31 Mar 2017 07:45

Accroître le recours à la chirurgie de jour est possible, moyennant des incitants financiers pour les hôpitaux et un bon réseau de prise en charge à domicile

Les progrès médicaux permettent de faire de plus en plus appel à la chirurgie de jour et la Ministre de la Santé Maggie De Block souhaite en tenir compte dans le cadre de la réforme des hôpitaux. Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a dressé un état des lieux de cette modalité de soins en Belgique et analysé les conditions qui favoriseraient un glissement de l’hospitalisation ‘classique’ vers la chirurgie de jour. Aujourd’hui déjà, chez nous comme dans les autres pays, la plupart des personnes qui se font opérer de la cataracte peuvent rentrer chez elles le soir-même de l’intervention. Par contre, pour d’autres opérations comme l’ablation de la vésicule biliaire, il y a encore une large marge de progression possible. On observe également, pour beaucoup d’interventions, de très grandes variations entre hôpitaux. Le mode de financement actuel, extrêmement complexe, est assurément le principal obstacle au recours à ce type de chirurgie. C’est pourquoi le KCE recommande d’instaurer un système unique et transparent qui favorise financièrement les hospitalisations de jour.

Qu’est-ce que la chirurgie de jour?

On parle de chirurgie de jour quand un patient quitte l’hôpital le jour-même où il a subi une intervention chirurgicale (planifiée à l’avance). Des exemples typiques sont les arthroscopies du genou, l’ablation des amygdales et des végétations, ou encore l’opération de la cataracte. Ces interventions sont réalisées dans un centre de chirurgie de jour qui dispose d’une infrastructure opératoire complète au sein de l’hôpital.

Un choix qui dépend de la situation médicale mais aussi des conditions de vie à domicile

Ces dix à vingt dernières années, la chirurgie de jour a pris de plus en plus d’ampleur dans les pays occidentaux. Cela a été rendu possible grâce aux progrès des techniques chirurgicales, de l’anesthésie et de la lutte contre la douleur.
Proposer la chirurgie de jour pour une intervention est une décision qui est prise à l’avance par l’équipe médicale, en concertation avec le patient. Cela dépend naturellement d’abord de son état de santé et du type d’intervention qu’il doit subir, mais aussi d’une série d’autres éléments, comme l’accompagnement et les soins qu’il peut recevoir à la maison. L’implication du médecin généraliste est évidemment indispensable et le patient doit aussi pouvoir faire appel à des soins à domicile si nécessaire.

Des différences entre pays…mais aussi entre hôpitaux

Malgré l’essor de la chirurgie de jour, on constate encore de grandes différences entre pays. Ainsi, 96% des opérations de la cataracte se font en hôpital de jour, chez nous comme dans les autres pays européens. Mais pour les ablations de la vésicule biliaire, nous ne pratiquons que 6% d’interventions en chirurgie de jour, contre plus de la moitié des cas au Danemark.
On observe aussi des différences importantes entre hôpitaux. Comme le souligne Roos Leroy, chercheuse au KCE : « Malgré notre moyenne élevée d’opérations de la cataracte réalisées en chirurgie de jour, il y a encore des hôpitaux en Belgique qui restent sous la barre des 90%. Un seul hôpital garde même presque 50% de ses patients au minimum une nuit après cette opération. »
D’autres exemples ? L’ablation des amygdales et des végétations oscille entre 2,7 et 100% de chirurgie de jour, la lithotripsie (fragmentation des calculs rénaux par ondes de choc), entre 0 et 99,4% et les opérations du canal carpien entre 42,9 et 100%.
« Pendant notre étude, continue Roos Leroy, nous avons exposé les chiffres belges à 11 groupes de travail réunissant des chirurgiens et des anesthésistes. D’après eux, ces différences entre hôpitaux peuvent notamment être attribuées à « la force de l’habitude ». Ce qui, pour tel médecin, constitue la principale motivation à hospitaliser un patient une nuit (par exemple, l’administration intraveineuse d’antibiotiques, la pose d’un drain pendant 24 h), ne l’est à l’évidence pas pour tel autre. »

La chirurgie de jour est sûre et plus coût-efficace que le séjour hospitalier classique

La chirurgie de jour est une approche sûre pour un grand nombre d’interventions. Et pour le patient, c’est souvent aussi plus confortable, à condition de vérifier que son cadre de vie réunit bien les conditions nécessaires pour ses soins postopératoires et notamment le contrôle de la douleur.
Elle est également plus coût-efficace qu’un séjour hospitalier classique étant donné que le personnel est mobilisé de façon plus efficiente et que l’infrastructure est utilisée de façon plus intensive. C’est donc bien dans la ligne de la réforme du financement des hôpitaux menée par la Ministre de la Santé, qui souhaite miser davantage sur la chirurgie de jour. C’est dans ce cadre qu’il a été demandé au KCE d’analyser les conditions qui favoriseraient un plus grand recours à cette modalité de soins.

Le financement actuel n’encourage pas la chirurgie de jour, bien au contraire

On peut affirmer que le système actuel de financement de la chirurgie de jour, complexe et incohérent, est de loin le principal obstacle à son expansion, parce qu’il pénalise souvent les hôpitaux sur le plan financier. Ce système est notamment basé sur des listes d’interventions pouvant être pratiquées en chirurgie de jour, mais ces listes sont obsolètes. C’est ainsi que, pour les interventions figurant sur la « liste A », les hôpitaux reçoivent aujourd’hui une rémunération qui s’élève à environ 80% du montant attribué en cas de séjour classique. Les opérations de la cataracte, par exemple, sont sur cette liste A ; l’hôpital reçoit donc, pour chaque patient opéré en chirurgie de jour, 80% du montant qu’il aurait reçu pour un séjour classique. Par contre, l’ablation de la vésicule biliaire – qui ne figure pas sur la liste A – donne droit, en chirurgie de jour, à un montant beaucoup plus faible dans la plupart des hôpitaux. Un autre exemple est celui de l’ablation des amygdales : cette intervention ne figure sur la liste A que pour les enfants, mais pas pour les adultes. 

Un système unique et transparent, avec les incitants nécessaires

Le KCE recommande de remplacer le système actuel, complexe et peu cohérent, par un système unique, transparent, qui favorise financièrement la chirurgie de jour. Pour cela, il faut que des experts élaborent une nouvelle liste globale des interventions pouvant être pratiquées de manière sûre en hôpital de jour. Cette liste doit être réévaluée chaque année et remise à jour si nécessaire.

Des hôpitaux chirurgicaux de jour autonomes et des feedbacks réguliers

Les centres chirurgicaux de jour doivent pouvoir fonctionner de façon autonome au sein de l’hôpital, c’est-à-dire qu’ils doivent disposer de leurs propres salles d’opération et de réveil, et d’un personnel spécifiquement formé. Ceci permettra non seulement des soins de meilleure qualité (p.ex. meilleure gestion de la douleur, meilleures instructions au patient pour sa sortie) mais aussi une plus grande capacité d’accueil.
Les différents spécialistes consultés par le KCE au cours de cette étude ont été surpris en découvrant les pourcentages de chirurgie de jour et le possible impact financier de cette approche sur le budget des soins de santé. Il semble donc intéressant de leur fournir un feedback régulier sur les pourcentages d’opérations réalisées en chirurgie de jour dans leur institution et de leur permettre de se comparer aux autres hôpitaux et à leurs collègues (benchmarking).