29 juin 2023 07:30

Alcool caché dans les préparations « santé » pour enfants : une situation préoccupante

Teintures-mères, élixirs floraux, sirops aux extraits de plantes… De nombreux « remèdes » sont susceptibles, encore aujourd’hui, de contenir de l’alcool. Peut-on dès lors les consommer sans risque, notamment quand ils sont administrés à des enfants ? Interpellé par le SPF Santé Publique, Sécurité de la Chaine Alimentaire et Environnement sur le cas particulier des compléments alimentaires et de leur possible teneur en alcool, le Conseil Supérieur de la Santé s’est penché plus largement sur la présence d’éthanol dans toutes les préparations « à effet sur la santé » potentiellement destinées aux plus jeunes…  et s’inquiète.

Etat des lieux

L’alcool (éthanol) peut intervenir dans la composition des préparations « de santé » comme solvant (il permet d’extraire le principe actif des plantes concernées, par exemple), excipient (composant inerte) ou simple conservateur, voire y être ajouté sans aucune raison valable.
Le CSS relève la difficulté, à l’heure actuelle, d’identifier clairement la présence et la quantité d’éthanol dans les préparations disponibles sur le marché. Seules les « boissons » alcoolisées doivent, selon la loi, afficher clairement, au-delà d’un certain seuil, leur titrage en alcool et ne peuvent être vendues aux plus jeunes que dans une certaine limite. Mais les compléments alimentaires sous forme liquide n’entrent pas dans cette catégorie. En l’absence de précisions des fabricants, les données rassemblées permettent seulement, à ce stade, d’estimer qu’un enfant ou un adolescent consommant ce type de remèdes, toute forme confondue, peut ingérer des doses non négligeables d’alcool, allant jusqu’à plusieurs grammes par semaine.

                                          

A distinguer :

Les risques de l’alcool chez l’enfant

L’impact de l’alcool sur le développement de l’enfant à naître, lorsque sa mère en consomme, a déjà été largement étudié et représente un risque important et parfois mal connu. Il en va de même pour les cas d’intoxication sévère, lorsque l’enfant ingère lui-même, par erreur ou accident, des produits qui ne lui sont pas destinés  (parfums ou produits d’hygiène, produits ménagers, etc.).
Dans le cas des compléments alimentaires et autres préparations à effet sur la santé (dont les médicaments), l’enfant ou l’adolescent qui en consomme peut être exposé à des doses d’alcool certes moindres, mais de manière chronique. Ce qui rend une étude d’impact particulièrement sensible au plan éthique. Le Conseil a néanmoins rassemblé les études existantes sur des thématiques similaires, et ne peut conclure qu’une chose : sans plus de précisions quant à leur teneur exacte en alcool, leur posologie ou leur utilisation à plus ou moins long terme, … aucune teneur en alcool « acceptable » ne peut être déterminée pour ces produits.
 
Il convient par ailleurs de rappeler le principe énoncé encore récemment par l’Organisation Mondiale de la Santé : toute consommation d’alcool, même minime, présente un risque pour la santé, aussi bien pour les adultes que pour les jeunes et les enfants.*

Efficacité relative

S’intéresser à la composition de ces compléments alimentaires et autres préparations promettant un « effet sur la santé », c’est aussi poser la question de leur efficacité. On peut effectivement admettre que certains médicaments exposent, de manière strictement encadrée, des enfants à une dose d’alcool, lorsqu’ils sont indispensables à leur traitement et que la balance risques/bénéfices pour la santé penche résolument en leur faveur. Mais de nombreuses préparations et autres remèdes dit « naturels », pouvant contenir de l’éthanol, ne sont pas soumises à la même évaluation ni au même cadre d’utilisation.

Informer, justifier, limiter

Le Conseil Supérieur de la Santé recommande dès lors de mettre en œuvre les actions suivantes au niveau de la Belgique :

  • Demander aux fabricants de documenter la teneur en éthanol de leurs préparations et de calculer précisément la dose d’alcool ingérée par un consommateur qui suivrait la posologie recommandée pour son âge, et dès que possible, obliger ces fabricants à mentionner sur l’étiquette la quantité d’éthanol ingérée lorsque l’on consomme leurs produits et les risques encourus pour la santé

  • Demander aux fabricants de justifier que l’alcool est absolument indispensable à la préparation de ces produits ou participe à leur efficacité réelle, ce qui permettra de minimiser tout risque pour la santé.

Ce n’est que sur base de ces informations que la situation pourra être correctement évaluée et au besoin encadrée par les différentes instances chargées du contrôle de ces préparations.
En attendant, le Conseil recommande de limiter au maximum la concentration d’éthanol dans les préparations « à effet sur la santé ». 

* « l’alcool est une substance toxique, psychoactive, qui induit une dépendance et a été classée dans le groupe 1 des agents cancérigènes par le Centre international de recherche sur le cancer il y a plusieurs dizaines d'années », in Aucun niveau de consommation d'alcool n'est sans danger pour notre santé (who.int), OMS