16 nov 2023 01:02

Mobiliser les soins médicaux spécialisés de manière optimale en cas de catastrophe ou d’attentat, une nécessité !

Les incidents CBRNe sont des situations d’urgence caractérisées par la libération de substances chimiques (C) ou biologiques (B) ou par une contamination radiologique/nucléaire (RN), parfois par le biais d’une explosion (e). À titre d’exemples, on peut citer un accident dans une entreprise de produits chimiques ou lors du transport de substances dangereuses, une catastrophe nucléaire ou encore un attentat terroriste. Sollicité pour réfléchir aux moyens d’organiser encore mieux l’aide médicale dans ce type de situation, le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a consulté de très nombreux acteurs de terrain. Il plaide notamment en faveur du transfert de toutes les victimes grièvement blessées vers des hôpitaux spécialisés disposant d’une expertise CBRNe suffisante (les « hôpitaux CBRNe de Type I »). Les soins aux victimes moins grièvement blessées, eux, pourraient être administrés ou poursuivis dans les autres hôpitaux (dits « de type II »). Sur les lieux de la catastrophe, la mesure la plus importante est de procéder à une décontamination la plus rapide possible, doublée d’une aide médicale. Pour ce faire, il faudrait idéalement renforcer l’expertise médicale spécialisée (p.ex. équipes médicales d’urgence (SMUR CBRNe), conseiller médical en substances dangereuses, etc.) – et son déploiement rapide – sur le terrain.

Qu’est-ce qu’un incident CBRNe ?

L’accident ferroviaire de Wetteren, les catastrophes nucléaires de Tchernobyl ou de Fukushima… ces drames, qui ont en commun d’être des incidents de type CBRNe, ont profondément marqué notre mémoire collective.

Les incidents CBRNe sont des situations d’urgence qui s’accompagnent d’une libération de substances chimiques (C) ou biologiques (B) ou d’une contamination radiologique/nucléaire (RN), parfois par le biais d’une explosion (e). Ils peuvent découler d’actes malveillants intentionnels (p.ex. terrorisme), mais aussi de situations tout à fait involontaires (p.ex. accident). Dans ce contexte, on peut assister à la contamination de personnes (victimes, prestataires de soins, témoins), de matériel (infrastructures, véhicules), d’animaux, d’objets et/ou de l’environnement (bâtiments, ambulances) par une substance susceptible de représenter une menace pour la santé. Les incidents CBRNe peuvent faire de très nombreux blessés et morts.

De telles catastrophes exigent une gestion multidisciplinaire et/ou une coordination poussée entre les différents acteurs et instances impliqués (dont la Santé publique, l’Intérieur et la Défense). 

Les disciplines mobilisées sur le terrain sont notamment les pompiers, les prestataires de soins, la Croix-Rouge, la police, la Protection Civile, la Défense et des équipes de communication spécifiques.

Les incidents CBRNe peuvent rapidement excéder les capacités de réaction de la région touchée et mettre le système de santé sous haute pression. Les autorités concernées et le système de santé doivent pouvoir y réagir d’une manière adéquate. Notre pays dispose déjà de plans d’intervention et d’urgence à différents niveaux (national, provincial, communal, etc.) et des exercices « catastrophe » sont organisés de façon régulière, mais les autorités veulent être encore mieux préparées. C’est pourquoi le SPF Santé publique a demandé au KCE d’examiner les moyens d’améliorer encore l’administration des soins médicaux dans ce type de situation.

Soigner les blessés graves dans des hôpitaux spécialisés

Les hôpitaux belges jouent déjà un rôle de premier plan pour assurer les soins médicaux dans les situations d’urgence. Le KCE propose donc de partir de l’expertise existante et de répartir les établissements en deux catégories : les hôpitaux CBRNe de Type I et les hôpitaux CBRNe de Type II. Dans ce scénario, les hôpitaux CBRNe de Type I, spécialisés, traitent les victimes CBRNe grièvement blessées. Ces hôpitaux sont répartis partout sur le territoire et disposent idéalement de services et départements spécifiques, comme un centre des grands brûlés et un centre de traumatologie lourde. Les hôpitaux CBRNe de Type II, de leur côté, doivent être en mesure d’accueillir les victimes qui se présentent d’elles-mêmes à l’hôpital après l’incident – ce que l’on appelle une évacuation spontanée et/ou incontrôlée – et débuter la décontamination. Ils doivent aussi pouvoir prendre en charge les personnes ne nécessitant pas de soins complexes.

