23 jan 2020 00:05

Dois-je prendre des médicaments pour diminuer mon cholestérol ? Un outil interactif pour aider à la décision

Un quart des Belges de plus de 40 ans prennent un médicament de la classe des statines pour faire baisser leur taux de cholestérol. Or, si le bénéfice de ces médicaments est clair chez les personnes qui ont déjà eu des problèmes cardiovasculaires (infarctus, AVC), il est moins net chez celles qui n’en ont jamais eu. De plus, les effets secondaires de ces médicaments peuvent être importants. Il est donc nécessaire de bien peser le pour et le contre, au cas par cas, avant de les prescrire. Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) a développé un outil interactif permettant de visualiser les bénéfices et les risques des statines. Cet outil est essentiellement destiné aux médecins généralistes, afin de les aider à discuter avec leurs patients du choix d’en prendre ou pas.

Peser les avantages et les risques

Les statines sont des médicaments hypocholestérolémiants, l’une des classes de médicaments les plus utilisées dans notre pays : 1.500.000 personnes ¬– soit environ 13 % de la population belge totale ou 25 % de la population de plus de 40 ans – en consomment. L’utilité de ces médicaments ne fait aucun doute chez les personnes qui ont déjà eu un accident cardiovasculaire (infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral) car, en diminuant le taux de cholestérol sanguin, elles contribuent à réduire le risque de récidive.

Toutefois, en Belgique la grande majorité des personnes qui prennent des statines – 88 % selon une estimation approximative – n’ont jamais fait d’accident cardiovasculaire. Chez ces personnes, les bénéfices potentiels de ces médicaments sont moins nets et varient en fonction du risque individuel. Ils doivent donc être mis en balance, au cas par cas, avec leurs effets secondaires. Ceux-ci sont peu nombreux, il est vrai, mais potentiellement importants (lésions musculaires, diabète, insuffisance rénale).

Prise de décision partagée

D’après les recommandations de la Société européenne de Cardiologie (ESC) et de la Société européenne de l’Athérosclérose (ASC), la décision de prescrire une statine doit idéalement se faire dans le cadre d’une prise de décision partagée entre le médecin et son patient, et non de façon unilatérale par le médecin seul, comme c’est encore très souvent le cas. C’est en effet au patient de définir où il place son point d'équilibre entre avantages et inconvénients d’un tel médicament. Et ce d’autant plus que la réduction du risque cardiovasculaire passe d’abord par l’arrêt du tabac, une alimentation équilibrée et de l’exercice physique. Ce n’est que si ces mesures ne donnent pas suffisamment de résultats que les statines sont éventuellement recommandées.

Un outil interactif en ligne

Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a développé un site internet (www.statines.kce.be) pour aider les médecins généralistes à évaluer les risques et bénéfices des statines avec leurs patients. Il s’agit d’un outil qui calcule le niveau de risque cardiovasculaire du patient en fonction de ses paramètres personnels (âge, tabagisme, tension artérielle, taux de cholestérol) et qui visualise ensuite les bénéfices potentiels des statines dans son cas particulier en les comparant à la situation sans statines. Patient et médecin peuvent alors soupeser ensemble le pour et le contre de la prescription, et arriver ainsi à une prise de décision partagée et éclairée.

Affichage des résultats du test pour un patient présentant un risque très élevé

table

Les Statines ont des effets secondaires
Si 100 personnes prennent des statines:
- 5 personnes auront des douleurs musculaires
- 1 personne aura le diabète
Moins d'1 personne aura une insuffisance rénale

Résultat pour un patient fumeur de sexe masculin, 63 ans, ayant une tension artérielle de 170 mmHg, un cholestérol total de 300 mg/dl et un HDL cholestérol de 35 mg/dl.     

En espérant une intégration dans les logiciels médicaux…

L’outil développé par le KCE permet également de générer un fichier pdf personnalisé reprenant les principales informations utiles, que le médecin peut imprimer et remettre au patient afin qu’il prenne le temps de réfléchir à tête reposée. Ce document peut aussi être enregistré dans le dossier médical du patient. Ceci en attendant, comme l’espère le KCE, que l’outil soit intégré dans les logiciels de gestion du dossier médical.

L’outil se présente sous la forme d’un site web qui peut également être consulté par le patient lui-même. Á cet effet, une section d’information générale sur le cholestérol, les statines et le risque cardiovasculaire a été ajoutée. Il est disponible en français, néerlandais et allemand.

Précisions pour la presse médicale

L’outil interactif a été développé par le KCE sur la base d’un outil similaire de la Mayo Clinic en l’adaptant aux conditions de pratique en Belgique. En effet, la majorité des médecins généralistes belges utilisent le système de calcul de risque SCORE, qui détermine le risque de décès suite à un événement CV dans les 10 prochaines années, tandis que les outils anglais et américains calculent le risque d’événement CV (fatal ou non-fatal) sur la même période. Le praticien a toutefois le choix entre la version de SCORE calibrée pour la Belgique (SCORE belge) et celle basée sur les données européennes (SCORE européen), parce que les habitudes d’utilisation des médecins belges varient entre les « écoles » et entre les communautés linguistiques. En pratique, le choix de l’une ou l’autre version ne porte pas beaucoup à conséquence.

Le système SCORE comporte toutefois quelques limitations qui ont forcément des répercussions sur l’outil d’aide à la décision, notamment le fait qu’il ne peut être utilisé au-delà de 65 ans, faute de données probantes permettant de calculer le risque CV pour les populations plus âgées. Il ne convient pas non plus pour les patients atteints de diabète, de néphropathie chronique ou d'hypercholestérolémie familiale, parce que ces « modificateurs de risque » (risk modifiers) agissent de façon indépendante des autres facteurs de risque et nécessitent donc d’autres algorithmes.

La version beta de l’outil a été testée par 67 médecins généralistes membres de la SSMG et de Domus Medica. Leur appréciation a été très positive et la plupart de leurs suggestions ont pu être intégrées à la version définitive de l’outil.