21 déc 2007 15:36

Allocution prononcée par le Premier Ministre

Allocution prononcée devant la Chambre des Représentants par le Premier Ministre, M. Guy Verhofstadt, portant sur le gouvernement intérimaire

Allocution prononcée devant la Chambre des Représentants par le Premier Ministre, M. Guy Verhofstadt, portant sur le gouvernement intérimaire

Monsieur le président,
Chers collègues,

Voici quelques semaines, nous célébrions la Fête du Roi. Ce jour-là, j'ai dit que je ne m'attendais pas à être amené à prendre la parole en ce jour et en ce lieu. Que je ne l'avais d'autant moins espéré.
Toutefois, après 195 jours
et l'incertitude et les questions
engendrées inévitablement par une période aussi longue
le Roi m'a confié la mission
de former un gouvernement intérimaire.

Former un gouvernement intérimaire
pour mettre un terme au sentiment croissant de méfiance
qui risque de s'emparer de notre pays.
Une méfiance à l'égard de l'avenir.
Une méfiance à l'égard du monde politique.
Et surtout une méfiance mutuelle, réciproque.

La méfiance est la pire des choses qui peut arriver à la politique.
Cette méfiance, chers collègues, risque en effet d'hypothéquer tout ce que nous avons construit ensemble.
Les quinze dernières années, nous avons mis bon ordre à nos finances publiques.
Les quinze dernières années, notre dette a régressé de manière drastique.
Bruxelles est devenue la capitale incontestée de l'Europe.
Notre pays-même est devenu plus prospère.
Plus stable.
Toutes les familles politiques s'y sont attelées ces quinze dernières années.
Que tout cela se perde relèverait de l'irresponsabilité.

C'est la raison pour laquelle il est temps, désormais, d'avancer.
Qu'il est temps de rétablir la confiance.

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre sur pied un gouvernement intérimaire.
Un gouvernement, limité dans le temps et dans sa composition.
Quatorze ministres et aucun secrétaire d'Etat.
Un gouvernement dont le programme sera également limité.
Mais un gouvernement de plein exercice.
Pour réaliser ce qui est indispensable.
Nous ne pouvons pas résoudre l'ensemble des problèmes en trois mois.
Une telle attente serait pour le moins irréaliste.
Ce que nous ferons, c'est nous atteler à une série de projets clairement définis.
Des projets limités en termes d'ambitions, mais dont la nécessité n'est pas moindre.
À cette fin, le gouvernement envisage, pour les trois prochains mois, un programme limité à dix points.

1. Nous confectionnerons tout d'abord un budget pour l'année 2008. Nous devons nous réengager, dans les plus brefs délais, sur la voie du pacte de stabilité. C'est pourquoi nous allons résorber le déficit prévu pour l'année 2008, lequel devrait osciller entre 0,4 et 0,7% du PIB. La dette publique a, quant à elle, reculé pour atteindre les 84,7%, et pourra ainsi poursuivre sa diminution.

2. Nous soutiendrons également le pouvoir d'achat de la population.
Outre les deux dépassements prévisibles de l'indice pivot et l'indexation automatique des salaires, nous tenterons d'atteindre, dans le cadre de la marge budgétaire restreinte, une combinaison équilibrée d'augmentations des allocations les plus basses et d'adaptations au bien-être supplémentaires, en particulier pour les pensions, ainsi que des réductions d'impôt ciblées sur les bas et moyens revenus. Le gouvernement veillera à limiter les hausses de prix qui amputent le budget des ménages par le biais, plus précisément, d'accords visant des secteurs tels que l'énergie et la distribution, par un suivi de l'évolution des prix, par des réductions de charges sur les produits énergétiques, l'extension du fonds mazout et une évaluation des tarifs sociaux. Ainsi, une attention prioritaire sera accordée en vue d'alléger les factures des faibles et moyens revenus.

3. Nous accorderons un ballon d'oxygène supplémentaire à l'industrie, plus particulièrement au travail en équipes et à l'économie de la connaissance. Une attention particulière sera également consacrée aux PME et au statut social des travailleurs indépendants.

4. En ce qui concerne le marché de l'emploi, le gouvernement élaborera une stratégie commune avec les entités fédérées et les partenaires sociaux pour augmenter le taux d'emploi, favoriser la mobilité géographique et professionnelle ainsi que la formation des demandeurs d'emploi et mieux faire coïncider l'offre et la demande de travail. Nous évaluerons la politique d'activation et tirerons des leçons afin d'améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi dans le cadre d'un suivi renforcé. Nous accroîtrons la lutte contre les pièges à l'emploi et réduirons le coût du travail, principalement en ce qui concerne les bas salaires. En effet, si davantage de personnes travaillent, nous serons à même d'assurer sainement les finances publiques et notre sécurité sociale de manière structurelle. C'est dans ce même état d'esprit que nous clôturerons la mise en œuvre du Pacte de solidarité entre les générations.

