Une opération des yeux pour remplacer lunettes et lentilles : mieux peser le pour et le contre
Environ 3 % des personnes myopes, hypermétropes et astigmates s’orienteraient aujourd’hui vers la chirurgie correctrice dans l’espoir que celle-ci les délivre de leurs lentilles ou lunettes. Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a analysé l’efficacité, la sécurité et les aspects financiers de ces interventions. Il ressort de ces analyses qu’il n’existe pas encore suffisamment d’études sur la nécessité de porter des lunettes ou lentilles après l’opération, même si les ophtalmologues interrogés affirment que celle-ci permet à la majorité des patients de s’en passer, du moins la majorité du temps. Les complications graves existent mais sont peu fréquentes : il serait cependant nécessaire de mettre en place un enregistrement sur une période prolongée. Les complications moins graves mais gênantes, par contre, sont plus fréquentes. Enfin, d’un point de vue financier, ces interventions passablement onéreuses semblent surtout avantageuses à long terme pour les patients relativement jeunes.
La grande majorité des personnes myopes, hypermétropes ou astigmates portent des lunettes et/ou des lentilles de contact. D’après le premier rapport (numéro 202) de la série du KCE consacrée à ces troubles de la réfraction, environ 15% d’entre eux envisageaient de se tourner éventuellement vers la chirurgie. Leurs principales motivations étaient le confort et une apparence plus esthétique, sans lunettes. En définitive, ils seraient environ 3% à franchir le seuil de la salle d’opération pour l’un des deux types d’intervention : soit la chirurgie au laser (qui remodèle la cornée), soit l’implantation d’une lentille artificielle devant le cristallin (la lentille) de l’œil.
Aucune donnée scientifique relative à la nécessité de porter des lunettes ou des lentilles après l’opération
Les études scientifiques disponibles s’intéressent surtout à l’acuité visuelle et à la précision de l’intervention : elles ne spécifient pas combien de patients auront encore besoin par la suite de porter des lunettes ou lentilles de façon permanente ou ponctuelle (par exemple pour lire). Par ailleurs, une intervention au terme de laquelle une faible dioptrie résiduelle (0,5 ou 1) est constatée pourra être une réussite pour certaines personnes alors que ce résultat sera insuffisant pour d’autres, vu leurs activités quotidiennes (professionnelles par exemple) ou leur appréciation personnelle.
D’après les études disponibles, les résultats du traitement au laser sont légèrement meilleurs chez les personnes myopes que chez les personnes hypermétropes, y compris sur le long terme. L’opération est couronnée de succès complet chez 7 à 8 patients myopes sur 10, mais ce pourcentage varie entre 50 et 60 % chez les hypermétropes. L’implant de lentilles intraoculaires avec conservation du cristallin naturel est plus indiqué pour la correction d’anomalies plus importantes : chez les patients myopes présentant une dioptrie à moins 6 ou encore moins, ses résultats sont supérieurs à ceux de la chirurgie laser. Les études manquent pour se prononcer au sujet de cette technique en cas d’hypermétropie.
Les ophtalmologues consultés par le KCE se sont montrés plus positifs que les auteurs des études cliniques : ils affirment que rares sont les patient opérés qui ont encore besoin de porter des lunettes ou des lentilles en permanence. Lorsque cet objectif n’a pu être atteint, il serait généralement possible de réaliser une nouvelle intervention correctrice.
Les complications sérieuses existent mais sont plutôt rares
Le choix d’une technique optimale adaptée au patient permet de prévenir au maximum les complications. Cependant le risque de sur- ou sous-correction ne peut jamais être exclu, obligeant parfois la personne à subir une nouvelle opération ou à continuer à porter des lunettes ou lentilles de contact.
Les complications graves sont peu fréquentes mais peuvent conduire à une perte de vision, partielle ou totale. La pose d’une lentille intraoculaire est une procédure plus invasive et donc plus risquée que la chirurgie au laser. Néanmoins cette dernière provoque davantage de complications moins sérieuses telles qu’une sécheresse oculaire, une douleur, des éblouissements ou halos autour des faisceaux lumineux (ce qui peut être gênant pour la conduite automobile nocturne). D’après les ophtalmologues, les complications seraient moins fréquentes avec les techniques les plus récentes. Ici aussi, il faudrait pouvoir disposer d’études fiables offrant un suivi sur une période prolongée.
Le KCE recommande de développer des guides de pratique clinique indiquant les champs d’application et les limites des techniques de chirurgie réfractive, de même que des normes de qualité afin de diminuer le risque de complication. Par ailleurs, le KCE recommande que les patients soient informés de façon objective et compréhensible sur les risques, les résultats attendus et le coût de l’opération afin de pouvoir prendre une décision en toute connaissance de cause.
Potentiellement avantageux à long terme sur le plan financier, surtout chez les jeunes
Passablement onéreuses (allant de 2000 à plus de 3500 € pour les deux yeux), ces procédures ne sont pas remboursées par l’assurance maladie obligatoire, étant considérées comme des interventions de luxe.
La précédente étude du KCE avait déjà laissé entendre que les citoyens interrogés n’étaient globalement pas favorables à ce remboursement. Néanmoins de nombreuses personnes ont la possibilité de faire intervenir l’assurance complémentaire de leur mutualité. En outre, chez les sujets relativement jeunes qui devront encore investir dans une correction optique pendant de nombreuses années – ou chez les porteurs de lunettes ou lentilles relativement onéreuses –, l’intervention pourrait s’avérer financièrement avantageuse sur le long terme.
A l’heure actuelle, l’assurance obligatoire rembourse en partie les lunettes et lentilles en cas de trouble grave de la vision. Chez ces patients, un remboursement partiel unique de l’intervention chirurgicale pourrait être une opération neutre sur le plan financier voire même une source d’économies en comparaison avec le remboursement répété de lunettes et lentilles durant des années.
De plus en plus souvent dans des centres extrahospitaliers
La chirurgie réfractive est de plus en plus souvent réalisée dans des centres extrahospitaliers qui ne relèvent pas de la loi sur les hôpitaux et ne sont aujourd’hui donc pas dans l’obligation légale de respecter les normes imposées aux hôpitaux. Le troisième volet de cette série de rapports du KCE, à paraître, s’intéressera notamment à ce phénomène et à ses aspects légaux.