30 Mar 2023 00:30

Les pansements multicouches siliconés sont efficaces pour la prévention des escarres du sacrum, et aussi coût-efficaces

Les pansements multicouches siliconés sont utilisés depuis quelques années pour traiter les escarres, complications fréquentes de l’alitement ou de l’immobilisation prolongée. Par contre, leur efficacité comme moyen de prévention n’a été établie que récemment, grâce à un essai clinique financé par KCE Trials. Une nouvelle étude du même Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) apporte aujourd’hui la preuve que cette utilisation préventive est non seulement efficace mais aussi coût-efficace.

Les escarres sont le cauchemar des infirmiers dans les services qui accueillent des patients immobilisés ou grabataires. Il s’agit de plaies qui surviennent aux points de pression (sacrum, talons…) lorsqu’une personne reste longtemps dans la même position. Ces plaies peuvent rapidement devenir très profondes, jusqu’au tissu musculaire et osseux sous-jacent, et sont très difficiles à guérir.

Leur prévention revêt donc une grande importance.Un effet préventif qui restait à démontrer

Une grande part de la prévention des escarres consiste à repositionner régulièrement la personne de manière à éviter toute pression prolongée sur les zones de contact. Elle fait également appel à une large gamme de matelas et de coussins spécialisés qui permettent de réduire la pression. S’y ajoute, depuis quelques années, l’application préventive de pansements en mousse multicouches siliconés. Ces pansements sont déjà utilisés dans le traitement de divers types de plaies, mais leur efficacité en prévention des escarres ne reposait pas sur bases scientifiques très solides.

Pour combler cette lacune, le programme KCE Trials du KCE (voir encadré) a financé un essai clinique randomisé dans 8 hôpitaux belges afin de déterminer si l’utilisation de ces pansements chez des patients hospitalisés présentant des risques d’escarres permettait de réduire leur apparition. En 2020, cet essai avait conclu à l’efficacité préventive des pansements, du moins au niveau du sacrum : dans le groupe de patients qui avaient bénéficié des pansements, 2,8 % ont développé une escarre, contre 4,8 % dans le groupe contrôle, qui n’avait bénéficié que de la prévention classique, sans pansements. Ces résultats ont fait l’objet d’un article dans le British Journal of Dermatology(1).

Des économies assurées

L’étude économique publiée aujourd’hui s’inscrit dans la continuité de cet essai clinique ; elle vise cette fois à déterminer si la prévention des escarres du sacrum à l’aide de pansements est coût-efficace, en d’autres mots, si leur utilisation génère suffisamment de bénéfices de santé par rapport à leur coût.

Les chercheurs ont calculé que l'économie moyenne par escarre du sacrum évitée pendant le séjour à l'hôpital contrebalance déjà le coût initial de ces pansements. Si l’on tient également compte du fait que le traitement des escarres peut nécessiter une prolongation plus importante de la durée du séjour à l’hôpital ou entraîner des coûts supplémentaires après la sortie, ou encore qu’il peut y avoir des remises de prix sur les pansements, etc., les résultats de cette analyse sont encore plus favorables;

Une étude 100 % belge

Cette étude est une première pour le KCE, qui a mené jusqu’à présent ses évaluations économiques en se basant sur des données issues de la littérature. Or de telles données ont leurs limites. Par exemple, elles ne sont pas nécessairement transposables à la situation belge, ou elles ne concernent que l'efficacité d’interventions réalisées dans des conditions strictement contrôlées, bien éloignées du « monde réel ». Grâce au programme KCE Trials, dont les essais cliniques sont menés en Belgique et sur des patients traités dans les conditions de la vie réelle, les chercheurs disposaient dans ce cas-ci de données spécifiques à la population belge. Le KCE a l'intention de développer cette approche à l’avenir, afin d'exploiter encore davantage les données probantes issues des essais cliniques qu’il finance.

Cette évaluation économique apporte donc une double démonstration. D’une part, du fait que l'application préventive de pansements multicouches siliconés au niveau du sacrum peut être recommandée tant du point de vue clinique que du point de vue économique chez les patients à risques hospitalisés. Et d’autre part du fait que KCE Trials rend possible la réalisation, dans les hôpitaux belges, d’essais cliniques pragmatiques randomisés suffisamment robustes pour permettre des analyses économiques fiables et applicables au contexte belge.

Qu’est-ce que le programme KCE Trials ?

KCE Trials est un programme de financement d’essais cliniques non commerciaux financé par les autorités fédérales belges. Il aborde des questions généralement laissées de côté par l’industrie malgré leur important intérêt sociétal.

Les essais cliniques de KCE Trials sont :

  • non-commerciaux
  • pragmatiques et axés sur la pratique : à la différence des essais commerciaux, ils portent sur des patients traités dans les conditions de la vie réelle (dans les hôpitaux, les cabinets de médecine générale, les maisons de repos, etc.)
  • comparatifs : ils comparent l’efficacité de traitements déjà utilisés mais qui n’ont jamais été comparés directement entre eux
  • potentiellement susceptibles de permettre des économies pour l’assurance maladie
  • non limités à des médicaments ou à des dispositifs médicaux : ils peuvent aussi porter sur des modifications de style de vie, des psychothérapies, des tests de diagnostic, des interventions chirurgicales, etc.
  • assurés de générer des bases de données disponibles pour des recherches d’intérêt public, afin de pouvoir mener, par exemple, des études coût-efficacité détaillées et indépendantes.

Le KCE est responsable de la sélection et du financement, mais ne les conduit pas lui-même. La coordination et la réalisation sont de la responsabilité des équipes de recherche des hôpitaux, universités ou d’autre organisme de recherche non commercial.

Plus d’infos : voir www.kce.fgov.be/fr/kce-trials

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1. Beeckman et al. Br J Dermatol 2021; 185:52–61 https://doi.org/10.1111/bjd.20448