07 nov 2014 11:23

Procès exemplaire contre la fraude aux « kits sociaux » : la réaction de la sécurité sociale belge

Le 12 novembre commence à Bruxelles un important procès correctionnel à l'encontre de 15 personnes poursuivies dans le cadre d’une affaire de perception indue d'allocations sociales suite à une fraude aux « kits sociaux » (vente de faux contrats de travail, faux C4, fausses attestations, etc.). Les institutions publiques de sécurité sociale (IPSS) belges détectent de plus en plus vite ce phénomène frauduleux grâce à une collaboration et des méthodes d’investigation améliorées.

Un dossier « mammouth »

Les accusés comparaissent devant le tribunal correctionnel pour une fraude à grande échelle ayant permis, après qu’ils aient introduit des déclarations fictives à l'ONSS, à de prétendus assurés sociaux de percevoir indument diverses allocations sociales.

L'affaire a été révélée pour la première fois en 2006. La chambre du conseil de Bruxelles a renvoyé le dossier au tribunal correctionnel fin 2013. Toutes les IPSS se sont constituées partie civile dans cette procédure.

Il s'agit en l’espèce d'un dossier de fraude important à tous points de vue :

  • 40 entreprises ont été impliquées, ayant elles-mêmes une activité totalement fictive ou non, mais en tout cas expertes dans la vente de faux documents sociaux.
  • 2.980 fausses relations de travail ont été constatées, pour un nombre de travailleurs fictifs compris entre 1.895 et 2.000, lesquels ont dès lors été privés de leurs droits sociaux, et vis-à-vis desquels les allocations indues sont répétées.
  • 47 infractions sont visées, allant de l'assujettissement frauduleux à la sécurité sociale à la participation à une organisation criminelle, en passant par des faux en écriture, usage de faux, infractions au droit pénal social et même tentative de corruption sur des fonctionnaires en fonction.
  • Rien que dans ce seul dossier de fraude, les IPSS réclament des dommages et intérêts pour un montant total d’environ 20,2 millions d'euros. Ce montant se compose essentiellement des diverses allocations sociales payées indûment et non récupérées, mais également des coûts administratifs extraordinaires relatifs au traitement de ces multiples dossiers frauduleux.

Quels sont les mécanismes de cette fraude ?

Certaines entreprises fictives sont spécialisées dans la vente de « kits sociaux » – des documents sociaux falsifiés qui procurent à l'acheteur une fausse identité sociale. Au moyen de déclarations ONSS fictives (des déclarations pour lesquelles il n'y a en contrepartie aucune prestation de travail), la fausse identité sociale ouvre la porte à tous les avantages sociaux : chômage, allocations de maladie, pécule de vacances, allocations familiales et autres.

Le recours à un kit social est donc une manière d'obtenir indûment des prestations de sécurité sociale. Ce n'est pas tout : par sa fausse identité, l'acquéreur du kit tente également de duper l'administration fiscale, les banques et souvent aussi les instances qui règlent le séjour sur le territoire.

Le système est lucratif tant pour l'acquéreur du kit qui récupère sa mise grâce aux allocations perçues, que pour les organisateurs qui encaissent des sommes importantes en peu de temps.

La fraude aux « kits sociaux » n'est pas un phénomène propre à la Belgique. Le système fut mis au jour pour la première fois en France. Une commission d'enquête parlementaire française en faisait déjà état en 2006. Des récits de fraudes similaires furent publiés dans la presse néerlandaise en 2013.

Une nouvelle approche

Un phénomène aussi complexe à déceler que cette fraude aux « kits sociaux » demande une approche rigoureuse des autorités. Dès lors, les IPSS ont modifié leur organisation aux cours des dernières années afin de permettre dorénavant une détection et un traitement plus rapides et efficaces.

Collaboration améliorée et communication externe

Chaque fois qu'une institution détecte pareille fraude, elle en informe au plus vite les autres IPSS. Ces dernières interviennent désormais conjointement dans les procédures pénales visant à récupérer le préjudice à charge des organisateurs de la fraude. En effet, un groupe de travail inter-IPSS a été constitué en 2010, sous l’égide de l'ONSS, afin d'assurer la coordination dans le suivi de cette instruction, d'introduire une constitution de partie civile conjointe et d'organiser une stratégie commune applicable aux procédures pénales similaires.

Annulation des déclarations fictives

Les déclarations fictives sont annulées par l’ONSS. Toutes les IPSS sont immédiatement mises au courant par le biais de la Banque carrefour de la sécurité sociale. Cette annulation entraîne la déchéance des droits frauduleusement créés. Les IPSS concernées réclament aux personnes qui ont indûment perçu les allocations sociales le montant de celles-ci.

Des méthodes de détection plus efficaces

Des méthodes d'enquêtes spécifiques structurées ont été mises en place depuis la découverte de ce premier dossier. Un système de croisement de données (« datamatching ») fut instauré, qui fonctionne à l'aide d'indicateurs de fraude aux allocations établis sur la base de l'expérience. Ce système permet aux services d'inspection de mieux orienter leurs recherches. Le perfectionnement de ces méthodes d'investigation est un processus permanent visant à réduire au maximum le facteur aléatoire dans le cadre de la détection toujours malaisée des fraudes aux allocations. Par ailleurs, le nombre d'inspecteurs en charge du dépistage des phénomènes frauduleux complexes a augmenté.

Le nombre d'employeurs fictifs radiés ces dernières années par l'ONSS a dès lors augmenté sensiblement. Il n'indique pas seulement que le phénomène tend sans doute à s'amplifier, mais aussi avant tout que les IPSS parviennent à identifier une quantité toujours plus importante d'entreprises frauduleuses.