Crise de l’accueil : l’Europe pointe à nouveau les manquements de la Belgique
Ce 20 septembre, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a estimé que la Belgique n’en faisait pas assez pour résoudre la crise de l’accueil. Il continuera de surveiller le plan d’actions de notre pays. Pour Myria et l’Institut fédéral des droits humains (IFDH), le gouvernement fédéral n’a jusqu’à présent pas encore pris de mesures suffisantes afin de trouver une solution au manque de places pour les demandeurs d’asile.
Mesures insuffisantes
En 2023, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Belgique dans l’arrêt Camara, pour ne pas avoir hébergé un demandeur d’asile pendant cinq mois. La Cour a constaté l’existence d’un problème systémique et pointé le refus caractérisé de l’État belge de se conformer aux injonctions du juge lui ordonnant de fournir un accueil. Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe est chargé d’examiner les mesures prises à la suite de cet arrêt.
En juillet dernier, Myria et l’IFDH ont évalué les mesures prises par le gouvernement fédéral et ont communiqué leurs constats au Comité des ministres. Ils constatent que les mesures prises par le gouvernement sont insuffisantes. Certaines bonnes pratiques ont été mises en place, mais elles reposent principalement sur la bonne volonté d’acteurs de terrain.
Plus de 4.000 demandeurs sur liste d’attente
Depuis 2023, la crise de l’accueil n’a cessé de s’aggraver. Entre mi-juin 2023 et mi-juin 2024, le nombre de personnes inscrites sur la liste d’attente pour obtenir une place d’accueil a quasiment doublé, passant de 2.114 à 4.097 personnes. Il s’agit d’hommes seuls, sauf exception. Le temps d’attente avant d’intégrer un centre d’accueil peut aller jusqu’à 9 mois, voire plus.
Si certaines personnes peuvent être logées chez des connaissances ou dans des hébergements humanitaires d’urgence, d’autres se retrouvent livrées à elles-mêmes dans des squats ou à la rue. Ces conditions de vie très précaires peuvent également aggraver des traumatismes subis dans leur pays d’origine ou sur la route vers l’Europe.
Trois lacunes importantes
En omettant certaines mesures, le gouvernement manque de volonté politique pour résoudre cette crise humanitaire. Dans ce contexte, l’IFDH et Myria attirent l’attention sur trois formes de lacunes :
- L’augmentation de la capacité d’accueil est clairement insuffisante, en tenant compte également du long délai de traitement des demandes d'asile par les autorités. La capacité du réseau d’accueil a augmenté d’environ 6.000 places en trois ans, passant d’environ 29.000 places en 2021 (année où la crise actuelle a débuté) à 35.385 places au 1er mai 2024 (chiffres de Fedasil). Entre juillet 2023 et juin 2024, l’augmentation n’était que de 1.765 places. Lors de la crise de l’accueil de 2014-2015, dans un contexte certes différent, 15.000 places avaient été créées en un an à peine.
- Certaines mesures prévues par la loi accueil en cas de saturation du réseau sont délibérément négligées. C’est le cas de la mise en place d’un accueil d’urgence conforme à la loi (avec un accompagnement social minimal) et de l’octroi d’une aide financière subsidiaire par un CPAS pour les demandeurs d’asile qui peuvent loger chez des connaissances ou au sein de leur famille.
- Certaines mesures de soutien exceptionnelles et des bonnes pratiques prises pour l’accueil des personnes fuyant l’Ukraine en 2022 n’ont pas été appliquées à la crise actuelle. Il s’agit notamment de mettre en place un mécanisme de coordination entre les différents niveaux de pouvoir, de lancer des appels à la solidarité et de faciliter l’hébergement solidaire en évitant la diminution d’allocations sociales pour les personnes qui hébergent les demandeurs d’asile.
Pour l’IFDH et Myria, le gouvernement fédéral doit d’urgence prendre toutes les mesures nécessaires pour résoudre cette crise contraire à la dignité humaine et à l’État de droit. Les deux institutions publiques indépendantes ont adressé leurs recommandations au Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Elles continueront à suivre la mise en œuvre par les autorités belges de leurs obligations internationales à ce sujet.