Le citoyen belge est d’avis que les nouveaux traitements doivent avant tout améliorer la qualité de vie
En Belgique, c’est le ministre de la santé qui décide si un nouveau traitement sera remboursé ou non. Il/elle se base pour cela sur les avis des experts des commissions de l’INAMI. Ces avis reposent sur des preuves scientifiques mais aussi sur un arbitrage entre de nombreux autres critères. Idéalement, cet arbitrage devrait également tenir compte des préférences des citoyens, mais jusqu’à aujourd’hui, ces préférences n’ont jamais été étudiées de manière systématique. Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a tenté de les identifier en réalisant une enquête de population, avec un maximum de rigueur et d’objectivité. Il en ressort que le Belge accorde une grande importance à la qualité de vie en cas de maladie, par rapport à un allongement de la seule espérance de vie. Cette étude est destinée à aider les décideurs à établir une procédure plus transparente pour les guider dans leurs choix futurs.
L’INAMI conseille, le ministre décide
Il est parfois difficile d’accepter que tous les nouveaux médicaments et toutes les nouvelles technologies de santé ne soient pas immédiatement remboursés par l’assurance maladie. Nous savons tous que la réalité économique limite ces possibilités. Mais ce n’est jamais le seul facteur. D’autres critères entrent en ligne de compte dans les décisions de rembourser ou non un nouveau traitement, tels que sa sécurité d’utilisation, son efficacité, l’amélioration qu’il apporte à la qualité de vie ou à l’espérance de vie des personnes malades, etc.
En Belgique, ces décisions se prennent au terme d’un processus bien défini, au cours duquel des experts, réunis en commission à l’INAMI, consultent les résultats d’études scientifiques et délibèrent entre eux sur la valeur ajoutée du nouveau traitement pour les patients et la société. Ils rendent ensuite un avis au ministre, qui prend la décision finale et en endosse la responsabilité politique.
Une procédure complexe et des choix difficiles
Le KCE étudie depuis plusieurs années ce processus de décision, dans l’objectif d’accroître sa transparence et sa légitimité au regard de la société. Il s’agit en effet d’un processus très complexe car les experts de l’INAMI doivent tenir compte de nombreux critères tels que ceux cités plus haut et, à chaque fois, réaliser entre eux des arbitrages délicats, étant donné que chaque nouveau traitement apporte des bénéfices différents.
Comment impliquer le citoyen dans ce processus de décision ?
Il est essentiel que l’équilibrage entre critères prenne en compte les préférences de la société et des citoyens qui la composent. Jusqu’à présent, ces préférences n’ont jamais été étudiées de manière systématique. Par conséquent, les décideurs politiques en sont souvent réduits à baser leurs choix sur ce qu’ils pensent être « dans l’intérêt des gens ».
Il est toutefois illusoire de vouloir inclure directement « des citoyens » dans ces débats : qui va les représenter? De quelle manière va-t-on les sélectionner? Il fallait donc trouver un moyen de faire valoir l’avis des citoyens d’une manière objective, c’est-à-dire en exerçant une influence identique sur chaque décision et sans laisser les émotions prendre le dessus.
L’opinion des citoyens pour pondérer les critères de décision
La solution que propose aujourd’hui le KCE n’est encore qu’une étape dans la réforme souhaitée du processus de décision global. Pour un certain nombre de critères sur lesquels s’appuient les experts de l’INAMI, le KCE a mesuré une « pondération » attribuée par les citoyens. Ces pondérations ont été établies par le biais d’une vaste enquête menée auprès d’un échantillon de 4500 personnes représentatives de la population belge pour l’âge et le genre. Le questionnaire qui leur a été soumis a été élaboré avec toutes les garanties de neutralité et de rigueur scientifique.
La qualité de vie est le critère le plus important
Cette enquête a permis de dégager les préférences des citoyens quant aux critères qui devraient peser le plus lourd dans la balance lorsque des choix de remboursement doivent être faits. Les chercheurs ont d’abord tenté de déterminer pour quel type de maladie les citoyens estiment que le besoin de nouveau traitement est le plus important. Les participants ont donné la priorité aux maladies qui ont un impact important sur la qualité de vie, puis à celles dont le traitement existant occasionne beaucoup d’inconfort, et seulement ensuite à celles qui ont un impact négatif sur l’espérance de vie. En d’autres mots, les citoyens ont estimé que le besoin de nouveaux traitements est plus élevé en cas de maladie responsable d’une très mauvaise qualité de vie chez ceux qui en sont atteints mais qui ne cause pas leur décès, par comparaison avec une maladie qui n’altère pas beaucoup la qualité de vie mais qui la raccourcit.
D’autres questions portaient sur des critères tels que la fréquence ou la rareté d’une maladie, les coûts des traitements, ou la valeur ajoutée d’un nouveau traitement par rapport à un traitement existant. À noter que les citoyens font preuve d’un grand sens de l’économie puisqu’ils prennent en compte les coûts des traitements pour la société (p.ex. le prix du traitement, l’incapacité de travail, etc.).
D’autres critères plus délicats, comme p.ex. la question de savoir si les personnes qui fument, ne font pas de sport ou s’alimentant mal doivent supporter une plus grande part de leurs frais de santé, n’ont pas été analysés dans cette enquête. Ces aspects sont explorés en parallèle par la Fondation Roi Baudouin, avec des méthodes plus qualitatives.
Un soutien pour l’INAMI
A quoi va servir une telle étude ? Le KCE propose à l’INAMI (qui était demandeur) d’utiliser les pondérations issues de ce travail d’enquête auprès des citoyens dans leurs évaluations futures. D’après une loi récente (7/2/14. – Loi portant des dispositions diverses en matière d'accessibilité aux soins de santé), l’INAMI doit présenter au printemps prochain une liste de maladies pour lesquelles le besoin thérapeutique est le plus élevé. Le présent rapport pourrait apporter une aide pour cet exercice de réflexion.
Le rapport ne propose donc pas une formule magique qui résoudra les difficultés de ce genre de décisions. Son but n’est pas de remplacer le processus actuel de décision en matière de remboursement de soins de santé, mais d’y ajouter des informations sur l’importance relative que les citoyens accordent à certains avantages et inconvénients d’un nouveau traitement. Une manière de rendre les décisions politiques plus légitimes aux yeux des citoyens-payeurs.