05 juin 2015 02:10

Une attention particulière pour les personnes très âgées à l’hôpital svp !

Avec le vieillissement de la population, de plus en plus de personnes âgées doivent passer par la case « hôpital ». Certaines d’entre elles ont une santé précaire. Cette fragilité, qui porte le nom de « profil gériatrique », se mesure à l’aide de tests spécifiques. Quand elles sont hospitalisées, ces personnes doivent bénéficier d’une « approche gériatrique globale », qui accorde une attention particulière à leurs capacités cognitives, physiques et psychosociales. C’est dans cette logique qu’ont été créés les services de gériatrie (lits G). Mais ces services ne suffisent déjà plus. En outre, les personnes très âgées sont souvent hospitalisées dans des services non gériatriques, par exemple pour une prothèse de hanche, alors qu’elles nécessitent aussi des soins gériatriques. C’est pour ces raisons que des « équipes de liaison interne gériatrique » ont été mises en place il y a une dizaine d’années. Ces équipes mobiles spécialisées visitent les patients identifiés à haut risque gériatrique dans les autres services de l’hôpital pour évaluer leur état et formuler des recommandations à propos des soins à leur apporter. L’organisation et le fonctionnement de ces équipes a fait l’objet d’une évaluation par le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE).  Il apparaît que la manière dont fonctionnent ces équipes est très hétérogène et que toutes les conditions ne sont pas réunies pour que leur travail soit efficace. Il faudrait notamment qu’elles puissent s’impliquer plus activement dans la mise en place des soins qu’elles préconisent. Par ailleurs, il est urgent que des mesures soient prises pour augmenter le nombre de gériatres et d’infirmiers possédant une expertise spécifique en gériatrie et, plus généralement, pour sensibiliser l’ensemble des soignants à l’approche gériatrique.

Le vieillissement de la population européenne est constant et va s’accentuer en raison des effets du ‘baby-boom’. Dans notre pays, les plus de 65 ans représentaient environ 18% de la population en 2012 et ce chiffre sera de presque 26 % en 2060. Même si la majorité (72%) des personnes de la tranche d’âge 65-74 ans se déclarent en bonne santé, ils ne sont plus que 57% au-delà de 75 ans. Cette évolution représente un défi pour notre système de soins de santé.

Dépister la fragilité

De façon générale, plus une personne est âgée, plus elle est fragile c’est-à-dire que sa santé résulte d’un équilibre de plus en plus précaire. Il suffit alors de peu de chose pour basculer dans la maladie et/ou la dépendance. Quand une personne âgée présente un tel risque, on dit qu’elle présente un « profil gériatrique » ; ce profil se mesure à l’aide de tests spécifiques.

L’approche gériatrique globale

Les personnes à haut risque doivent bénéficier d’une « approche gériatrique globale » où le patient n’est pas envisagé selon une « logique d’organes » mais bien de façon holistique, avec une attention particulière pour ses capacités cognitives, physiques et psychosociales. Le modèle de référence pour la dispensation de tels soins est celui des services de gériatrie (lits G). Mais ces services ne suffisent déjà plus pour rencontrer les besoins croissants liés au vieillissement de la population. De plus, certains patients très âgés sont aussi admis dans des services non gériatriques pour le traitement de pathologies particulières, comme par exemple une prothèse de hanche, mais ils nécessitent aussi des soins gériatriques.

Des équipes mobiles spécialisées

Pour ces raisons, le programme belge de soins pour les patients gériatriques a mis en place, il y a une petite dizaine d’années, des « équipes de liaison interne gériatrique ». Il s’agit d’équipes mobiles spécialisées en gériatrie (souvent gériatre + infirmier spécialisé). Leur rôle est purement consultatif : elles visitent les patients identifiés à haut risque gériatrique dans les autres services de l’hôpital pour évaluer leur état et formuler des recommandations à propos des soins à leur apporter. Il a été demandé au KCE d’évaluer l’organisation et le fonctionnement de ces équipes de liaison interne. 

De cette étude, il apparaît que le modèle de gériatrie de liaison, pourtant très apprécié sur le terrain, n’est pas très répandu dans d’autres pays, à part en France et aux Pays-Bas. Par ailleurs, malgré une législation relativement précise, ce concept est mis en pratique de façon très variable d’un hôpital à l’autre. Enfin, il semble que le nombre de ces équipes ne soit pas non plus suffisant pour rencontrer les besoins. Bon nombre de patients à risque ne sont donc jamais vus par l’équipe de liaison. 

Expérimenter d’autres solutions

Pour relever les défis à venir, le KCE recommande d’expérimenter aussi d’autres solutions, et de permettre aux hôpitaux de faire des choix en fonction de leurs besoins locaux. Les soins transmuraux, par exemple, mettent l’expertise gériatrique à la disposition des soignants extérieurs à l’hôpital pour éviter de devoir hospitaliser les patients gériatriques. Quant aux modèles de co-management, ils permettent au gériatre et/ou l’équipe de liaison de prendre des décisions de soins en concertation avec les médecins de l’unité d’hospitalisation. Ce modèle existe déjà aux Pays-Bas.

Il serait également utile de favoriser la création d’une plateforme d’échanges entre professionnels (de type communautés de pratiques) pour favoriser l’expérimentation de modèles de soins innovants, l’évaluation des initiatives prises sur le terrain et (l’émulation par) l’échange de bonnes pratiques.

Pénuries en vue !  

Par ailleurs, le KCE souligne que la situation de pénurie est déjà bien installée pour les gériatres et les infirmiers possédant une expertise spécifique en gériatrie. Ainsi, on estime qu’il faudrait un minimum de 20 nouveaux gériatres par an en Belgique, alors que seuls 28 médecins ont débuté une formation pour l’ensemble des quatre années 2010 à 2013. Il est donc urgent de prendre des mesures pour augmenter l’attractivité des disciplines gériatriques tant pour les infirmiers que pour les médecins (notamment par une rémunération correcte et des lieux de formation en suffisance). De façon plus générale, il faudra également augmenter le niveau global de connaissances en gériatrie de tout le personnel soignant et favoriser la sensibilisation à une « culture gériatrique » dans les hôpitaux.

Enfin, il est important de ne pas oublier la gériatrie dans les procédures d’assurance qualité des hôpitaux. Le KCE suggère qu’une attention particulière lui soit apportée dans le cadre des audits de qualité et des processus d’accréditation des institutions hospitalières.

Pour des interviews avec les chercheurs du KCE, des membres d’équipes de liaison gériatrique et/ou des gériatres : contacter Gudrun Briat