15 nov 2016 12:58

Nouveaux traitements de l’hépatite C : très efficaces, mais à quel prix ?

Les nouveaux médicaments antiviraux contre l’hépatite C sont plus efficaces et ont moins d’effets secondaires que les anciens, mais ils sont aussi très chers: environ 40.000 € par traitement. Pour le moment, ils ne sont remboursés que pour les patients qui ont des lésions avancées du foie et en cas de transplantation hépatique. La Ministre de la Santé a déjà annoncé qu’elle souhaitait élargir leur remboursement, à partir de 2017, aux patients à un stade moins avancé. Le Centre fédéral d’Expertise des soins de santé (KCE) suggère de continuer sur cette voie et d’envisager de traiter toutes les personnes porteuses du virus, étant donné que plus on traite tôt, plus les bénéfices pour la santé sont importants. Un tel élargissement du remboursement devrait toutefois se faire par paliers de manière à garder le budget de l’assurance maladie sous contrôle.
Afin d’obtenir une réduction plus importante des prix et de permettre d’élargir plus rapidement le remboursement, d’autres options pourraient être envisagées, comme s’associer avec d’autres pays pour lancer un appel d’offres conjoint.

Des dégâts irréversibles qui passent longtemps inaperçus

On ne connaît pas avec précision le nombre de personnes contaminées par le virus de l’hépatite C (VHC) en Belgique. En effet, souvent, les intéressés eux-mêmes ne sont pas au courant de leur contamination parce qu’ils n’ont (encore) aucun symptôme. Chez certains, le virus disparaît spontanément, mais dans 75 à 80% des cas, il provoque une infection latente qui peut mener, après parfois des dizaines d’années de silence, à une fibrose du foie, puis une cirrhose et éventuellement même un cancer du foie ou une insuffisance hépatique (voir encadré). L’hépatite C est même la première cause de cirrhose dans notre pays.

Contamination par le sang

Le virus de l’hépatite C se transmet principalement par le sang. Jusqu’en 1990, année à partir de laquelle un dépistage systématique a été instauré pour les transfusions sanguines, celles-ci étaient la principale voie de contamination. Cette période est heureusement bien révolue. Depuis 1990, la plupart des cas de transmission du VHC dans les pays occidentaux se produisent chez des usagers de drogues injectables (80 à 90%), par le partage d’aiguilles et autre matériel d’injection. Parmi les causes moins fréquentes, on trouve notamment les tatouages.

Les nouveaux médicaments antiviraux : bien meilleurs mais très chers

Le développement de nouveaux médicaments antiviraux (dits « à action directe ») contre le VHC est sans aucun doute l’un des plus importants progrès médicaux de ces dernières années. Par rapport aux anciens traitements, leurs résultats sont spectaculaires : ils sont plus efficaces, avec une durée de traitement plus courte (12 semaines) et avec beaucoup moins d’effets secondaires. Tous ces avantages ont néanmoins un prix qui pèse lourdement sur l’assurance maladie : environ 40.000 € pour traiter une personne. Ce prix n’est toutefois qu’une estimation, étant donné que les conventions négociées entre les firmes et l’INAMI sont secrètes. 

Plus on traite tôt, plus on « gagne » de la santé

À cause de ces prix élevés, les traitements ne sont remboursés, depuis 2015, que pour les patients en stade avancé de fibrose (stade F3 – voir encadré) ou en cas de transplantation du foie. Dans notre pays, cela ne représente que quelques centaines de personnes. À partir de 2017, un élargissement du remboursement aux patient avec une fibrose au stade F2 est prévu. Mais étant donné l’efficacité de ces nouveaux médicaments, il a été demandé au KCE d’étudier des pistes pour élargir ce remboursement à d’autres patients moins gravement atteints.

Le KCE a analysé les avantages et inconvénients de plusieurs  scénarios : de la situation actuelle (traitement à partir du stade F3) jusqu’au traitement de toute personne porteuse du virus. Étant donné que la plupart des lésions du foie causées par le virus sont irréversibles, les bénéfices en termes de santé seront plus importants si on traite les patients le plus tôt possible, c’est-à-dire quand il n’y a encore que peu ou pas de lésions.

Il faut absolument faire baisser le prix

Étant donné la situation budgétaire actuelle et le prix trop élevé de ces médicaments, il n’est toutefois pas envisageable pour le moment de rembourser le traitement pour toutes les personnes porteuses du virus. Et ce même si l’impact budgétaire exact d’un tel remboursement est difficile à estimer, car on ne connaît ni le nombre de patients qui devront être traités, ni les prix négociés des nouveaux traitements. Le KCE suggère donc d’élargir le remboursement par paliers, et de surveiller attentivement l’augmentation du nombre de nouveaux patients traités. Afin de pouvoir assurer l’accès des médicaments aux patients tout en évitant un dérapage budgétaire, chaque étape d’élargissement des critères de remboursement devrait également aller de pair avec une renégociation des prix des médicaments.

Pour obtenir des réductions plus importantes, de manière à pouvoir élargir plus rapidement le remboursement à toutes les catégories de patients, on pourrait aussi envisager de faire un appel d’offres conjoint entre plusieurs pays (voir encadré). En effet, la Belgique est loin d’être la seule à devoir faire face au problème des prix élevés des médicaments.

Soutenir les utilisateurs de drogues qui se font traiter

La contamination par le virus de l’hépatite C est encore fréquente parmi les groupes à risques et en particulier les utilisateurs de drogues injectables. Ces patients doivent recevoir un soutien en parallèle à leur traitement, de manière à augmenter les chances qu’ils suivent leur traitement jusqu’au bout et à diminuer autant que possible les risques de nouvelle contamination.
 

Fibrose, cirrhose, cancer et insuffisance hépatique

La fibrose résulte d’une inflammation chronique du foie causée – entre autres – par le virus de l’hépatite C. La fibrose est en quelque sorte une « cicatrice » du foie qui répare les lésions causées par le virus en produisant trop de fibres conjonctives. La cirrhose est un état de fibrose avancée qui durcit le foie et diminue le passage du sang à travers l’organe. Les patients cirrhotiques ont un risque accru de développer un cancer du foie (hépatocarcinome) ou une décompensation hépatique (dérèglement du fonctionnement du foie) qui peuvent être mortels.

Quand une hépatite C chronique est diagnostiquée, on détermine le score de fibrose du patient à l’aide d’une biopsie du foie ou, depuis peu, de tests non-invasifs (analyses sanguines et élastographie aux ultrasons). Ce score est une mesure du degré de lésion du foie (de F0 = pas de lésion à F4 = cirrhose). Les patients dont le score est égal ou supérieur à F3 se voient rembourser les nouveaux traitements ; à partir de janvier 2017, ceux dont le score est égal à F2 entreront également en ligne de compte.

 

Des scénarios alternatifs pour résoudre le problème des médicaments très chers

En juin de cette année, le KCE et son homologue néerlandais ZIN ont mené un brainstorming avec un think tank d’experts internationaux. Cet exercice a débouché sur une série de scénarios alternatifs pour sortir de l’impasse des prix toujours plus élevés des nouveaux  médicaments. Le fil rouge de ces scénarios est que c’est le patient et le citoyen qui se réapproprient le contrôle de l’accès au médicament, considéré comme bien à caractère public, et qui devrait donc être accessible à tous sans distinction. Le but du rapport commun publié à l’issue de cet exercice est de stimuler le débat sociétal sur les futures politiques du médicament. (pour plus de détails, voir Rapport KCE 271 )