10 juin 2014 02:06

Dépister ou ne pas dépister le cancer de la prostate ? De nouveaux outils pour une décision bien informée

Faut-il ou non se soumettre à un dépistage du cancer de la prostate ? La question tracasse bien des hommes à partir de 55 ans, même lorsqu’ils ne présentent aucun symptôme particulier. Pour les aider à prendre une décision bien informée, deux nouveaux outils ont été mis au point par le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) et par LUCAS KU Leuven (à la demande de la Vlaamse Liga tegen Kanker -VLK). Le premier est prévu pour être utilisé par le médecin au cours de la consultation, tandis que le second est destiné aux patients eux-mêmes.
Nous ne savons toujours pas très bien, à l’heure actuelle, de quel côté penche la balance bénéfices-risques du dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA. D’un côté, on sait qu’il permet d’éviter deux décès par cancer de la prostate endéans les 15 ans pour mille sujets dépistés. D’un autre côté, nombre d’hommes qui ont passé ce test se trouvent confrontés à une tumeur dont ils n’auraient ressenti les effets que bien plus tard, voire jamais, tant l’évolution de ce cancer est généralement lente. S’ajoute à cela que les traitements instaurés dans la foulée du diagnostic sont susceptibles de provoquer des complications bien connues, telles que l’incontinence et l’impuissance. Il s’agit donc toujours d’un choix difficile, et les nouveaux outils d’aide à la prise de décision veulent aider les patients à le poser de façon mieux informée.

40% des plus de 80 ans ont un cancer de la prostate, mais sans le moindre symptôme

Bien que le cancer de la prostate soit le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les hommes de notre pays, ils sont moins de 4% à en mourir.

Cela s’explique par l’évolution généralement extrêmement lente de la tumeur.  Dans la majorité des cas, le diagnostic n’est posé qu’après 75 ans. Des autopsies ont révélé que nombre d’hommes âgés sont porteurs de cette tumeur jusqu’à la fin de leurs jours sans même en avoir conscience et sans qu’elle ne provoque chez eux la moindre gêne. Ainsi, on estime qu’au-delà de 80 ans, plus de 4 hommes sur 10 sont en sont atteints de façon tout à fait asymptomatique. Un dépistage actif les exposerait à un traitement inutile et à ses pénibles effets secondaires.

PSA : pas fiable à 100% et non recommandé pour un screening systématique

Le dosage du PSA (antigène prostatique spécifique) dans le sang n’est pas un test fiable à 100%. Car si le cancer de la prostate peut effectivement s’accompagner d’une augmentation du taux de PSA, une valeur anormale ne traduit pas pour autant toujours la présence d’une tumeur. Inversement, un résultat normal au test PSA n’exclut pas complètement la présence d’un cancer de la prostate. Le dépistage peut donc provoquer des inquiétudes inutiles, mais aussi un faux sentiment de sécurité.

Les recommandations de bonne pratique ne conseillent pas le dépistage systématique par dosage du PSA, et le test n’est d’ailleurs plus remboursé dans ce cadre. Mais cela n’empêche pas certains hommes de le demander: le rôle du médecin sera alors de bien les informer des avantages, inconvénients et incertitudes qui l’accompagnent, afin de leur permettre de poser un choix bien réfléchi, conformément aux droits fondamentaux des patients.

À cette fin, la VLK et le KCE ont développé chacun un outil scientifique validé. Il s’agit d’une part d’un instrument d’aide à la prise de décision destiné aux patients eux-mêmes, développé par le centre de recherche LUCAS (KULeuven) à la demande de la VLK et en concertation avec la société scientifique des généralistes flamands Domus Medica et la Belgische Vereniging voor Urologie (BVU), d’autre part d’un document d’information pour les médecins, qui peut être parcouru avec le patient au cours de la consultation (développé par le KCE avec la Société Scientifique de Médecine Générale et son pendant néerlandophone Domus Medica, qui se sont également chargés de le tester).

Deux décès sur mille en moins grâce au dépistage

Les études scientifiques qui visaient à analyser l’impact du dépistage sur la mortalité ne sont pas de très bonne qualité, et il est impossible de donner de leurs résultats une interprétation univoque. Il convient donc de les utiliser avec une certaine prudence. On peut néanmoins en conclure que, si on pratique un dépistage par PSA chez mille hommes entre 55 et 69 ans, cela permettra au cours des 15 années qui suivent d’en sauver deux d’un décès par cancer de la prostate. Ces chiffres devront toutefois être ajustés une fois que des résultats plus fiables seront disponibles.

Un risque réel de traitement prématuré ou superflu

Les risques du dépistage par PSA sont par contre mieux connus. Il est certain que plus on pratique ce test, plus on accroît le nombre de traitements invasifs (biopsies, chirurgie, radiothérapie) et donc de leurs complications bien connues que sont l’impuissance et l’incontinence, alors même que cela ne change pas grand-chose pour la durée de vie du patient.

Le dépistage permet d’avancer en moyenne de sept ans la découverte de petits cancers prostatiques. Ce qui signifie que l’individu va aussi être considéré (et se considérer) comme « patient cancéreux »… et donc vivre plus longtemps avec les inconvénients et les conséquences d’un éventuel traitement que si le diagnostic n’avait été posé que suite à l’apparition des premiers symptômes.

Par ailleurs, un cancer sera découvert chez environ 25 sujets testés sur 1000. Il s’agit généralement de tumeurs à croissance extrêmement lente, avec lesquelles la plupart d’entre eux  auraient pu vivre le restant de leurs jours sans rencontrer le moindre problème en l’absence de dépistage.  Ils deviennent alors des « patients cancéreux » avec toutes les conséquences que cela comporte.

Eu égard à tout ce qui précède, faut-il choisir de se soumettre au dépistage et d’améliorer légèrement ses chances de survie au prix d’un risque important de traitements inutiles et d’effets secondaires potentiellement pénibles, ou rester dans l’ignorance au risque de passer à côté d’une tumeur qui aurait pu être soignée, mais en étant certain de ne pas subir de traitement inutile ? Les nouveaux outils n’apportent pas de réponse universelle à cette question, mais visent à aider chaque homme à poser, en connaissance de cause, le choix correspondant le mieux à ses valeurs et à ses priorités, seul ou en concertation avec son médecin.

Lien vers l’outil et le reportage

Lien vers l’outil du KCE (à utiliser par le médecin au cours de la consultation): : https://kce.fgov.be/fr/node/2418/
Lien vers l’outil du VLK (pour le patient- en néerlandais ): (https://kce.fgov.be/sites/default/files/page_documents/brochure_prostaatkankerscreening_voor_de_pati%C3%ABnt_VLK.pdf

Le KCE a réalisé un reportage au sujet de cette thématique. Celui-ci peut être repris en tout ou en partie à condition d’en mentionner la source.
Il peut être téléchargé via le lien : https://kce.fgov.be/fr/node/2452/. Une version en haute résolution est disponible sur simple demande à l’adresse info@kce.fgov.be.

Pour toute information complémentaire ou demande d’interview, contactez :

Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) : Gudrun Briat, responsable communication, 02/287.33.54, 0475/27.41.15, gudrun.briat@kce.fgov.be
SSMG: Dr. Luc Lefebvre, 02/426.46.91, lefebvre1951@gmail.com