5. Afin de pouvoir continuer à garantir la qualité supérieure de nos soins de santé, nous exécuterons strictement les décisions émanant du Conseil général. Concrètement, cela signifie que nous affecterons 340 millions d'euros aux dossiers urgents que constituent, par exemple, l'exécution de l'accord Médicomut, l'amélioration du traitement des malades chroniques ou l'extension du maximum à facturer. En concertation avec les entités fédérées, un plan général de lutte contre le cancer sera introduit. Nous engagerons une réserve à concurrence de 380 millions d'euros dans les soins de santé. Nous veillons de la sorte aux besoins d'aujourd'hui tout en épargnant pour ceux de demain.

6. Le climat et l'énergie continueront à représenter des thématiques chères au gouvernement intérimaire. Outre les mesures visant le pouvoir d'achat et en vue de parvenir à des prix démocratiques et un ravitaillement garanti, nous adopterons des mesures complémentaires, entre autres pour accroître la concurrence sur le marché énergétique dans l'intérêt des consommateurs. La Belgique adhère aux objectifs du second plan d'allocation de Kyoto, ainsi qu'aux nouveaux objectifs chiffrés pour les sources d'énergies renouvelables. A cette fin, notre pays négociera avec la Commission européenne à propos d'une contribution ambitieuse et réaliste. Dans le même esprit, le gouvernement fédéral soutiendra les régions, les industries et la communauté européenne dans la recherche de solutions aux problèmes qui se posent en matière d'allocation de quotas de CO² pour la période 2008-2012. Par ailleurs, il activera et amplifiera les instruments de manière à réduire les émissions de CO² dans le secteur résidentiel et à diminuer la facture des ménages.

7. En termes de mobilité, le gouvernement intérimaire devra trancher plusieurs points. De nouveaux contrats de gestion seront négociés avec la SNCB et les recommandations des Etats-Généraux pour la sécurité routière seront mises en œuvre. En ce qui concerne Bruxelles-Capitale, l'accord de coopération Beliris sera consolidé.

8. La modernisation de la prestation de services des autorités sera poursuivie. Par le biais, entre autres, de simplifications administratives. En outre, une concertation sera menée avec tous les acteurs concernés pour trouver des règlements qui garantissent la continuation des prestations de services aux citoyens.

9. En ce qui concerne la politique de sécurité, nous reprendrons et renforcerons, là où cela s'impose, le plan d'action relatif à l'application des peines et à la surpopulation carcérale. Ainsi, la sécurisation des prisons se verra accélérée. La construction de deux nouveaux établissements pour personnes internées et un centre pénitentiaire pour délinquants juvéniles, sera également accélérée, notamment à travers de financements public-privé.

En tout état de cause, le gouvernement développera des solutions alternatives pour la détention de familles avec enfants dans les centres fermés.

Le plan de sécurité national 2008-2011 sera, lui aussi, immédiatement promulgué. La loi sur la sécurité civile et la loi sur les gardiens de la paix seront exécutées. Des mesures supplémentaires seront adoptées en vue de résorber l'arriéré judiciaire et de renforcer l'accès à la justice par la concrétisation d'un guichet unique pour l'aide juridique et l'assistance judiciaire.

Je profite également de cette occasion pour vous donner de plus amples informations sur les actions qui ont été menées aujourd'hui dans le cadre de notre lutte contre le terrorisme. Ce matin, une action judiciaire a été menée en divers endroits, après que nous avons pris connaissance d'éventuels plans d'évasion de Trabelsi. Des actes violents à main armée pourraient accompagner cette tentative d'évasion.

D'autres actes de violence ne sont toutefois pas à exclure. L'Organe pour la Coordination de l'Analyse de la Menace dispose d'éléments indiquant qu'un attentat serait en cours de préparation.

Dans ce cadre, les autorités judiciaires ont décidé de procéder à des perquisitions. En outre, les services de police feront preuve d'une vigilance accrue, par précaution, en divers lieux publics à Bruxelles.

La situation est suivie de près, afin de pouvoir infléchir les mesures en cas de besoin. L'action menée aujourd'hui illustre dès lors qu'en Belgique, la lutte contre le terrorisme s'organise de manière intégrée et coordonnée et que les différents services veillent à notre sécurité. Je ne manquerai pas d'informer le parlement des évolutions ultérieures y afférentes.

10. Le gouvernement veillera à ce que les textes du Traité de Lisbonne soient rapidement introduits auprès des différents parlements. Je lance à cette occasion un appel aux différents parlements, et à la Chambre des Représentants en particulier, pour ratifier rapidement les textes. Les deux traités correspondent, en effet, aux objectifs auxquels la Belgique a toujours aspiré : plus de démocratie et plus d'efficacité en Europe.

