Comment venir en aide aux patients atteints de COVID long ?
Le COVID long touche aussi bien les personnes qui ont fait une forme grave du COVID-19 que celles qui n’ont présenté qu’une atteinte légère. Toutes les catégories d’âge sont concernées, mais avec une fréquence plus élevée pour les 35-69 ans. Six mois après une infection par le coronavirus, au moins une personne sur 7 en garde encore l’un ou l’autre symptôme. Ceux-ci sont très variés et correspondent probablement à une combinaison de différents mécanismes, encore hypothétiques.
Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) a réalisé une vaste enquête en ligne auprès de 1320 personnes atteintes de COVID long. Cette étude confirme que le COVID long entraîne une dégradation manifeste de la qualité de vie et de fréquentes difficultés à reprendre le travail. L’impact psychologique est lourd. Les patients disent s’être souvent sentis perdus dans notre système de soins et déplorent l’absence de prise en charge globale de leurs problèmes. Le KCE propose de prévoir pour ces patients une évaluation fonctionnelle afin de pouvoir les orienter vers une prise en charge sur mesure, adéquate et coordonnée. Ce ‘bilan’ se ferait dans des centres spécialisés, mais les traitements prescrits devraient être dispensés autant que possible en première ligne.
Il a fallu quelques mois après le début de la pandémie de COVID-19 pour constater que certains patients mettaient beaucoup de temps à guérir et traînaient en longueur des symptômes variés que personne ne pouvait expliquer. La plupart se plaignaient d’une fatigue anormale, excessive, qui ne cédait pas au repos, ou d’un essoufflement anomal, même chez des personnes auparavant très sportives. Beaucoup souffraient aussi de problèmes de mémoire et de concentration, qui ont été regroupées sous l’appellation « brouillard cérébral ». De nombreux autres symptômes aussi variés qu’inattendus ont également été décrits.
Ces patients se sont assez rapidement regroupés sur les réseaux sociaux, un peu partout dans le monde, pour faire entendre leur voix. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a répondu présent et de nombreux organismes internationaux se sont intéressés au problème. En Belgique, la Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS) a contacté le KCE pour demander une étude sur les besoins et le suivi des personnes atteintes de « COVID long », comme on commençait alors à appeler cette affection (depuis le début de ce mois, l’OMS a opté pour le terme « post-COVID-19 » en anglais).
Que sait-on de la prévalence du COVID long ?
Les chercheurs du KCE ont analysé la littérature scientifique mondiale au fur et à mesure de la parution d’articles sur le COVID long dans des revues scientifiques de haute qualité. Dans l’état actuel des connaissances, il est encore impossible de donner une vision précise de la prévalence de cette affection, mais on peut raisonnablement estimer que 6 mois après une infection par le coronavirus, au moins une personne sur 7 en garde encore l’un ou l’autre symptôme. Les chiffres sont nettement plus élevés chez les patients qui ont dû être hospitalisés pendant la phase aiguë. Ils sont aussi plus élevés pendant les trois premiers mois après l'infection, ce qui montre qu'au moins une partie des patients atteints de COVID à long terme se rétablissent.
Le COVID long touche aussi bien les personnes qui ont fait une forme grave du COVID-19 que celles qui n’ont présenté qu’une atteinte légère (voire asymptomatique). Toutes les catégories d’âge sont concernées (y compris les enfants), mais avec une fréquence plus élevée pour les 35-69 ans.
Que sait-on des mécanismes du COVID long ?
On pense actuellement que plusieurs mécanismes différents interviennent dans les symptômes du COVID long. Certains correspondent probablement à des dommages causés à certains organes (poumons, cœur, rein…) lors de l’infection virale initiale ; ces dommages sont généralement objectivables par des examens médicaux classiques (imagerie, analyses sanguines).
D’autres manifestations seraient les conséquences de réactions anormales (immunitaires, inflammatoires et auto-immunes) en réponse à l’infection. Ces mécanismes restent encore hypothétiques mais pourraient expliquer les symptômes plus difficilement objectivables, comme les maux de tête, la fatigue persistante ou le « brouillard cérébral ».
Enfin, un troisième type de symptômes traduirait une exacerbation de maladies préexistantes (diabète, maladies cardiaques) suite à l’infection par le virus ou comme conséquence d’une hospitalisation (fonte musculaire due à un alitement prolongé, syndrome post-soins intensifs). Ces trois types de symptômes peuvent se combiner et expliquer la grande hétérogénéité des tableaux cliniques observés.
Une analyse du vécu des patients belges
À côté de ces éléments tirés de la littérature scientifique internationale, les chercheurs du KCE se sont également attachés à analyser le vécu des patients belges, l’impact du COVID long sur leur vie et les besoins non rencontrés qu’ils expriment. Une vaste enquête en ligne a été réalisée en février 2021 auprès de 1320 personnes atteintes de COVID long, suivie d’un forum en ligne et d’interviews approfondies pour une centaine de participants à la première enquête.
