17 déc 2021 00:01

Choisir c’est comparer ! Le KCE plaide pour davantage d’études comparatives sur les innovations médicales

Pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché européen, tout nouveau médicament doit faire la preuve de sa qualité, de sa sécurité et de son efficacité. Pour les dispositifs médicaux à haut risque (comme p. ex. les implants), les exigences sont moindres. Mais aux yeux de l’assurance maladie, des médecins et des patients, ce qui compte surtout, c’est la valeur du nouveau produit par comparaison aux traitements déjà existants. Le problème est que les études comparatives – et qui mesurent des paramètres significatifs pour les patients – ne sont pas obligatoires pour obtenir une autorisation de mise sur le marché.

La principale recommandation du Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) est que les firmes pharmaceutiques ou de dispositifs médicaux ne conçoivent pas seulement leurs études cliniques pour rencontrer les exigences actuelles de l’accès au marché européen, mais qu’elles collectent aussi, dès le départ, des données comparatives leur permettant de répondre aux demandes des organismes d’assurance maladie nationaux, des médecins et des patients. L’étude du KCE arrive à point nommé, compte tenu des évolutions récentes des différents règlements européens relatifs aux médicaments et aux dispositifs médicaux.

Un accès au marché centralisé…

En Europe, l’accès au marché des médicaments et des dispositifs médicaux est essentiellement réglementé par les instances de l’Union européenne en tenant compte à la fois de la protection de la santé publique et du principe de libre circulation des marchandises. Pour les médicaments, les fabricants doivent apporter des preuves de la qualité, de la sécurité et de l'efficacité de leur produit. Pour les dispositifs médicaux « à haut risque » (comme p. ex. les implants), prouver que le dispositif est sans danger et qu’il fonctionne est suffisant pour obtenir le « marquage CE », qui ouvre à l’ensemble du marché européen. Dans les deux cas, les bénéfices sont pesés en regard des risques connus des produits.

…mais un remboursement pays par pays

Mais en ce qui concerne le remboursement par l'assurance maladie – un aspect évidemment essentiel pour les patients – ce n’est plus l’Europe qui décide, mais chaque État membre séparément. Ce qui est assez logique puisqu’il s’agit de l’utilisation des deniers publics dudit État membre. Or les organismes d’assurance maladie (comme l’INAMI en Belgique) estiment généralement que les informations de sécurité et d’efficacité fournies par les fabricants aux instances européennes (l’Agence européenne des Médicaments (EMA) pour les médicaments et les organismes notifiés (notified bodies) pour les dispositifs médicaux) pour obtenir l’accès au marché ne sont pas suffisantes pour pouvoir évaluer de manière fiable la valeur ajoutée thérapeutique du produit. Cette valeur ajoutée est également une information importante pour se prononcer sur le prix demandé.

Importance des essais cliniques comparatifs

Ce qui est important aux yeux des organismes d’assurance maladie, c’est l’évaluation de la valeur ajoutée (s’il y en a une) d’un nouveau produit par rapport aux alternatives existantes. Cette information est utilisée pour réaliser des études de Health Technology Assessment (HTA) ou « évaluation des technologies de santé », qui mettent en rapport le coût supplémentaire généré par le produit et le bénéfice supplémentaire qu’il apporte au patient. Ce type d’études comparatives est également très important pour les médecins et les patients eux-mêmes, afin de pouvoir choisir le traitement le plus approprié en toute connaissance de cause. De plus, il est important que les études comparatives mesurent des paramètres qui sont significatifs pour le patient, comme la qualité de vie, les symptômes, les résultats fonctionnels ou la survie.
Le problème est que de telles études comparatives ne sont actuellement pas obligatoires pour obtenir une autorisation de mise sur le marché. Les fabricants ne réalisent généralement que les essais cliniques nécessaires à satisfaire les exigences des instances européennes. Tant que cela suffit pour obtenir aussi le remboursement, ils ne sont pas incités à mener les essais cliniques comparatifs demandés par les agences d’HTA et les organismes payeurs tels que l’INAMI. Et ce d’autant moins que de tels essais comparatifs coûtent plus cher, durent plus longtemps …et ne tournent pas toujours à l’avantage de leur produit.

Une étude qui tombe à pic

L’étude publiée aujourd’hui par le KCE s’est attachée à identifier les données cliniques manquantes dans les dossiers de demande de remboursement (en analysant les dossiers adressés à l’INAMI mais aussi la littérature scientifique à ce sujet) et à proposer des solutions pour les réduire à l’avenir. Cette étude arrive à point nommé, puisque les réglementations européennes relatives aux médicaments et aux dispositifs médicaux sont actuellement en pleine évolution, de même que celles sur la collaboration européenne en matière d’HTA.

D’après le KCE, il serait idéal que les firmes pharmaceutiques ou de dispositifs médicaux prévoient, dès le départ, des essais cliniques visant à générer non seulement les informations nécessaires pour l’autorisation de mise sur le marché, mais aussi les données comparatives nécessaires aux études HTA des agences nationales. Différentes initiatives ont déjà été mises en place pour permettre aux fabricants, à l’EMA et aux agences d’HTA de dialoguer avant de lancer les essais cliniques mais, aux yeux des agences d’HTA, ces initiatives ne rencontrent pas (encore) le succès espéré.

Des recommandations valables pour tous les pays

De toute évidence, les solutions ne concernent pas uniquement le niveau belge, mais s’inscrivent aussi dans un contexte international. C’est pourquoi les recommandations du KCE s'adressent à la Commission européenne et aux gouvernements des États membres. Le KCE plaide pour que les résultats d’études cliniques comparatives portant sur des paramètres importants aux yeux des patients soient disponibles avant que les régulateurs européens n’accordent un accès définitif au marché. Il faut pour cela que les firmes tiennent davantage compte des avis des agences d’HTA. Ces recommandations rejoignent celles d’autres instances telles que l’European Observatory on Health Systems and Policies et l’European Public Health Alliance, ainsi que celles formulées dans la littérature scientifique et par certaines ONG belges.

Le KCE souligne également que les patients devraient être mieux informés du fait que les résultats d’études comparatives sont essentiels pour permettre aux médecins (et aux patients) de choisir les traitements les plus efficaces.