20 oct 2025 08:04

La Belgique doit adapter sa politique en matière d’emploi et de formation pour réussir la transition climatique et saisir ses opportunités

La transition climatique offre de nombreuses opportunités d’emploi et ouvre la voie à une nouvelle génération de métiers. La Belgique doit toutefois s’y préparer. Une nouvelle étude du SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement appelle à une profonde révision des politiques de formation et d’emploi en Belgique, afin d’anticiper les besoins d’un marché du travail en pleine mutation.

Pour lutter contre le changement climatique, la Belgique et l’Union européenne visent la neutralité climatique d’ici 2050, un objectif ambitieux qui offre de nombreuses opportunités, mais qui transformera en profondeur notre économie et notre marché du travail. Aujourd’hui, les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs clés et l’insuffisance de formations adaptées freinent à la fois la compétitivité des entreprises et la transition verte.

Le problème est connu : dans le cadre du Semestre européen, la Commission européenne a déjà recommandé à plusieurs reprises à la Belgique de remédier aux pénuries de main-d’œuvre dans les secteurs en transition et à la discordance entre les compétences demandées et celles offertes. Dans le même temps, davantage d’adultes devraient participer à des formations continues ou à des reconversions, et les demandeurs d’emploi auront besoin d’un accompagnement pour saisir les opportunités offertes par la transition.

Afin de mieux cerner ces besoins et de soutenir les décisions politiques, le Service Changement climatique du SPF Santé publique publie ce lundi une nouvelle étude sur l’impact de la transition climatique sur l’emploi, les compétences et la formation en Belgique.

Il n’y aura pas de transition climatique sans transition de l’emploi et de la formation

Le rapport, réalisé par Climact et IDEA Consult, analyse l’évolution de la demande de main-d’œuvre dans sept secteurs : transport, santé, agriculture et industrie alimentaire, économie circulaire, recherche et développement, enseignement et construction. Ces secteurs représentent une part importante de l’emploi et de la valeur économique en Belgique, et sont fortement influencés par la transition climatique. Pour chacun d’eux, les chercheurs ont analysé l’impact de la transition climatique sur la demande de main-d’œuvre et les besoins en formation, notamment à partir d’ateliers et d’entretiens avec des représentants des secteurs concernés.

Leur conclusion est claire : les profondes mutations en cours exigent une action rapide pour répondre aux besoins futurs en personnel et en formation. Ce n’est qu’en comblant le fossé actuel entre le marché du travail et la formation des demandeurs d’emploi que notre pays pourra saisir les opportunités offertes par la transition climatique. La coopération et la coordination entre les autorités fédérales et régionales, les services publics, les partenaires sociaux, les fonds sectoriels et les établissements d’enseignement seront essentielles.

Trois messages clés ressortent de l’étude :

  1. La transition climatique offre des opportunités de création d’emplois de qualité.
    D’ici 2050, une (légère) croissance nette de l’emploi est attendue, avec d’importants déplacements entre et au sein des secteurs.
  2. Pour saisir ces opportunités, il faut mieux identifier les besoins futurs en main-d’œuvre et en formation, ainsi que renforcer la qualité et l’attractivité des emplois liés au climat.
  3. Une meilleure articulation entre le marché du travail et l’enseignement est essentielle.
    Les profils de compétences et les programmes de formation doivent davantage intégrer les enjeux de la transition climatique.

Le marché du travail dans une Belgique en transition : évolution par secteur

  • Transport : d’ici 2050, la demande de chauffeurs de transports publics pourrait doubler, celle des coursiers et mécaniciens vélo croître fortement, tandis que la demande de chauffeurs routiers et de mécaniciens automobile devrait diminuer. De meilleures conditions de travail, des efforts de reconversion et des formations courtes et pratiques seront essentielles pour garantir une main-d’œuvre suffisante dans ce secteur.
  • Santé : les changements dans la demande de travail dus à la transition seront limités, mais la décarbonation du secteur passera par la prévention et les pratiques circulaires. Les formations initiales et continues du personnel soignant devront accorder plus d’attention à ces aspects.
  • Agriculture et alimentation : d’ici 2050, ce secteur pourrait connaître une forte croissance, avec une hausse potentielle de 50 000 à 100 000 emplois selon le scénario de transition. Les pratiques agroécologiques et les changements alimentaires pourraient créer ensemble des dizaines de milliers d’emplois supplémentaires. Une transition réussie nécessitera une vision à long terme, des prix et une rémunération équitables, un meilleur accès aux terres agricoles et un accompagnement technique à la reconversion et à la diversification, notamment via les coopératives.
  • Construction : ce secteur restera une source majeure d’emploi, mais souffre déjà de graves pénuries. D’ici 2050, jusqu’à 130 000 emplois supplémentaires seront nécessaires pour les rénovations liées au climat, dont 59 000 dans la construction elle-même et 79 000 dans la chaîne d’approvisionnement. Dans ce secteur, il est urgent d’adapter les formations afin d’intégrer les nouvelles compétences liées aux besoins de rénovation.
  • Économie circulaire : d’ici 2050, on prévoit une croissance continue des emplois circulaires, notamment dans la réutilisation et la réparation. Les conditions de travail devront cependant s’améliorer pour attirer suffisamment de travailleurs, et il faudra développer des programmes de formation spécifiques au secteur.
  • Recherche et développement (R&D) : il est difficile d’estimer le nombre d’emplois liés à la R&D climatique, mais une augmentation du nombre de chercheurs – technologiques, humains et sociaux – est attendue. Le secteur est toutefois en concurrence avec d’autres pour attirer les profils STEM, déjà rares.
  • Enseignement : la pénurie actuelle de personnel constitue aussi un frein à la transition. En parallèle, enseignants et formateurs devront être formés aux enjeux du climat et du développement durable.

Des recommandations qui doivent rapidement être mises en œuvre

Ce rapport montre que la transition climatique implique des transformations du marché du travail et de l’offre de formation. L’adaptation des programmes d’études et la reconversion des travailleurs ne se font toutefois pas du jour au lendemain. Le rapport formule donc plusieurs recommandations urgentes :

  • Les pouvoirs publics doivent permettre à l’éducation et au marché du travail de jouer pleinement leur rôle dans la transition climatique, en élaborant des plans et stratégies clairs.
  • Les établissements de formation doivent intégrer rapidement les besoins du marché du travail liés à la transition climatique dans leurs programmes, en anticipant les besoins non seulement actuels mais aussi futurs (sur plusieurs décennies).
  • Les employeurs et les fonds sectoriels ont également un rôle à jouer. Ils doivent mieux mettre en avant les besoins en compétences vertes pour que les profils professionnels et les programmes de formation soient adaptés à la transition. Ils doivent aussi mieux représenter les défis et les intérêts des nouveaux métiers dans les structures existantes, afin que les nouvelles compétences soient plus rapidement intégrées.
  • Enfin, les établissements d’enseignement doivent intégrer de manière structurelle des cours sur la transition climatique dans l’offre éducative belge, afin de renforcer la sensibilisation et de mieux faire connaître les opportunités qu’offre cette transition.

Plus d’informations :

La publication “The sectoral impacts of the climate transition - focus on employment, skills and training” est disponible ici.