01 fév 2024 00:00

Évaluation de la performance du système de santé, clap 5e !

Depuis 2010, la performance du système de santé belge est soumise à intervalles réguliers à un check-up global. Après une révision approfondie de l’approche utilisée pour l’évaluation au mois de juin dernier, la nouvelle édition de l’analyse proprement dite explore six dimensions et quatre domaines spécifiques au fil de 142 indicateurs triés sur le volet pour livrer un tableau très complet des forces et faiblesses de notre système de santé. Parmi les nouveautés pour 2024, on retiendra notamment une nouvelle dimension, la résilience (la capacité du système à rebondir après une perturbation), analysée à la lumière de la pandémie du COVID-19.

Porté par le KCE en collaboration avec l’INAMI, Sciensano et le SPF Santé publique, cet exercice d’évaluation de la performance (Health System Performance Assessment ou HSPA) s’inscrit dans une démarche internationale de monitoring des systèmes de santé, entamée sous l’impulsion de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Il a pour objectif de dresser de façon périodique un bilan global permettant d’obtenir une vision transparente des forces et faiblesses du système, de comparer ses résultats à ceux d’autres pays, d’éclairer les autorités de santé dans l’élaboration de leurs stratégies futures et de suivre l’évolution de la situation au fil du temps.

Un cadre d’évaluation revu et corrigé

Depuis le dernier rapport d’évaluation de la performance, publié en 2019, le cadre conceptuel sous-jacent (la « structure » autour de laquelle s’articule l’analyse) et la liste des indicateurs ont fait l’objet d’une révision en profondeur (voir le rapport KCE 370, 2023).

Cinq dimensions (l’accessibilité, l’efficience, l’équité, la qualité et la soutenabilité) avaient déjà été identifiées précédemment comme étant essentielles à la performance du système de santé. Le nouveau cadre en comporte une sixième, la résilience (la capacité du système à rebondir après une perturbation), analysée dans le contexte de la pandémie du COVID-19. La dimension soutenabilité a également été enrichie d’une nouvelle sous-dimension qui évalue la gouvernance, la manière dont la politique de santé est menée. Une autre, la soutenabilité environnementale, a été retenue en vue d’une analyse future.

Comme ses prédécesseurs, le nouveau rapport se penche également sur une série de domaines spécifiques du système de santé qui méritent une attention particulière : les soins préventifs, les soins aux personnes âgées, les soins de santé mentale et les soins de fin de vie.

Une évaluation globale, pas un bulletin

Au total, ce sont 142 indicateurs qui ont été retenus pour dresser un tableau très complet de la performance du système de santé belge.

Il importe toutefois de souligner que, s’il épingle un certain nombre de signaux d’alarme, ce rapport HSPA vise avant tout à identifier des aspects qui méritent d’être explorés de façon plus poussée ou nécessitent des interventions prioritaires – bref, à éclairer et faciliter la prise de décision. Il n’a donc pas pour vocation de formuler des recommandations concrètes pour remédier à certains problèmes spécifiques ni d’évaluer l’impact de mesures politiques antérieures.

Par contre, les auteurs préconisent tout de même de poursuivre les efforts pour agir sur les signaux d’alarme, pour assurer la disponibilité rapide et durable des données permettant d’alimenter l’évaluation (et, plus largement, la recherche sur les soins de santé) et pour définir des priorités et objectifs de santé mesurables pour la Belgique qui pourront, le cas échéant, être couplés aux indicateurs de performance.

www.belgiqueenbonnesante.be : une vue panoramique

Le rapport sur la performance du système de santé n’est qu’un volet d’un projet plus large, qui comprend également un rapport sur l’état de santé de la population et ses déterminants (réalisé par Sciensano) et un rapport sur les variations de pratique médicale (réalisé par l’INAMI).

