Chirurgie de l’obésité: les soins pré- et postopératoires sont cruciaux mais pas identiques partout
En Belgique, environ 1 personne sur 100 s’est fait opérer pour perdre du poids. Ces opérations de chirurgie dite ‘bariatrique’ sont efficaces et ont un effet durable, à condition de s’accompagner d’une adaptation – à vie ! – des habitudes alimentaires et du mode de vie. Les chances de succès sont encore plus grandes si les personnes opérées reçoivent un suivi médical, nutritionnel et psychologique avant l'intervention et pendant au moins deux ans après. Mais, comme l’ont constaté le Centre fédéral d'Expertise des Soins de Santé (KCE) et l’Agence intermutualiste (IMA), ce suivi est très variable d'un hôpital à l'autre dans notre pays, tout comme la préparation à l’intervention. Le KCE préconise une prise en charge plus uniforme, multidisciplinaire, et qui implique un engagement sérieux de la part des candidats à l’opération. Il recommande également que ce type d’intervention ne soit pratiqué que dans des hôpitaux et par des chirurgiens qui répondent à certains critères, notamment un nombre annuel minimum d’opérations bariatriques, afin de développer et de maintenir l’expertise des équipes.
Environ 1 % des Belges y ont déjà eu recours
Plus d'un adulte sur trois en Belgique est actuellement en surpoids (IMC entre 25 et 29,9) et 16 % sont obèses (IMC ≥30). Ces chiffres augmentent d’année en année, comme presque partout dans le monde. On peut envisager la chirurgie de l’obésité (‘bariatrique’) lorsque les moyens classiques de perdre du poids (modifications des habitudes alimentaires, augmentation de l'activité physique) se révèlent insuffisants, à condition que la personne présente un IMC d'au moins 40 OU un IMC d'au moins 35 associé à des problèmes de santé comme le diabète ou l'hypertension artérielle. Entre 2007 et 2017, plus de 105 000 personnes, soit environ 1 % de la population belge, ont bénéficié d’une telle opération. Les techniques les plus utilisées sont le bypass gastrique dit ‘de Roux-en-Y’ (63 %) et la gastrectomie longitudinale ou sleeve (35 %). L'anneau gastrique ajustable n'est pratiquement plus utilisé.
Le suivi pré- et postopératoire est crucial
En 2019, le KCE avait déjà publié une première partie de son étude sur la chirurgie bariatrique (rapport KCE 316, 2019) qui confirmait que cette chirurgie est plus efficace pour perdre du poids que les moyens classiques. Mais cette étude montrait aussi que l’effet ne se maintient à long terme que si la personne modifie définitivement ses habitudes alimentaires et son mode de vie et si elle bénéficie d'un suivi médical, nutritionnel et psychologique à long terme. Dans la deuxième partie, publiée aujourd’hui, le KCE et l’Agence intermutualiste étudient la manière dont ce suivi est pratiqué dans notre pays et comment il peut être mieux organisé et financé.
La préparation à l’opération ne se fait pas partout avec la même rigueur
Les chercheurs ont constaté que la préparation des patients à l’opération diffère grandement d'un hôpital à l'autre. Par exemple, avant chaque opération doit en principe se tenir une concertation multidisciplinaire réunissant au moins le chirurgien, un interniste et un psychologue/psychiatre, faute de quoi l’opération n’est pas remboursée. Mais on constate que la composition et le fonctionnement de cette réunion multidisciplinaire varient beaucoup d'un hôpital à l'autre ; par exemple, il arrive que les membres de l’équipe signent le rapport sans qu’il y ait réellement eu concertation. Le KCE recommande donc d’organiser, pour chaque candidat à l’opération, une réunion multidisciplinaire en présence des spécialistes concernés. Il ajoute qu’il est également nécessaire d’y faire participer un diététicien et de solliciter l'avis du médecin généraliste (éventuellement par écrit dans ce cas).
