04 déc 2025 07:00

Le Conseil Supérieur de la Santé appelle à une meilleure protection des jeunes lorsqu’ils utilisent les écrans, en particulier les réseaux sociaux

Les écrans et les réseaux sociaux font désormais partie intégrante de la vie des enfants et des jeunes. Dans certains cas, leur utilisation peut nuire à leur santé physique et mentale. Le Conseil Supérieur de la Santé propose donc de nouvelles recommandations adaptées à l’âge afin de réduire les risques tout en préservant les bénéfices potentiels pour les jeunes qui grandissent dans un monde numérique.

Les effets de l’utilisation des écrans, en particulier des réseaux sociaux

Dans l’ensemble, les effets observés sont d’intensité faible à modérée, et dépendent fortement du contexte.

Les impacts physiques les plus clairement établis sont liés à la sédentarité, à la vue et au sommeil. Une utilisation excessive des écrans par de jeunes enfants a été associée à des retards de développement moteur, langagier ou cognitif. Néanmoins, le co-visionnage de certains contenus éducatifs peut avoir des effets positifs.

Sur le plan psychologique, la nature du contenu, la conception des plateformes (dans le cas des réseaux sociaux) et le contexte d’utilisation (par exemple le co-visionnage) jouent un rôle bien plus important que la durée d’exposition aux écrans. Certaines pratiques (par exemple les interactions avec des contenus présentant des activités inspirantes, des contenus participatifs ou éducatifs) favorisent la créativité, l’interaction sociale, le divertissement et l’apprentissage, tandis que d’autres – notamment l’exposition prolongée ou répétée à des contenus nocifs (par exemple des influenceurs qui donnent des conseils de beauté) – peuvent être associées à une forte pression mentale, de l’insatisfaction corporelle et des symptômes dépressifs.

Parmi les autres risques, on peut citer les contacts et comportements dangereux en ligne (tels que le cyberharcèlement, la sextorsion et le grooming). Les mécanismes de conception persuasive peuvent contribuer à des comportements addictifs.

Le CSS souligne également que la détérioration de la santé mentale des jeunes résulte de multiples facteurs, notamment de facteurs bien connus tels que la pression scolaire, la pauvreté et les inégalités sociales. Les médias numériques peuvent également jouer un rôle dans cette détérioration, mais les espaces numériques peuvent aussi favoriser les liens sociaux et offrir un accès confidentiel à une aide psychologique en ligne, ce qui facilite la recherche d'aide (l’aide psychologique numérique nécessite également un cadre approprié – voir l’avis CSS 9745 (2024) pour plus de détails).

Une approche progressive plutôt qu’une interdiction totale

La question de fixer un âge minimum légal pour l’utilisation des smartphones et des réseaux sociaux reste controversée. Une majorité d’experts du CSS ne sont pas favorables à une interdiction totale des smartphones avant 13 ans, invoquant un manque de preuves scientifiques suffisantes et des difficultés pratiques importantes. Ils sont toutefois nombreux à recommander de limiter l’accès aux réseaux sociaux avant cet âge, en vertu du principe de précaution, tout en reconnaissant les limites de telles restrictions et les effets indésirables qu’elles pourraient entraîner.

Un large consensus existe sur la nécessité d’une approche progressive :

  • Limiter l’exposition aux écrans avant 24 mois, puis l’introduire progressivement, avec des règles claires sur le contenu et la durée, idéalement en faisant du co-visionnage parent-enfant.
  • Pour les enfants jusqu’à la fin du primaire : il est bénéfique de mettre en place des règles claires et des habitudes structurées pour l’utilisation des médias (y compris, pour les plus jeunes, une sélection active et une supervision qui se transforment en un dialogue ouvert à mesure qu’ils grandissent).
  • Par précaution, le CSS recommande de ne pas créer de comptes sur les plateformes numériques avant l’âge de 13 ans sans consentement parental, et de ne pas permettre une utilisation passive sans supervision parentale.
  • Parmi les autres habitudes structurantes : pas de smartphones pendant les repas ni dans les chambres à partir du coucher.
  • De 13 à 16 ans, l’accent doit être mis sur le dialogue et l’éducation aux médias, en guidant progressivement les enfants vers une utilisation responsable et autonome des écrans.

Une approche intégrée est essentielle

L’utilisation des écrans doit être comprise comme faisant partie d’un défi sociétal plus large. Des mesures isolées ne suffiront pas. Seule une combinaison coordonnée d’actions éducatives, préventives, réglementaires et de soutien peut réduire les risques tout en préservant les bénéfices potentiels des technologies numériques pour les jeunes.

Le CSS préconise donc une approche intégrée et multisectorielle, incluant notamment les actions suivantes :

  • Prévention et éducation : promouvoir l’accès à des activités hors ligne ; renforcer la littératie médiatique et les compétences socio-émotionnelles à l’école et en dehors de celle-ci ; former et soutenir les parents ainsi que les professionnels de l’éducation et de la santé ;
  • Soutien et détection : renforcer les services de prévention et de soutien (y compris en ligne) ; intégrer l’évaluation de l’exposition aux écrans dans les bilans de santé réguliers ;
  • Réglementation : obliger les plateformes à assumer leurs responsabilités en faisant preuve de transparence sur le fonctionnement des algorithmes, en appliquant les principes de « sécurité dès la conception » et en renforçant le contrôle des contenus ;
  • Recherche et gouvernance : créer un centre d’audit indépendant pour surveiller les pratiques numériques en temps réel et anticiper les impacts des technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle.

Clés d’une mise en œuvre réussie

La mise en œuvre de ces politiques nécessitera l’implication active de toutes les parties prenantes – jeunes, parents, écoles, acteurs de la littératie médiatique, professionnels de la santé et du bien-être, organisations communautaires, forces de l’ordre et autorités publiques. Le CSS recommande d’établir une liste complète des acteurs et de continuer le processus de concertation initié dans le cadre de cet avis.

Les politiques doivent également tenir compte des différences culturelles et socio-économiques afin de garantir que les recommandations soient adaptées aux différents contextes et niveaux d’accès technologique, et combiner ces mesures avec d’autres visant à améliorer la santé (mentale) des jeunes.