24 Mar 2015 12:25

Les mariages forcés et précoces : une réalité aussi en Belgique, pas une fatalité

Bruxelles, le 24.03.2015 - L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, avec la collaboration de l’International Centre for Reproductive Health (ICRH) et Plan Belgique, a organisé ce mardi un colloque « Mariages précoces et forcés  en Belgique et dans les pays partenaires de la Belgique ».  Au cours de celui-ci, une étude qualitative sur la problématique en Belgique a été présentée par l’ICRH. Plan Belgique a attiré, entre autres, l’attention sur la problématique des mariages précoces et forcés[1] dans les pays en voie de développement. Et l’Institut a formulé des recommandations à destination des professionnels de terrain et des pouvoirs politiques concernés.

Etude qualitative
L’étude qualitative présentée par l’ICRH ce mardi dresse les caractéristiques des mariages forcés (MF) en Belgique[2]. Menée entre 2013 et 2014, elle constate que cette problématique concerne tant les minorités ethniques installées depuis longtemps en Belgique que les nouveaux migrants. Les communautés Roms et les Afghans sont tout particulièrement confrontées aux mariages précoces. Elle touche aussi bien les hommes que les femmes. Toutefois, les femmes ont moins de possibilités d’y échapper ou d’agir sur la situation. En somme, la persistance des mariages forcés n’est pas propre à une communauté, une religion ou une ethnie, mais s’explique par la survivance d’une pratique culturelle genrée.

 

La survivance de cette pratique est principalement due à la forte pression psychologique de la famille et de la communauté, en Belgique ou à l’étranger, qui engendre également un sentiment d’angoisse et de loyauté chez la victime vis -à- vis de sa famille et de sa communauté.

 

Cette pratique engendre de graves conséquences sur les victimes telles que des problèmes psychologiques, de la  violence, des grossesses chez des adolescentes, une répudiation de la famille, de l’isolement, l’arrêt de la scolarité, des problèmes financiers ou d’intégration, etc.

 

Il ressort également de l’étude que les professionnels se sentent insuffisamment formés, manquent de compétences interculturelles, d’informations et d’instruments pratiques au sujet de l’identification et la reconnaissance des mariages forcés, des protocoles d’intervention, de la législation en vigueur et des droits des victimes.

 

Recommandations
Malgré la législation existante incriminant le mariage forcé et la cohabitation légale forcée, qui affirme sans ambiguïté que les autorités ne tolèrent pas ces pratiques, cette dernière reste méconnue et son application reste difficile. L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes a, à l’occasion du colloque, dévoilé des recommandations concrètes concernant la lutte contre les mariages forcés issus du projet du prochain Plan d’action National 2015-2019 qu’il a élaboré, après consultation avec les ONG et la société civile.

 

L’Institut recommande d’intensifier la sensibilisation et de fournir davantage d’informations préventives via des dépliants et des campagnes qui abordent ce qu’une personne peut faire pour éviter d’être confrontée à une situation de mariage forcé, ou si elle se trouve dans cette situation. « Il est nécessaire également d’intensifier les formations générales sur les relations, la sexualité et le mariage, menées au sein des écoles afin que chaque personne puisse avoir le droit de choisir sa vie, son/sa partenaire, et être libre de disposer de son corps », explique Michel Pasteel, Directeur de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes.

 

L’Institut préconise d’inscrire la problématique des mariages forcés dans les formations de base et continuées des catégories professionnelles confrontées à de telles situations telles que les policiers, les officiers de l’état civil, les magistrats, les médecins généralistes et hospitaliers, les enseignants, les assistants sociaux, etc.

 

Des outils concrets doivent être développés pour détecter rapidement et efficacement les mariages forcés. Dès lors, par analogie avec la circulaire sur les mariages blancs[3], un outil doit être développé pour détecter les signaux d’un mariage forcé. En outre, il faudrait mettre une liste des signaux et un dossier pédagogique à disposition des écoles afin qu’elles puissent signaler les situations à risque au plus tôt.

 

Enfin, le devoir de promouvoir et protéger les droits de la personne et la dignité humaine, s’applique aussi bien en Belgique qu’à l’étranger. L’Institut souhaite que la lutte contre les mariages précoces soit intégrée dans le dialogue politique bilatéral avec les pays concernés avec une attention spécifique pour les pays partenaires de la coopération belge au développement.

 

Plan Belgique a, pour sa part, salué l’engagement du Gouvernement Michel contre les mariages précoces et forcés dans sa coopération et sur la scène internationale, mais a rappelé que cet engagement devait, afin d’être cohérent, s’accompagner d’un renforcement des mesures destinées à lutter contre cette pratique sur son propre territoire.

 

Prévalence
En Belgique, depuis 2010, seules 56 plaintes relatives à un mariage forcé ont été enregistrées par la police. Aucune étude de prévalence n’a été réalisée spécifiquement sur les mariages forcés à l’échelle nationale. Néanmoins, différentes études nous apprennent que des cas sont régulièrement signalés auprès des associations chargées de prendre en charge les victimes de ces problématiques. En outre, de nombreuses personnes introduisent une demande d’asile en invoquant ce motif : entre 2009 et 2013, 3397 demandes relatives aux mariages forcés ont été traitées par le Commissariat général aux réfugiés et apatrides.

 

En ce qui concerne les mariages précoces, selon les Nations Unies, 720 millions de filles ont été mariées avant l’âge de 18 ans. Et parmi elles, 250 millions l’ont été alors qu’elles n’avaient pas 15 ans. Les garçons sont également concernés. 156 millions d’entre eux ont également été mariés avant l’âge de 18 ans. Toutefois, les filles restent affectées de manière disproportionnée.

 

Contacts presse :
Elodie Debrumetz
Responsable Communication Institut pour l’égalité des femmes et des hommes
GSM :0497/236767
TEL : 02 233 49 47
elodie.debrumetz@iefh.belgique.be

 

[1]Pour rappel, un mariage est dit « précoce » lorsqu’un des deux époux, voire les deux, a moins de 18 ans et qu’un mariage est dit « forcé » lorsque au moins un des partenaires d’une future union est privé de la liberté de choix de son futur époux.
[2] Et aussi en Italie et en Espagne.

[3]Circulaire du 6 septembre 2013 relative à la loi du 2 juin 2013 modifiant le Code civil, la loi du 31 décembre 1851 sur les consulats et la juridiction consulaire, le Code pénal, le Code judiciaire et la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en vue de la lutte contre les mariages de complaisance et les cohabitations légales de complaisance.