13 Juil 2017 07:57

Vers des soins de santé plus scientifiques et plus cohérents

La pratique des soins de santé évolue d’année en année vers une approche plus scientifique et plus rigoureuse, suivant en cela la philosophie « basée sur les preuves » (« evidence-based »). Pour tenir les professionnels des soins au courant des évolutions scientifiques les plus récentes, des « recommandations de bonne pratique » sont développées et diffusées par diverses organisations professionnelles belges, mais il n’y a pas de cohérence dans la manière dont ce travail – de bonne qualité – est effectué (et financé). C’est pourquoi la ministre de la santé Maggie De Block souhaite optimaliser le processus grâce à un plan fédéral ; elle a chargé le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) de coordonner la conception de ce plan. Le rapport publié aujourd’hui porte sur la première partie des travaux préparatoires, à savoir le choix de la structure de gouvernance la plus appropriée pour pouvoir aligner le travail de tous les acteurs déjà présents sur le terrain.

Une philosophie qui a changé les pratiques de soins

Durant ces 20 dernières années, la pratique de la « médecine basée sur les preuves » (Evidence-based Medicine ou EBM) est devenue la référence pour tous les médecins. Et aujourd’hui, toutes les autres professions de santé leur emboîtent progressivement le pas. De quoi s’agit-il ? En deux mots, cela consiste à baser, chaque fois que c’est possible, les traitements que l’on prescrit (ou les examens complémentaires, ou les mesures de prévention) sur des recommandations elles-mêmes issues d’études cliniques prouvant que l’option choisie est réellement la meilleure pour le patient. Cette nouvelle philosophie fut une petite révolution au moment où elle fut introduite car cela a remis en question les avis de certains professeurs renommés et les différences de pratiques entre facultés de médecine.

Aujourd’hui, on parle plutôt d’EBP (pour Evidence-Based Practice), puisque cela concerne aussi les autres professions de santé, telles que les infirmiers, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, sages-femmes, logopèdes, etc. Pour un soignant, pratiquer l’EBP c’est combiner, au quotidien, trois éléments : 1/ sa propre expertise clinique, 2/ les « preuves » (= evidence en anglais), généralement fournies sous forme de recommandations ou guidelines, et 3/ les préférences et valeurs de chaque patient individuel. C’est donc l’exercice de ce subtil équilibre qui est dorénavant enseigné aux futurs professionnels de la santé.

Aussi un outil pour la politique de santé

L’EBP est également essentielle en termes de politique de santé car elle constitue un moyen important d’amélioration de la qualité, de l'efficacité et de l'efficience des soins. Le déploiement de l’EBP à l'échelle nationale est donc un objectif politique majeur pour un pays. En Belgique, de nombreuses organisations sont actives tant dans le développement de recommandations de bonne pratique que dans leur dissémination sur le terrain. Toutefois, les rôles des unes et des autres ne sont pas toujours clairement définis, ni coordonnés, ce qui se traduit par un tableau assez confus, où les professionnels ne trouvent pas toujours aisément les recommandations qu’ils cherchent. De la même façon, les financements publics qui sont alloués à ces différentes « activités EBP » viennent de différentes sources, en ordre dispersé.

Pour cette raison, la ministre de la Santé publique Maggie De Block souhaite lancer un « Plan fédéral EBP » réunissant toutes les initiatives existantes en une seule approche cohérente. La ministre a chargé le KCE de dessiner les bases de ce Plan et d’en assurer la coordination. Dans un premier temps, il sera limité aux soins de 1re ligne.

Qui sont les acteurs de l’EBP en Belgique ?

Pour mettre en œuvre un tel Plan EBP, il faut en premier lieu identifier les acteurs, leurs rôles respectifs et leurs complémentarités. Parmi les acteurs de l’EBP, la plupart sont des « développeurs », c’est-à-dire des organisations qui élaborent des guidelines. Il s’agit le plus souvent d’organisations professionnelles comme par exemple la Société Scientifique de Médecine générale ou le KCE. D’autres acteurs se sont spécialisés dans des rôles précis, comme le CEBAM (Centre belge d’Evidence-Based Medicine) qui valide notamment toutes les recommandations financées par des moyens publics, ou la plate-forme EBMPracticeNet qui centralise la diffusion de ces recommandations.

Mettre l’accent sur la mise en pratique

Nous disposons donc déjà de nombreuses compétences très pointues en matière d’EBP. Mais dans sa note préparatoire, la ministre a souhaité qu’un accent particulier soit mis sur les stratégies de soutien à la mise en pratique des recommandations, car il est notoire que, dans notre pays, il reste encore un long chemin à parcourir avant que chaque praticien ne les adopte au quotidien1. Ces compétences-là sont encore à développer chez nous – d’autres pays, comme le Royaume-Uni, peuvent nous servir d’inspiration à ce sujet. La mise en œuvre du Plan EBP sera une opération budgétairement neutre visant à utiliser de la manière la plus efficiente possible les moyens alloués à l’EBP.

Première partie du Plan : définir la gouvernance optimale

Le KCE publie aujourd’hui la première partie des travaux préparatoires au lancement du Plan EBP, à savoir le choix de la structure de gouvernance la plus appropriée pour pouvoir aligner le travail de tous les acteurs de l'EBP déjà présents sur le terrain. Une proposition de gouvernance en deux phases a été développée avec l’aide de l'Antwerp Management School et du Technopolis Group. Dans un premier temps, conformément au souhait de la ministre, une coordination sera assurée par le KCE ; ensuite, une structure de type NAO (Network Administrative Organisation), c’est-à-dire une organisation indépendante distincte, prendra le relais. C’est cette NAO qui assumera in fine la gestion opérationnelle du Plan fédéral EBP.

Une affaire à suivre

Le KCE poursuit son travail d’élaboration. La prochaine étape portera sur les stratégies de mise en œuvre des recommandations EBP dans le travail quotidien des soignants et sur le suivi du Plan. Elle sera publiée dans le courant de l’automne.
 

1) Le KCE a d’ailleurs récemment mené une large enquête auprès de 3000 professionnels de la santé pour mieux cerner les raisons de ce relatif manque d’intérêt et pour identifier les outils qu’ils souhaiteraient voir mettre en place pour y remédier (voir KCE Report 284).