21 mai 2025 15:44

Un changement de paradigme dans le milieu de la prostitution, et après ?

Le 16 mai dernier à Bruxelles, Soralia et la Ligue des Droits humains ont organisé une journée de réflexion autour de la loi du 3 mai 2024 avec le soutien du Conseil de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cette législation, qui encadre désormais le travail du sexe sous contrat de travail, a marqué un tournant majeur dans le droit du travail belge et la reconnaissance des droits des travailleurs et travailleuses du sexe.

Il y a un an, était votée la loi du 3 mai 2024 relative aux travailleurs du sexe sous contrat de travail dont nous savons que la grande majorité sont des femmes. Cette loi encadre l’activité de prostitution des travailleuses et travailleurs salarié·e·s et offre des garanties spécifiques justifiées par les risques fréquents de violences dans le secteur. Si l’activité est reconnue économiquement et juridiquement, ce n’est certes pas un métier comme les autres. 

Applicable depuis décembre 2024, la nouvelle loi suscite d’importantes controverses que le Conseil de l’Égalité des Chances, Soralia et la Ligue des Droits Humains estimaient utiles d’exposer objectivement et de débattre au cours d’une journée. En effet, s’il fallait analyser une forme de « normalisation » pour une minorité de personnes qui se prostituent volontairement, il fallait parallèlement aborder la situation de la majorité de celles qui ont été happées par les réseaux de prostitution criminels de l’exploitation sexuelle. La priorité politique doit être accordée à la lutte contre la traite des êtres humains, les trafics et l’exploitation sexuelle des femmes et des filles. Les deux dossiers sont totalement liés et exigent à tout le moins une meilleure coordination des contrôles par les autorités fédérales, régionales et même communales. L’expérience des polices de quartier, ainsi que de la police fédérale, a mis en lumière leurs rôles de répression des proxénètes mais également d’aide aux victimes afin de les extirper du système prostitutionnel… ainsi que le manque structurel de financement. 

L’avis d’expert·e·s juridiques de l’exécutif et du Parlement, mais aussi des principaux acteurs directement impliqués dans l’application pratique de la loi de 2024, dont les partenaires sociaux du secteur de l’Horeca, permet d’éclairer sa portée réelle pour les bénéficiaires potentiels et ce, malgré le peu de recul et l’absence d’agréments d’employeurs accordés à ce jour.  La rencontre avec les associations chargées de l’accompagnement et de l’aide aux victimes de mauvais traitements relancera certainement le dialogue social.

Au-delà des clivages et des émotions que suscite la question de la prostitution, cette journée était une première opportunité de dialogue à poursuivre concrètement : la nécessité de donner des espaces d’échanges et de discussion parait évidente.

Une évaluation de l’application de la loi est prévue pour la fin 2026. L’ objectif ultime de la journée était de constituer une plateforme de veille qui s’adressera au gouvernement fédéral d’abord, pour obtenir toutes les données utiles afin de vérifier si les intentions du législateur se sont réellement traduites en améliorations des conditions de travail et de vie des personnes qui entreront dans le système des salariés. Il sera tout aussi crucial d’évaluer les effets d’une loi comme celle-ci sur le contrôle et les moyens accordés à la lutte contre l’exploitation sexuelle des femmes et des filles. 

Cette journée était donc un commencement.