30 juin 2015 02:17

Suivi médical de la grossesse : trouver la juste mesure

Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a remis à jour ses recommandations cliniques pour le suivi médical des femmes enceintes à bas risque (entendez par là toutes les femmes enceintes dont la grossesse se déroule sans risque particulier). Les dernières recommandations dataient de 2004. Le message global est surtout de déconseiller tout examen dont les bénéfices pour la future mère et le bébé ne seraient pas nettement supérieurs à ses désavantages. En cela, ces recommandations s’inscrivent dans la tendance édictée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de démédicaliser la grossesse – qui, faut-il le rappeler, n’a rien d’une maladie.

Chaque année, la Belgique enregistre plus de 125 000 naissances, et chacune d’entre elles se doit d’être préparée et accompagnée dans les meilleures conditions. Cela implique que chaque femme enceinte soit suivie de façon adéquate et régulière dès les premières semaines, et que les éventuels facteurs de risque soient identifiés et pris en charge en temps utile. Pour autant, une grossesse reste avant tout une expérience humaine tout à fait naturelle et ne doit pas se transformer en aventure médicale si ce n’est pas strictement nécessaire.

Une remise à jour en phase avec le terrain

Il est donc important de pouvoir définir, sur base des éléments de preuve scientifiques disponibles, les pratiques qui sont médicalement justifiées et celles qui ne le sont pas. C’est la raison d’être des recommandations de pratique clinique. En 2004, le KCE avait publié un premier recueil de recommandations. Depuis lors, de nouvelles connaissances scientifiques ont été établies, et de nouvelles questions ont fait leur apparition. Le KCE a donc analysé de manière systématique les études scientifiques publiées dans le domaine depuis 2004. Les résultats de cette recherche ont été discutés avec un groupe de cliniciens-experts belges (gynécologues, sages-femmes, médecins généralistes, néonatologues, représentants de l’ONE et de Kind en Gezin) pour que ce nouveau guide de pratique clinique soit le plus en phase possible avec la réalité de terrain.

Ce qui ne change pas

Le KCE réitère ses recommandations pour toute une série d’examens dont les bénéfices restent bien établis : la surveillance du poids, de la tension artérielle, l’examen des urines, l’écoute du cœur du bébé, le dépistage du diabète, etc. Le nombre d’échographies nécessaires est de deux (début et mi-grossesse), voire trois (celle du 3e trimestre n’est pas absolument nécessaire mais elle apporte certaines informations, elle ne présente pas d’inconvénient médical majeur et… elle est extrêmement attendue par les futurs parents).

Le nombre de consultations prénatales reste idéalement de 10 pour une première grossesse et de 7 pour les suivantes. Au-delà de leur fonction de suivi médical, ces consultations sont aussi des opportunités, pour le médecin ou la sage-femme, de s’inquiéter du bien-être psychologique de la future maman et de répondre à ses questions et à celles de son partenaire. 

Démédicaliser… à contre-courant

Les recommandations de ce guide s’inscrivent dans la volonté de l’OMS de démédicaliser la grossesse – qui, faut-il le rappeler, n’a rien d’une maladie. Or la tendance, dans notre société, est plutôt à la médicalisation. Les progrès technologiques nous permettent en effet de détecter de plus en plus d’anomalies, sans qu’il y ait pour autant toujours une solution adéquate à proposer. Tant pour les parents que pour les professionnels, il devient de plus en plus difficilement acceptable de passer à côté d’un problème qui aurait pu être détecté. Cette tendance est encore accentuée par la relative facilité avec laquelle les parents d’un enfant porteur d’une anomalie vont en justice et mettent en cause la responsabilité des professionnels. 

Toujours peser le pour et le contre

Le KCE déconseille tout dépistage dont les bénéfices pour la future mère et le bébé ne seraient pas nettement supérieurs à ses désavantages. La raison principale en est que de nombreux examens de dépistage ne sont pas à 100 % précis. En cas de résultat « anormal », il s’agira beaucoup plus souvent d’une fausse alerte que d’une vraie anomalie. Mais cette fausse alerte va causer des angoisses chez un nombre important de femmes dont les grossesses se déroulent pourtant normalement. Elle peut aussi entraîner une série d’examens complémentaires, voire de traitements, qui ne sont pas anodins. 


Un exemple : le dépistage du cytomégalovirus
L’infection intra-utérine par le cytomégalovirus (CMV) peut avoir des conséquences graves pour le bébé, comme p.ex. une surdité, un retard mental ou des problèmes de vision.

Si l’on recherche cette infection chez toutes les femmes enceintes, on va forcément en découvrir un certain nombre qui auront été contaminées. Elles devront alors passer une batterie d’examens, dont certains présentent des risques, comme l’amniocentèse (ponction amniotique) qui peut causer une fausse couche. Malheureusement, même avec ces examens, il n’existe aucun moyen de déterminer avec certitude si le bébé est atteint et risque de développer des séquelles ou s’il s’agit d’une fausse alerte. Les futurs parents resteront donc dans l’incertitude et l’angoisse jusqu’à la naissance. Avec comme seule marge de manœuvre l’interruption de la grossesse, lestée de toute sa charge émotionnelle, alors que l’enfant est peut-être en parfaite santé. 

Accompagner, informer, partager la prise de décision

L’information des futurs parents par rapport aux examens qui leur sont proposés est donc absolument essentielle : il est indispensable qu’ils soient en mesure de peser le pour et le contre en toute connaissance de cause avant de prendre des décisions parfois cruciales pour la suite de la grossesse. Ce qui n’est pas toujours facile pour les professionnels, car cela implique de libérer suffisamment de temps, notamment lors de la première consultation, et d’adapter leur langage au niveau de compréhension de la femme enceinte et de son partenaire.

Ce que l’on n’aborde pas

Ce guide de pratique clinique se concentre sur les examens recommandés pour toutes les grossesses, quel que soit le contexte (familial, psychosocial, économique…) dans lequel elles se déroulent. Il n’aborde pas les soins supplémentaires que certaines femmes devront recevoir en raison de facteurs de risque spécifiques, de problèmes de santé préexistants ou de complications survenant en cours de grossesse. Il ne délivre pas non plus de conseils généraux sur le style de vie et la nutrition des femmes enceintes.

Une étude plus globale sur l’organisation et l’accessibilité des soins prénatals est programmée pour l’année 2016.

L’ensemble des travaux du KCE relatifs à la grossesse, à la naissance et au post-partum peuvent être consultés sur la page FOCUS du site web du KCE.