20 jan 2022 01:00

Comment prendre des décisions pour sa santé quand on n’a pas/plus l’esprit clair ?

Pour la plupart d’entre nous, il va de soi qu’il nous revient de prendre nous-mêmes les décisions qui concernent notre propre santé. Mais pour certaines personnes, dont la capacité décisionnelle est altérée – par exemple en cas de maladie mentale ou de démence – la situation n’est pas claire. Un rapport du Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) rappelle que la capacité décisionnelle est rarement une donnée binaire « en noir ou blanc » mais une réalité fluctuante en fonction du moment, du contexte et du type de décision à prendre. Les personnes concernées doivent être soutenues de manière à pouvoir continuer autant que possible à prendre de manière autonome les décisions qui concernent leur santé et leurs soins.

Il est parfois difficile pour les soignants d'évaluer si un patient est apte à prendre une décision d’ordre médical et de définir de quel soutien il a besoin. C’est pourquoi il est nécessaire de les former à ces questions. Les initiatives visant à permettre au patient d’exprimer à l’avance ses préférences et ses souhaits peuvent également jouer un rôle important à cet égard.

Un sujet sensible

Prendre soi-même les décisions qui concernent sa propre santé et les soins que l’on souhaite recevoir, cela nous semble évident. Il suffit de constater l’intensité des réactions à la question de l’obligation vaccinale contre le Covid pour se convaincre de la sensibilité du sujet.

Pourtant, les décisions en matière de soins peuvent être particulièrement difficiles pour certaines personnes, parce que leur capacité décisionnelle est réduite (de manière temporaire ou permanente), par exemple à cause d'une maladie mentale ou d’une démence. Comment les soignants peuvent-ils faire face à de telles situations ? Quels sont les droits de ces personnes ? Comment les protéger tout en leur laissant encore une autonomie de choix et en respectant leurs volontés ?

La loi ne dit pas comment faire

La question à l’origine du rapport publié aujourd’hui par le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) avait été posée simultanément par le monde académique et par la Vlaams Patiëntenplatform, organisation coupole flamande des associations de patients. En effet, depuis 2002, la Belgique dispose d'une loi sur les droits des patients qui repose sur le principe que, sauf preuve du contraire, toute personne adulte est en mesure de prendre une décision relative à ses soins de santé. Mais la loi ne dit pas comment faire…. Quand et comment faut-il procéder à une évaluation de la capacité décisionnelle ? Qui devrait être chargé de cette évaluation ? Et qui devrait y être impliqué ? Est-il possible de définir des critères standardisés pour déterminer cette compétence ? Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses questions pratiques qui se posent dans l'application concrète de ce principe. Pour y apporter des (pistes de) réponses, les chercheurs du KCE ont analysé le cadre législatif belge et la littérature internationale, mais ils ont également interrogé des patients et des soignants afin de cerner au plus près les besoins concrets et les expériences des personnes concernées.

Jamais « noir ou blanc »

Que faut-il retenir de cette recherche ? Tout d’abord que la capacité décisionnelle est rarement une donnée binaire « en noir ou blanc », avec des personnes « totalement capables » ou « totalement incapables » de prendre une décision éclairée, mais une réalité fluctuante en fonction du moment, du contexte et du type de décision à prendre. Les patients atteints de démence (débutante) ou de maladie mentale ne devraient donc pas automatiquement être considérés comme inaptes à prendre des décisions.

Soutenir autant que possible

Au contraire, c’est précisément dans ces périodes « entre gris clair et gris foncé » que ces personnes doivent être soutenues de manière à pouvoir continuer autant que possible et aussi longtemps que possible à prendre de manière autonome les décisions qui concernent leur santé et leurs soins. Il faut pour cela savoir trouver le délicat équilibre entre autonomie et protection du patient, en évitant le piège du paternalisme (même bien intentionné). Les soignants ont besoin d’être accompagnés pour y arriver ; cela peut se faire via des guides de bonne pratique, des outils d’aide à la décision, des programmes de formation spécifiques, etc.

Deux processus de concertation importants ont été épinglés par les chercheurs comme essentiels : la « prise de décision partagée » et la « planification préalable ou anticipée des soins » (PAS). En lien avec cette dernière, il faut saluer la toute récente campagne du SPF Santé publique intitulée « Parlons de nos vieux jours ». La PAS peut également servir de base à l’élaboration d’un « plan de crise » avec les personnes confrontées à une maladie mentale qui présente un risque de rechute ou de détérioration.

Créer un climat propice à l’accompagnement

L’introduction de procédures ou de guides de bonne pratique ne doit toutefois pas déboucher sur une « procédure standardisée » d’évaluation de la capacité décisionnelle. Chaque personne a en effet ses spécificités individuelles, son bagage et son contexte propres. C’est pourquoi ces procédures devraient avant tout offrir des repères aux soignants afin de leur permettre de parvenir à une approche plus structurée tout en laissant la place à la relation interindividuelle.

Soutenir la capacité décisionnelle d’une personne ne peut toutefois se faire que si une série de conditions connexes d’ordre organisationnel sont également mises en place, notamment pour permettre aux professionnels de disposer d’un temps suffisant pour rendre la prise de décision accompagnée possible.

Rôle central des personnes de confiance

Les chercheurs ont également souligné le rôle important des personnes de confiance dans l’accompagnement et le soutien des personnes dont la capacité décisionnelle est réduite. Elles aussi doivent pouvoir trouver facilement des informations pertinentes, fiables et faciles à comprendre sur les possibilités existantes.

Une attention particulière doit être accordée aux personnes socialement isolées, qui n’ont ni famille ni amis. Pour ces personnes, aucune forme de soutien – juridique ou autre – n’est prévue.

De nombreuses questions restent ouvertes sur ce sujet complexe mais le rapport du KCE propose quelques pistes d'amélioration pour faire progresser un peu le soutien à ces personnes vulnérables.