par le gouvernement — comme la réforme des accises et le soutien à l’électrification — vont clairement dans la direction recommandée par l’administration. La publication conjointe de ce troisième rapport sur la fiscalité de l’énergie et du carbone par le SPF Santé publique et le SPF Finances est un outil essentiel pour guider l’action publique et garantir la cohérence et l’efficience de nos choix. »
Plus d’informations :
La publication “the Landscape of Carbon and Energy Pricing and Taxation in Belgium” est disponible sur le site web du Service fédéral Changements climatiques.
Consultez également la publication « Inventaire fédéral des subventions aux combustibles fossiles » du SPF Finances et du Service climat pour plus d'informations sur les subsides aux énergies fossiles.