Tous les hôpitaux doivent aussi pouvoir empêcher l’accès à leurs bâtiments aux victimes, le but étant de les accueillir dehors pour éviter qu’elles ne contaminent le personnel de l’établissement, les autres patients ou les infrastructures, mais aussi pour préserver les soins courants. Les hôpitaux doivent également être capables de décontaminer correctement les victimes. En outre, ils doivent disposer de suffisamment d’équipements de protection individuelle (e.a. combinaisons et masques) et leurs collaborateurs doivent être formés à identifier et aider les victimes contaminées en temps utile. 

Soins médicaux sur les lieux de la catastrophe : une décontamination rapide est capitale

Le KCE s’est également penché sur l’organisation des soins médicaux sur les lieux de la catastrophe. La décontamination (voir cadre) doit être réalisée le plus rapidement possible, ce qui nécessite des infrastructures mobiles. À l’heure actuelle, c’est la Protection Civile qui dispose de la capacité de décontamination la plus importante. Malheureusement, elle a aussi un délai d’intervention relativement long et ne dispose pas dans ses équipes de professionnels avec une formation médicale. Les pompiers, eux, disposent bien de personnel soignant, mais la législation actuelle ne les autorise à décontaminer que leurs propres équipes.

Notre pays dispose actuellement d’un seul SMUR CBRNe, basé à l’Hôpital Militaire Reine Astrid à Bruxelles, avec une unité de décontamination mobile. Il présente l’avantage d’une localisation centrale, qui lui permet de se rendre rapidement sur place, et d’un équipage disposant d’une formation médicale et soumis à des exercices réguliers.

Pour les victimes grièvement blessées, le KCE propose une décontamination minimale par les pompiers et/ou l’équipe d’un SMUR CBRNe, suivie d’un transfert immédiat vers l’hôpital CBRNe de Type I le plus proche. Pour décontaminer les blessés plus légers, on commencera toujours par retirer les vêtements le plus rapidement possible pour une décontamination sèche, après quoi une décontamination humide pourra être réalisée par la Protection Civile. Les victimes seront ensuite transférées vers un hôpital CBRNe de Type I ou de Type II, suivant la gravité des lésions. Le KCE recommande aussi d’accroître le nombre de SMUR CBRNe et de les baser dans les hôpitaux CBRNe de Type I.

Qu’est-ce que la décontamination ?

La notion de décontamination désigne l’ensemble des mesures prises pour éliminer la ou les substances dangereuses, afin d’en limiter les effets néfastes pour la santé et d’écarter le risque de contamination secondaire de l’environnement.

La première étape est toujours la décontamination sèche, qui consiste à retirer les vêtements extérieurs pour empêcher la substance chimique de pénétrer dans la peau et éviter la contamination de l’environnement. Cette mesure doit intervenir le plus rapidement possible.

Ensuite, la victime sera rincée à l’eau. Cette décontamination humide peut être réalisée immédiatement ou à un stade ultérieur.

Conditions supplémentaires pour une organisation efficace des soins en cas de catastrophe

Parmi les autres conditions nécessaires à une bonne organisation des soins, citons notamment l’existence d’un stock national transparent et accessible e.a. d’antidotes (contrepoisons) et d’équipements de protection individuelle. À l’heure actuelle, on ne sait en effet pas très bien ce qui est disponible dans notre pays, en quelles quantités et à quel endroit. Le KCE plaide donc en faveur de la création d’un inventaire de ces stocks. Ensuite, il faudra également décider qui se chargera d’en assurer le suivi, l’actualisation et la coordination.

Par ailleurs, il faudrait idéalement prévoir un volet CBRNe dans les plans d’intervention et d’urgence existants, ainsi qu’une équipe centralisée de spécialistes CBRNe qui puisse apporter un soutien aux prestataires de soins, un financement adéquat de la planification et de la préparation aux situations d’urgence, des systèmes d’information et de communication performants et une communication adéquate vers la population en cas d’incident CBRNe.