Les garçons discriminés dans le cadre de la vaccination contre le HPV
Bruxelles, le 30 mars 2022 – Le tribunal du travail de Bruxelles a établi que le régime de remboursement de la vaccination contre le HPV constitue une infraction à la Loi Genre et à la loi Anti-discrimination. Cette décision intervient à la suite de l’action en justice d’un garçon qui, avec le soutien de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, a dénoncé le fait que, contrairement aux filles de son âge, il n’avait pas droit au remboursement de ses vaccins contre le HPV.
Le papillomavirus humain (ci-après « HPV ») est un groupe de virus fortement apparentés qui peuvent engendrer une croissance cellulaire anormale de la peau et des muqueuses. Il existe au moins 20 types de HPV à haut risque, qui peuvent provoquer un cancer. Le plus connu de ces cancers est celui du col de l’utérus, mais les HPV interviennent également souvent dans des cas de cancers de la bouche et de la gorge ou encore du pénis et de l’anus. Les types de HPV à faible risque sont eux responsables de 94% des verrues génitales. La vaccination stoppe la propagation du virus, et freine fortement le développement de cancers et de verrues.
Évolution des connaissances médicales
On a longtemps pensé que le HPV touchait principalement les femmes. En 2017, le Conseil Supérieur de la Santé a toutefois publié un avis relatif à la vaccination contre le HPV qui, sur base de diverses études récentes démontre que 25% des cancers liés au HPV surviennent chez les hommes. Contrairement au cancer du col de l’utérus, il n’existe pas de méthode de dépistage facile et fiable pour ces cancers, de sorte que le diagnostic est souvent posé à un stade avancé. En outre, l’avis mentionne que le nombre de nouveaux cas de cancers liés au HPV et de verrues anogénitales par an en Europe est réparti de façon plus ou moins équilibrée entre les hommes et les femmes, et que le nombre de nouveaux cas de verrues anogénitales chez les hommes est même en augmentation. Pour ces raisons, le Conseil Supérieur de la Santé est arrivé à la conclusion qu’il était fortement recommandé de vacciner les filles ET les garçons âgé-e-s de 9 à 14 ans inclus. De plus, il conseille une vaccination de rattrapage des femmes et des hommes âgé-e-s de 15 à 26 ans, sur base individuelle.
Discrimination dans le remboursement du vaccin contre le HPV
En Belgique, il existe deux façons de se faire vacciner. Premièrement, le programme de vaccination scolaire au niveau communautaire, gratuit et qui, à la suite à ces nouvelles connaissances médicales, inclut depuis l’année scolaire 2019-2020 les filles ET les garçons. Il existe également une seconde possibilité pour les personnes qui n’ont pas pu bénéficier de ce programme : acheter soi-même le vaccin en pharmacie. Dans ce cas, l’INAMI rembourse le vaccin pour les filles sous certaines conditions, mais pas pour les garçons. Par exemple : un garçon qui achète du Gardasil 9® dans une pharmacie paie 134,84 € par vaccin. Une fille dans la même situation ne paie que 12,10 € ou 8,00 € grâce au remboursement de l’INAMI. Étant donné qu’il faut plusieurs vaccinations pour être complètement protégé-e, le coût sans remboursement peut atteindre 406,5 euros.
En outre, les hommes homosexuels sont particulièrement désavantagés par le refus de remboursement car ils ne bénéficient pas de l'immunité de groupe qui se crée en partie au sein de la communauté des hommes ayant des relations sexuelles avec des femmes étant donné que ces dernières sont vaccinées et ne transmettent donc pas le virus HPV à leurs partenaires.
Action en justice du plaignant et de l’Institut
A la suite de cette inégalité de traitement, un garçon a déposé plainte auprès de l’Institut. L’Institut l’a accompagné dans le cadre d’une procédure judiciaire devant le tribunal du travail au cours de laquelle un recours a été introduit contre le refus de remboursement de la mutuelle. Le plaignant et l’Institut ont fait valoir que cette situation constitue une discrimination fondée sur le sexe et est donc contraire à la Loi Genre.
Le rapport de l’auditeur du travail dans cette affaire était unanimement positif et a suivi la position de l’Institut. Le tribunal a également jugé que les conditions de remboursement des vaccins contre le HPV constituent une discrimination directe fondée sur le sexe et qu'il existe une discrimination intersectionnelle fondée sur le sexe, spécifiquement pour le groupe des hommes homosexuels.
Recommandations de l’Institut
Pour Michel Pasteel, directeur de l’Institut: « Le jugement est très satisfaisant. Nous espérons que les conditions de remboursement seront modifiées afin qu’à l’avenir, non seulement les filles mais aussi les garçons aient droit au remboursement de la vaccination contre le HPV. La décision est tout à fait conforme aux recommandations que l’Institut a formulées sur cette question en collaboration avec Kom op tegen kanker et la Fondation contre le cancer. À savoir : d’une part, rendre les conditions de remboursement neutres du point de vue du genre et, d’autre part, étudier la possibilité d’une vaccination de rattrapage pour les hommes qui n’ont pas eu l’opportunité de se faire vacciner auparavant. »