Pour des soins plus efficients, les autorités doivent investir dans des essais cliniques !
Beaucoup de questions de soins de santé importantes pour la société ne trouvent pas de réponse dans les essais cliniques menés par l’industrie pharmaceutique. Ainsi, il n’y a que peu d’études qui comparent un traitement médicamenteux et une autre approche (par ex. une comparaison entre des antidépresseurs et une psychothérapie).
Dans une nouvelle étude, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) arrive à la conclusion que le financement de tels essais cliniques par des moyens publics serait un excellent investissement. Il plaide donc pour que nous prenions exemple sur d’autres pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, où cela se fait depuis des années. Le KCE souligne l’importance de la sélection des questions prioritaires à investiguer et de l’existence d’infrastructures professionnelles et de réseaux d’expertise. Il est également important que les résultats de ces études soient mis en pratique au quotidien sur le terrain. À ces conditions, des programmes de recherche clinique financés par le secteur public pourront contribuer à un système de soins de santé plus efficients et à des soins de meilleure qualité.
Les essais commerciaux ne répondent pas toujours aux questions importantes pour la société
Avant qu’une firme pharmaceutique ne reçoive l’autorisation de commercialiser un médicament, celui-ci doit faire l’objet d’une série d’études cliniques (c’est-à-dire être testé sur des patients). Ces études doivent apporter des preuves que le nouveau produit est suffisamment sûr et efficace. Ce qui n’est pas nécessairement suffisant pour les praticiens de terrain et pour l’assurance maladie. En effet, savoir qu’un nouveau traitement est efficace est une chose, mais savoir s’il est plus efficace que les autres traitements existants en est une autre. Or les firmes ne sont pas toujours obligées de comparer l’efficacité de leurs produits à ceux de la concurrence.
En outre, les essais pharmaceutiques commerciaux sont souvent effectués avec des patients sélectionnés selon des critères très spécifiques, en accord avec les recommandations existantes. Ils ne sont donc pas représentatifs des patients rencontrés en pratique courante, souvent plus âgés, porteurs de plusieurs pathologies, etc.
Des traitements et des maladies sans grand intérêt pour l’industrie
Il est logique que certains sujets d’études ne présentent que peu d’intérêt pour l’industrie, notamment parce qu’il s’agit de secteurs peu rentables, comme les traitements qui ne s’adressent qu’à de petits groupes cibles (par ex. les enfants, les maladies rares). À plus forte raison, ceci vaut aussi pour des traitements non-médicamenteux, comme une modification de style de vie (manger sain, faire du sport.), une technique chirurgicale, une psychothérapie, ou encore le dépistage systématique de certaines maladies.
Le KCE a donc exploré la pertinence du financement de ce type d’études avec des moyens publics, ainsi que les conditions qui devraient être mises en place le cas échéant.
Investir dans des programmes de recherche publics serait rentable
Certains pays, notamment le Royaume-Uni et les Pays-Bas, ont mis sur pied depuis plusieurs années des programmes de recherche clinique financés par les pouvoirs publics. Les chercheurs du KCE ont estimé qu’un tel programme de recherche clinique serait un investissement très utile pour notre pays. Il ne contribuerait pas seulement à une utilisation plus efficiente des deniers publics, mais aussi à des soins de meilleure qualité pour les patients.
Trois conditions essentielles
Pour être couronné de succès, ce programme devrait viser un haut niveau de qualité pour un investissement aussi limité que possible. Sur base de l’analyse des bonnes pratiques en cours à l’étranger, le KCE a identifié les conditions nécessaires pour atteindre cet objectif. Elles sont principalement au nombre de trois : une bonne sélection des questions pertinentes à investiguer, une infrastructure professionnelle avec des experts organisés en réseaux, et une attention suffisante apportée à l’implémentation des résultats dans la pratique quotidienne.
1. Une bonne sélection des questions de recherche
Une première condition de succès est que les études portent sur des questions qui ont un impact direct sur les pratiques cliniques et sur l’efficience des soins de santé.
2. Une infrastructure professionnelle et des experts organisés en réseau
Les études cliniques sont très coûteuses parce qu’elles requièrent des collaborateurs très spécialisés, des procédures standardisées, des infrastructures adéquates, et énormément de temps. Si l’on décide de financer un programme de recherche clinique avec des moyens publics, il faut également mettre sur pied un réseau de professionnels formés à gérer les essais cliniques dans les centres participants.
Pour certains sujets de recherche, comme par exemple les maladies rares, il est préférable de mener les études à l’échelle internationale. Pour cela, la Belgique aurait intérêt à se faire membre d’organisations internationales telles qu’ECRIN (European Clinical Research Infrastructure Network), qui soutiennent et accompagnent des essais transnationaux européens.
Un avantage indirect de la mise en place d’un réseau professionnel de soutien aux essais cliniques serait de renforcer l’attractivité de notre pays aussi pour les études commerciales réalisées par l’industrie. Ceci pourrait donc contribuer à un meilleur ancrage local du secteur de la recherche appliquée. Un autre avantage est que la participation à des essais cliniques familiarise les praticiens avec les principes de l’evidence-based medicine.
3. Implémentation: de la recherche à la pratique
Enfin, les fruits des investissements publics ne pourront être récoltés que si suffisamment d’attention est accordée à la diffusion et à la mise en œuvre des résultats des études dans la pratique quotidienne sur le terrain, via les décisions de remboursement.