Les patients doivent être bien informés sur l’opération, ses conséquences possibles et les modifications indispensables à apporter à leur mode de vie. Cela peut se faire de différentes manières, par exemple des brochures, des séances d'information, des rencontres en groupe avec des personnes déjà opérées, etc. L'équipe multidisciplinaire de l’hôpital doit ensuite s’assurer par une discussion approfondie avec le futur opéré que ces informations ont bien été comprises et qu'il/elle est prêt(e) à modifier ses habitudes de vie et à s’engager à respecter ses rendez-vous de suivi à long terme.
Une telle préparation prend du temps. Le KCE recommande donc un délai minimum de 3 mois entre le premier contact et l’opération elle-même, afin que le patient puisse recevoir des informations suffisantes et le temps nécessaire à la réflexion. Il recommande également qu’un coordinateur de soins soit désigné dans chaque hôpital comme personne de contact pour les patients et pour veiller au bon déroulement de la prise en charge pré- et postopératoire.
Un suivi et un engagement sérieux du patient
Il semble que les opérations de chirurgie bariatrique sont souvent vues comme une solution rapide à un problème de surpoids. Les candidats à l’opération ne semblent pas suffisamment conscients que ce n’est qu'après l'opération que commence le vrai travail, et nombreux sont ceux qui ne se présentent pas aux rendez-vous de suivi. Ces consultations avec le médecin, le diététicien, le psychologue et d’autres membres éventuels de l'équipe sont pourtant très importantes, d’une part pour détecter rapidement certaines complications, mais surtout pour aider les opérés à faire évoluer leur mode de vie. On entend par-là, par exemple, adapter leurs habitudes alimentaires (et notamment prendre des suppléments vitaminiques pour prévenir les carences qui peuvent apparaître) et augmenter leur activité physique. L'équipe peut stimuler leur motivation en ayant recours à différentes méthodes : des groupes de contact, du coaching individuel ou en groupe, des suppléments vitaminiques gratuits s’ils respectent leurs rendez-vous de suivi, des petits outils pratiques (p.ex. journal de bord de l’alimentation) ou des moyens de communication numériques (p.ex. contact vidéo ou par téléphone) en plus des consultations de suivi classiques. En tout état de cause, ce suivi multidisciplinaire doit être adapté à l'évolution de l’état de santé des opérés et à la mesure dans laquelle ils sont capables de se gérer eux-mêmes.
Ce suivi assez intensif dure en principe deux ans, au cours desquels le médecin généraliste du patient collabore étroitement avec l’équipe hospitalière. Ces deux années peuvent être prolongées pour les patients qui le nécessitent .
Afin de limiter les variations actuelles dans les soins pré- et postopératoires, les organisations professionnelles de chirurgiens bariatriques devraient élaborer un document de consensus national énumérant les principales interventions nécessaires lors des phases pré- et postopératoires.
Réserver ces opérations à des équipes expérimentées
Presque tous les hôpitaux généraux belges pratiquent aujourd’hui des interventions de chirurgie bariatrique… mais pas tous à la même fréquence. Certains ne comptent que 3 opérations par an, d'autres plus de 800. Or, un hôpital qui n’effectue qu’un nombre limité d’opérations ne développe pas l'expertise pluridisciplinaire nécessaire. Par conséquent, le KCE estime préférable de limiter la chirurgie bariatrique aux hôpitaux qui pratiquent au moins 100 interventions par an et dont au moins deux chirurgiens pratiquent au moins 25 de ces interventions chaque année.
Un financement au forfait via une convention
À l’heure actuelle, les consultations des diététiciens et des psychologues ne sont pas remboursées par l'assurance maladie dans le cadre de la chirurgie bariatrique. Le KCE recommande de les financer par un forfait (convention INAMI, sur base des conditions et critères développés ci-dessus) qui engloberait l’ensemble des soins pré- et postopératoires c’est-à-dire, outre ces consultations non médicales, les concertations multidisciplinaires, les services du coordinateur de soins, etc. L'intervention chirurgicale elle-même et les consultations des médecins seraient toujours remboursées à l’acte, classiquement.