25 oct 2022 01:00

Le vaccin contre le zona : efficace mais trop cher

Le zona est une maladie douloureuse provoquée par une réactivation du virus de la varicelle. Dans la plupart des cas, il guérit spontanément en 2 à 4 semaines. Il peut toutefois avoir des complications, comme la névralgie post-herpétique (10 à 20 % des cas de zona), ou d’autres complications plus rares mais aussi plus graves. Le zona touche plus souvent les personnes âgées et celles dont l’immunité est déficiente.

Depuis 2021, un nouveau vaccin (Shingrix®) est arrivé sur le marché belge. Le Conseil supérieur de la Santé (CSS) a recommandé qu’il soit proposé à toute la population dès 60 ans, et à toutes les personnes immunodéprimées à partir de 16 ans…mais il ajoute qu’il faudra tenir compte des analyses économiques avant de prendre une décision de remboursement. En effet, ce vaccin est très cher : 170 € par dose, et il faut deux doses.

Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) rend à son tour son avis : ce prix est trop élevé par rapport aux bénéfices de santé que l’on peut attendre de ce vaccin. Si le remboursement était accordé, cette vaccination coûterait au budget des soins de santé environ 602 millions € la première année, et ensuite près de 23 millions € par an. La question est de savoir si des dépenses aussi importantes peuvent se justifier pour une maladie qui reste relativement bénigne pour la plupart des gens, surtout en cette période de restrictions budgétaires.

Le zona est une maladie qui nous concerne potentiellement tous, puisqu’il est provoqué par une réactivation du virus de la varicelle, une maladie généralement bénigne qui touche les enfants. Après un épisode de varicelle, le virus entre en latence dans certaines racines nerveuses et il peut arriver qu’il se réveille des dizaines d’années plus tard pour provoquer un zona. Cette réactivation du virus augmente avec l’âge : sur les 48 000 cas recensés chaque année en Belgique, 70 % ont plus de 50 ans. La maladie est également favorisée par une baisse de l'immunité, par exemple chez des personnes traitées pour un cancer.

Le zona et ses complications

Le zona est une éruption de petites vésicules ressemblant à celles de la varicelle, mais limitée au territoire de la racine nerveuse hébergeant le virus (dermatome). Il s’accompagne presque toujours de douleurs assez vives au niveau du dermatome touché, parfois de fièvre et d’état grippal. L'éruption cutanée guérit généralement en 2 à 4 semaines. Le zona serait donc tout à fait bénin s’il ne laissait pas persister pendant des mois, chez 10 à 20 % des personnes atteintes, une douleur lancinante appelée « névralgie post-herpétique1 ». D’autres complications beaucoup plus rares mais potentiellement graves sont également signalées (p. ex. méningite). In fine, en moyenne, 12 décès peuvent être attribués chaque année au zona et à ses complications. À titre de comparaison, le nombre annuel moyen de décès dus à la grippe a été évalué précédemment entre 250 et 350 décès, et ceux dus au pneumocoque, à environ 440.

Un nouveau vaccin efficace…mais cher

Un nouveau vaccin contre le zona (Shingrix®) produit par la firme Glaxo-Smith-Kline (GSK) est arrivé sur le marché belge en 2021. Il a été demandé au Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) d’évaluer son innocuité et son efficacité, et de déterminer son rapport coût-efficacité et son impact budgétaire, afin que l’INAMI puisse se prononcer sur son éventuel remboursement.

Les chercheurs ont établi qu’il s’agit d’un vaccin sûr et efficace, du moins pendant la durée de protection connue à ce jour, qui est de 8 ans. Par contre, ils pointent un sérieux problème : le prix, qui est de 170 € par dose. Comme il faut deux doses, la vaccination complète revient à 340 €.

Un gain de santé relativement modeste

Sur la base des données d’efficacité et de sécurité fournies par le KCE, le Conseil supérieur de la Santé (CSS) a déjà rendu, en août dernier, un avis favorable quant à l’utilisation de ce vaccin. Il recommande de vacciner toute la population à partir de 60 ans, ainsi que les personnes immunodéprimées à partir de 16 ans… en ajoutant cependant qu’il faudra tenir compte du rapport coût-efficacité et de l’impact budgétaire avant de prendre une décision de remboursement. Ce sont les résultats de cette analyse économique qui sont publiés aujourd’hui.

Les chercheurs du KCE ont calculé que pour 10.000 personnes de 60 ans et plus vaccinées aujourd’hui, on éviterait au cours des années suivantes 77 cas de zona et 10 à 12 cas de névralgies post-herpétiques par an. Le gain de santé est donc relativement modeste. Par ailleurs, mettre en oeuvre la stratégie de vaccination proposée par le CSS coûterait environ 602 millions € la première année, et ensuite près de 23 millions € par an. Le verdict est sans appel : c’est trop cher par rapport aux bénéfices de santé que l’on peut en attendre.

Diminuer drastiquement le prix

Pour que la stratégie puisse être considérée comme coût-efficace, le prix du vaccin devrait baisser de manière drastique en passant de 170 € à maximum 30 €. Mais même à ce prix, l’impact budgétaire d’un remboursement du vaccin resterait élevé : environ 152 millions € la première année, et 6.5 millions € chaque année ensuite.
Une autre possibilité serait de ne vacciner que les personnes immunodéprimées, car le bénéfice de la vaccination serait vraisemblablement plus important chez celles-ci. Au prix plein du vaccin, un remboursement par l’INAMI représenterait néanmoins encore un budget initial de 108 millions € (et 780 000 € annuels par la suite).
La question est de savoir s’il est justifié de puiser aussi profondément dans les moyens mis à la disposition des soins de santé pour éviter une maladie comme le zona, qui reste un problème relativement bénin pour la majorité de la population. La décision finale reviendra à l’INAMI et au monde politique.

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1 D’après le nom scientifique du zona, qui est herpès zoster – à ne pas confondre avec le virus qui cause l’herpès buccal ou génital, dont le nom est herpès simplex.