Soins de santé mentale : il est difficile de savoir si l’offre de soins répond à la demande
Les soins de santé mentale ont fait l'objet d'un certain nombre de réformes au cours des dernières décennies dans notre pays. Le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) a été chargé de cartographier le paysage actuel de ces soins et d’en identifier les lacunes et les possibles recoupements. Mais comme les besoins de la population belge ne sont pas connus – car il n'existe pas de chiffres fiables sur ce sujet – le KCE n'a pas été en mesure de vérifier si l'offre de soins correspond à ces besoins. En plus d’un système efficace d'encodage des données et d'une incitation des acteurs concernés à procéder à l’encodage, le gouvernement devrait renforcer sa politique de soins orientés vers la communauté, notamment en rendant les soins de santé mentale plus accessibles (notamment sur le plan financier), en prévoyant des lieux où l’information nécessaire serait facilement abordable et en élargissant l’offre d’habitats adaptés
Une cartographie des soins de santé mentale
Au cours des dernières décennies, les soins de santé mentale ont fait l'objet de plusieurs réorganisations, au fil des réformes successives de l'État. Ces réorganisations se marquent toutes par une volonté croissante de sortir ces soins des hôpitaux et autres lieux de soins résidentiels.
En 2016, il a été décidé, de commun accord entre les autorités de santé fédérales et fédérées, de se focaliser encore davantage sur les soins dispensés au sein de la communauté, afin de permettre aux personnes confrontées à des problèmes de santé mentale d’être traitées dans leur environnement familier et de reprendre ensuite plus facilement le cours de leur vie. C’est dans ce contexte qu’il a été demandé au KCE de dresser un état des lieux des soins de santé mentale (pour les adultes).
Le KCE a analysé la littérature scientifique, les bases de données, les sites internet et les rapports annuels des différents acteurs des soins de santé mentale. Une très large consultation de toutes les parties prenantes, dont les associations de patients et de familles de patients, a été réalisée via des focus groupes et des enquêtes en ligne.
Les besoins de soins sont mal connus
L’enquête nationale de santé fournit des données concernant les problèmes auto-rapportés de santé mentale mais le principal problème rencontré par le KCE est qu'à l’heure actuelle, il n'existe pas de chiffres fiables sur les besoins en soins de santé mentale de la population belge. Par conséquent, les chercheurs du KCE n'ont pas été en mesure de vérifier si l'offre actuelle de soins est suffisante et accessible, s'il y a des doubles emplois et si toutes les personnes qui ont des problèmes de santé mentale reçoivent bien les soins dont elles ont besoin.
Il est donc prioritaire de mettre en place des systèmes efficaces d'encodage des chiffres relatifs aux problèmes de santé mentale, aux soins nécessaires, à l'offre et à l'utilisation de ces soins, à leurs coûts, à leur qualité, etc.. Ces données seront principalement utiles pour les processus de soins, et pourront également servir à la politique de santé et à la recherche. Cela prendra beaucoup de temps mais, en attendant, d'autres mesures peuvent être prises (voir ci-dessous) pour poursuivre et renforcer la politique actuelle, à tous les niveaux de compétence.
À l’avenir, il est également prévu de collecter des données épidémiologiques sur les besoins en santé mentale en première ligne dans le cadre du projet sur le remboursement des soins psychologiques pour adultes.
Les arbres et la forêt
Le KCE a constaté l’étendue, la grande diversité, mais aussi la complexité de l'éventail des soins de santé mentale proposés dans notre pays. Il en résulte une offre de soins peu visible et peu lisible, tant pour les citoyens que pour les prestataires de soins et les responsables politiques. Il est donc souhaitable de clarifier les points d'accès aux soins et à l’information, qui doivent être facilement accessibles pour toutes les personnes qui en ont besoin, mais aussi pour leurs familles et aidants proches. Ces points d’accès pourraient être des médecins généralistes, des maisons médicales, des services de santé au travail, des CPAS, etc. Divers réseaux de soins de santé mentale sont déjà en train de mettre en place de tels points d’accès. À l'avenir, il serait souhaitable que toutes les informations sur l'offre de soins de santé mentale et physique soient réunies en ligne sur un portail unique.
Renforcer les soins au sein de la communauté et les habitats adaptés
Par ailleurs, le KCE préconise de renforcer l'offre de soins (psychologues, psychiatres, médecins généralistes, maisons médicales, services de santé mentale, équipes mobiles, centres de plannings familiaux, etc.) dans l’environnement proche des personnes confrontées à des problèmes de santé mentale, et de rendre cette offre financièrement plus accessible. De cette façon, les problèmes de santé mentale pourraient être traités plus tôt, ce qui allégerait le recours aux services d'urgence et aux hospitalisations. La continuité des soins entre l'hôpital et l'extérieur doit également être améliorée.
L'offre d’habitats adaptés, où les personnes ayant des problèmes de santé mentale peuvent bénéficier d'un soutien psychosocial tout en restant dans leur environnement, doit être considérablement accrue, afin de favoriser la réinsertion sociale et de prévenir les institutionnalisations.
Oser aborder le sujet
La prévention des problèmes de santé mentale et leur prise en charge précoce passent par leur déstigmatisation, tant dans la population en général que chez les employeurs, et chez les soignants eux-mêmes. Il existe pour cela diverses possibilités, comme les campagnes médiatiques, ou l’incorporation de la santé mentale dans les programmes d’enseignement général et dans les programmes de formation des prestataires de soins.