Le traitement du cancer est devenu un travail d’équipe : le KCE fait le bilan de 10 ans de Concertations Oncologiques Multidisciplinaires
Les Concertations Oncologiques Multidisciplinaires (COM) sont des réunions où les différents spécialistes concernés par le traitement d’un même patient se concertent pour élaborer ensemble un plan de diagnostic, de traitement et de suivi individuel. Depuis une dizaine d’années, une rémunération est prévue pour la participation à ces réunions. À la demande de l’INAMI, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) a dressé un bilan de leur activité mais a aussi exploré quelques pistes pour les rendre plus efficaces.
Le premier constat est très positif : la discussion d’un dossier en COM est (presque) devenue une étape de routine dans le parcours de tout nouveau patient atteint d’un cancer. Cela contribue à une amélioration globale de la qualité des soins. Mais l’organisation des COM pourrait être améliorée sur quelques points, notamment la difficulté à réunir au même endroit des spécialistes par ailleurs fort occupés. La faible participation des médecins généralistes est une autre ombre au tableau. Souvent, ils ne sont pas informés de la tenue des COM, sans parler d’autres problèmes pratiques (déplacements, horaire inadapté…). Pour ces différentes raisons, le KCE recommande d’encourager le recours aux moyens modernes de communication comme les vidéo-conférences
Des traitements de plus en plus complexes
Le diagnostic et le traitement du cancer sont devenus de plus en plus complexes. Ils font appel à divers spécialistes qui n’avaient pas souvent, jusque-là, l’habitude de travailler ensemble. Cette multidisciplinarité représente en soi une avancée qui a indéniablement contribué aux progrès récents en matière de prise en charge du cancer.
Du fait de cette complexité croissante, chaque patient entre aujourd’hui en contact (direct ou indirect) avec de nombreux acteurs différents : les médecins qui posent le diagnostic (radiologue, anatomo-pathologiste, …) et ceux qui vont s’occuper du traitement (chirurgien, oncologue, radiothérapeute,…) mais aussi des infirmiers spécialisés en oncologie, un coordinateur de soins, un psychologue, des travailleurs sociaux, un diététicien, etc. Idéalement, toute cette équipe veille de surcroît à rester en communication avec le médecin généraliste du patient.
Les COM ou Concertations Oncologiques Multidisciplinaires
Revers de la médaille : il devient de plus en plus difficile de coordonner les activités de tous ces intervenants et de faire circuler l’information entre eux. C’est pour cela que furent créées dans notre pays, il y a une dizaine d’années, un financement pour les Concertations Oncologiques Multidisciplinaires (COM). Il y en a dorénavant dans tous les hôpitaux où sont soignés des cancers. Comme leur nom l’indique, il s’agit de réunions où se retrouvent des représentants de toutes les disciplines concernées par un même type de cancer, pour examiner le dossier de chaque patient individuellement. Chacun apporte son éclairage à l’élaboration d’un plan optimal de diagnostic, de traitement et de suivi. Le Plan Cancer (lancé en 2008) a fixé entre autres objectifs que tous les patients atteints d’un cancer doivent bénéficier d’une discussion de leur cas en COM.
Dix ans après le début du financement des COM, l’INAMI a souhaité dresser un bilan de cette approche et a chargé le KCE d’explorer quelques pistes pour en améliorer le fonctionnement. Outre l’analyse de données administratives, une enquête en ligne a été effectuée auprès des participants aux COM de tous les hôpitaux, pour cerner leurs pratiques actuelles et leurs perceptions. Plus de 1000 réponses ont été reçues.
Le premier constat est très positif : le nombre de patients dont le cas est présenté en COM augmente régulièrement (plus de 80% en 2011). Ce sont les cancers du sein et du rectum qui sont le plus souvent discutés ; les cancers de la peau et les sarcomes (qui sont des cancers rares) viennent en dernier. D’après les répondants, le fait que les décisions sont prises de manière collégiale permet d’améliorer la coordination entre les différents prestataires et se traduit par une amélioration globale de la qualité des soins. Mais le fonctionnement des COM pourrait encore être amélioré.
Une équipe multidisciplinaire…
La multidisciplinarité, qui est la condition principale de la qualité des COM, n’est pas toujours optimale, et ce surtout pour des raisons d’organisation (agendas des spécialistes trop chargés, horaires incompatibles, etc.). Sur le plan technique, on constate aussi des problèmes de transmission de documents tels que les radiographies, etc. Pour favoriser la participation de toutes les disciplines médicales nécessaires, le KCE recommande d’encourager le recours aux moyens modernes de communication, notamment les vidéo-conférences. Par ailleurs, les règles de facturation pour les honoraires des médecins présents doivent être revues et simplifiées. Actuellement, elles ne permettent pas, par exemple, de rémunérer une participation par vidéo-conférence.
…mais peu de généralistes
On constate clairement que la participation des médecins généralistes aux COM est très faible. Pourtant, ce sont eux qui connaissent le mieux leurs patients, avec leur histoire passée, leurs problèmes présents et leurs souhaits pour l’avenir. Leur apport est donc crucial, et ce d’autant plus que le traitement du cancer, aujourd’hui, ne vise plus uniquement l’efficacité technique mais aussi la qualité de vie du patient pendant et après son traitement.
Le KCE a tenté d’identifier les causes de cette non-participation, en collaboration avec les centres de médecine générale des Universités de Liège et de Gand. Il s’avère que les médecins généralistes ne sont pas toujours informés (ou pas à temps) de la tenue d’une COM pour un de leurs patients. On recense également des raisons pratiques (distances, horaires peu compatibles). Des moyens de communication alternatifs comme les vidéoconférences peuvent aussi être ici une solution. C’est surtout pour les patients dont la situation psycho-médico-sociale est complexe qu’il est important que les équipes hospitalières fassent un effort de créativité pour impliquer le médecin généraliste dans leur réflexion.
Fluidifier les échanges de données
Il est essentiel pour le développement d’une politique de qualité des soins que les équipes hospitalières transmettent au Registre du Cancer des données correctes et complètes. Le rôle central en la matière est celui des data managers présents dans chaque hôpital, mais leur rôle doit être redéfini et mieux circonscrit.
Enfin, les échanges de données administratives et les flux financiers entre les hôpitaux et les mutualités sont lents, lourds et complexes. Il est urgent de les simplifier, notamment en remplaçant les échanges de documents papier (5 documents différents pour chaque patient, à envoyer par la poste!) par des moyens de communication électroniques.