Pendant le Sommet de printemps de l'Union européenne, la Belgique plaidera pour une dimension sociale forte, le respect de l'environnement et le renforcement de la compétitivité de l'économie européenne.

De plus, il faut renforcer les capacités de l'Union sur la scène internationale. Dans ce cadre, le gouvernement honorera ses engagements à l'étranger en respectant le cadre budgétaire. Outre la poursuite des opérations en cours (RDC, Afghanistan, Liban et Kosovo) et en exécution de la décision du Conseil européen, la Belgique participera à la gestion de crise civile et policière qui sera déployée au Kosovo en 2008. Qui plus est, nous mettrons sur pied, à l'étranger, une stratégie de communication active concernant la Belgique. En outre, notre pays continuera, en 2008, à apporter, au sein du Conseil de Sécurité de l'O.N.U., notre contribution appréciée, avec le même engagement.

Dans la perspective d'atteindre 0,7% en 2010, le gouvernement approuvera les programmes triennaux ou quinquennaux en matière de coopération au développement.

Pendant ces derniers mois d'incertitude, les partenaires sociaux ont fait preuve d'un grand sens des responsabilités. Je tiens à les en remercier sincèrement. De son côté, dans le cadre de l'élaboration de ses mesures socioéconomiques, le gouvernement poursuivra son étroite collaboration et sa concertation avec les partenaires sociaux.

Chers collègues, je tiens à rappeler les conditions sous lesquelles j'ai accepté cette mission. Je ne présiderai ce gouvernement que pendant une période limitée. En effet, j'estime qu'il est évident que le résultat des élections soit respecté. Au plus tard le 23 mars, le dirigeant de la principale formation, Yves Leterme, sera présenté pour mettre sur pied le gouvernement définitif.

À cette fin, deux négociations parallèles seront lancées au début de l'année prochaine, deux négociations qui seront menées en sus du travail gouvernemental habituel.

D'une part, une négociation dont l'objectif est la réalisation d'un Pacte en faveur d'un Etat fédéral renouvelé.
Chacun s'accorde à dire que notre Etat fédéral doit faire l'objet d'une réforme.
Et que le débat à cet égard doit être rapidement lancé.
C'est la raison pour laquelle le 9 janvier verra l'installation d'un groupe de travail appelé Octopus. Sous la présidence du Vice-premier Ministre et Ministre des Réformes institutionnelles, Yves Leterme.
Ce groupe de travail se composera de douze membres, provenant des grands groupes démocratiques. En outre, les présidents de la Chambre et du Sénat pourront être conviés aux réunions.
J'ai l'intention de soumettre lors du lancement des réunions du groupe Octopus le volet consacré à la réforme de nos institutions de la note que j'ai élaborée dans le cadre de ma mission d'information et qui n'engage évidemment que moi-même.

Outre le groupe de travail en question, des discussions seront également menées, sous la direction du Vice-Premier Ministre et Ministre des Finances, Didier Reynders, sur les défis économiques et écologiques majeurs, ainsi que sur les problèmes de cohésion sociale.

Il est évident que, parallèlement à ces groupes de travail, débuteront des discussions en vue de former le gouvernement définitif à partir des formations qui constituent le gouvernement qui demande votre confiance aujourd'hui.

Pour conclure, je tiens à préciser la manière dont j'entends présider ce gouvernement intérimaire. Étant donné qu'il s'agit d'un gouvernement transitoire, je propose d'associer plus étroitement le parlement au processus décisionnel.

Monsieur le président,
Chers collègues,

Depuis la création de notre pays, nous sommes toujours parvenus à résoudre tout conflit, à éclaircir toute contradiction et à mener à bien tout débat. Sans effusion de sang, sans cicatrices indélébiles, sans rancune. Cette approche-là, le monde entier nous l'a toujours enviée. Et c'est sur la base de cette approche que notre pays doit poursuivre son chemin.

Bien entendu, notre pays n'est pas immunisé contre les conflits d'idées, de valeurs ou de cultures. Ce n'est pas pour rien que nous vivons au carrefour de la culture européenne. Cependant, lorsque ces conflits désemparent une population, l'affaiblissent, ou risquent même de la paralyser, nous devons opter pour la voie qui a toujours constitué le fondement de notre prospérité : la voie du dialogue.

Ce gouvernement intérimaire entend créer, en premier lieu, l'espace nécessaire que requiert ce dialogue. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire qu'un débat approfondi sur nos institutions et structures étatiques s'avère inéluctable. Tout comme tout le monde s'accorde à dire que le résultat de ce débat doit pouvoir servir et renforcer la prospérité et le bien-être de tous les habitants de ce pays.

C'est pourquoi je vous demande d'accorder votre confiance à ce gouvernement.

Je vous remercie.