Il en ressort que le vécu des symptômes est qualifié de manière assez variable, de « limité » à « bouleversant la vie ». De façon générale, le COVID long entraîne une dégradation manifeste de la qualité de vie, une certaine perte d’autonomie et des difficultés à reprendre le travail. L’impact psychologique est lourd, principalement des sentiments d’anxiété par rapport à la persistance de symptômes et des difficultés face aux réactions négatives (p. ex. d’incrédulité, de stigmatisation) dans l’environnement social ou professionnel.
Besoin d’information et de reconnaissance.
La majorité des répondants étaient globalement satisfaits de leurs contacts avec les professionnels de la santé mais environ un sur trois a déclaré éprouver/avoir éprouvé des besoins non satisfaits, notamment un besoin d'information (52 %), de personnel compétent (24 %) et d'accès aux soins (23 %).
Les patients ont beaucoup souffert du manque d’information – et de connaissances scientifiques – sur cette nouvelle affection. Ils ne se sont pas toujours sentis pris au sérieux par les professionnels de la santé, notamment parce que leurs plaintes n’étaient pas toujours objectivables par des examens médicaux ou de l’imagerie. Ils attendent à présent des pouvoirs publics qu’ils fournissent des informations correctes sur ce que l’on sait (et ce que l’on ne sait pas) au sujet du COVID long. C’est pourquoi le KCE recommande de développer des supports d’information à la fois fiables et accessibles à tous, et de mettre en place des campagnes de sensibilisation, notamment auprès des soignants et des employeurs.
Une approche holistique pour orienter les patients vers une prise en charge sur mesure
Sur le plan médical, les patients interrogés déplorent l’absence d’approche holistique, chaque symptôme étant examiné sous l’angle d’une seule spécialité, ce qui a pu donner lieu à une longue errance diagnostique pour certains. Nombreux sont ceux qui se sont sentis perdus dans un système de soins où les professionnels sont insuffisamment coordonnés, ce qui les a obligés à prendre eux-mêmes des initiatives et à coordonner leurs propres soins.
C’est pourquoi la principale recommandation du KCE est de mettre en place un « bilan interdisciplinaire » au cours duquel des médecins des principales spécialités concernées (pneumologues, infectiologues, neurologues, spécialistes en médecine physique et réadaptation…), des kinésithérapeutes, des psychologues et des travailleurs sociaux pourraient réaliser une évaluation globale du patient, en concertation avec son médecin généraliste. Ce bilan permettrait une évaluation précise des besoins fonctionnels du patient et son orientation vers une prise en charge sur mesure, adéquate et coordonnée. Ce bilan se ferait dans des centres spécialisés, mais les traitements prescrits devraient être dispensés autant que possible en première ligne.
Le système de soins actuel offre déjà beaucoup de possibilités
Les patients atteints de COVID long sont souvent – comme beaucoup d’autres patients chroniques – confrontés à la combinaison d'une perte de revenus et d'une augmentation des dépenses médicales.
Notre système de santé prévoit des mesures générales de protection visant à préserver l'accessibilité financière des soins (maximum à facturer, interventions majorées…). De nombreuses prestations de soins potentiellement utiles en cas de COVID long sont aussi largement remboursées (les consultations de médecine générale, la kinésithérapie, depuis peu les psychologues…). Certaines possibilités de remboursement sont cependant mal connues et il serait nécessaire de mieux informer les médecins au sujet de leurs modalités de prescription, notamment en ce qui concerne la revalidation.
Cependant, dans notre système de soins, le principe de base est qu’un traitement ne peut être remboursé que lorsqu’il existe des preuves qu’il est efficace. Le problème est que l’on ne sait pas encore quels sont les traitements efficaces du COVID long. En attendant, le KCE propose d'accorder un remboursement temporaire pour certains soins actuellement insuffisamment pris en charge, comme la revalidation multidisciplinaire en première ligne (p. ex. collaboration entre médecin généraliste, kinésithérapeute et psychologue) ou la revalidation neurocognitive, à condition qu’elles fassent aussi l’objet d’une évaluation scientifique. Il suggère également de créer des groupes de travail réunissant des experts et des patients afin de développer des protocoles de prise en charge qui pourront être ajustés au fil du temps.
Signalons par ailleurs que, à côté de ce rapport (qui ne se prononce pas sur l’efficacité de potentiels traitements), le KCE soutiendra également des projets de recherche clinique sur des traitements potentiels du COVID long via son programme d’essais cliniques non commerciaux KCE Trials.