Depuis 2019, les messages-clés et résultats de ces trois rapports sont disponibles sur le site internet www.belgiqueenbonnesante.be, sous une forme qui se veut accessible à tous. Le site comporte également toute une série de données phares (proposées par le SPF Santé publique) sur le contexte, l’organisation et la conception du système de santé belge – bref, un véritable trésor d’informations pour toutes les personnes que le sujet intéresse à titre personnel ou professionnel !

Quelques résultats marquants

Il serait utopique de vouloir exposer ici l’ensemble des résultats de ce vaste travail, et nous nous limiterons donc à quelques tendances marquantes. Le chapitre 14 du rapport scientifique en propose une synthèse plus complète, et vous trouverez également en annexe de ce communiqué un tableau synoptique reprenant, par section, l’ensemble des indicateurs analysés accompagnés d’un pictogramme qui vous permettra d’identifier facilement les bons et moins bons résultats.

Globalement, on peut dire que la Belgique dispose d’un système de santé accessible et de bonne qualité. La quasi-totalité de la population est par exemple couverte par l’assurance maladie obligatoire mais, dans les faits, on observe aussi que l’accès aux soins reste souvent moins évident pour les publics socio-économiquement défavorisés. C’est particulièrement vrai pour les soins préventifs – un domaine qui, plus largement, affiche encore souvent des résultats qui restent en-deçà des cibles fixées par l’organisation mondiale de la santé. La mortalité évitable par la prévention aussi reste relativement élevée dans notre pays. Les efforts doivent donc se poursuivre en faveur d’un système plus équitable et plus proactif, qui mette le plus possible l’accent sur le maintien d’une bonne santé pour toutes et pour tous.

La consommation de certains médicaments aussi interpelle. Il subsiste par exemple encore une marge d’amélioration en ce qui concerne le bon usage des antibiotiques et des antidépresseurs. On observe aussi que la prescription d’anticholinergiques (un groupe de médicaments qui ont un effet relaxant sur les muscles), de psychotropes et d’antidépresseurs reste trop élevée chez les personnes âgées, en particulier lorsqu’elles vivent en institution.

La vigilance reste aussi de mise en ce qui concerne les ressources humaines et leur disponibilité future, en particulier pour le personnel infirmier, sur lequel la pandémie semble avoir eu un net impact négatif.

Des résultats très positifs sont par contre observés sur le plan de l’efficience du système, avec un recours élevé et croissant à des solutions efficaces, mais moins coûteuses et souvent moins contraignantes pour les patients et pour le système. Seuls les médicaments biosimilaires peinent encore à s’imposer. Il convient toutefois de prendre également en compte à cet égard certains indicateurs de l’adéquation des soins (e.a. concernant le recours aux examens d’imagerie ou aux antibiotiques), qui touchent également à la problématique de l’efficience et pour lesquels les résultats sont malheureusement plus décevants.

La résilience en point de mire

La résilience de notre système de santé face à la pandémie du COVID-19 a été évaluée suivant trois grands axes : la capacité à innover en réponse à la crise, la capacité à préserver les services existants et enfin la capacité à assurer la disponibilité d’un nombre suffisant de soignants.

S’agissant des deux premiers points, la Belgique a plutôt bien tiré son épingle du jeu. Même si cela n’a pas toujours été facile, les services des soins intensifs des hôpitaux ont réussi à garder la tête hors de l’eau tout au long de la pandémie grâce à un accroissement rapide de leur capacité, mais aussi et peut-être surtout à l’organisation d’une meilleure répartition des patients COVID. Le déploiement des téléconsultations en médecine générale, lui, s’est avéré une solution efficace pour préserver l’accès aux soins de première ligne. La couverture vaccinale aussi a été plutôt bonne, en particulier chez les personnes âgées, même si l’enthousiasme des débuts s’est un peu essoufflé avec le temps.

Par contre, les professionnels de la santé ont écopé au cours de cette période difficile. Le nombre de postes infirmiers vacants dans les hôpitaux a flambé et, à certains moments, le nombre de lits fermés faute de personnel a dépassé 10 %. Dans la foulée, le pourcentage de soignants envisageant de quitter la profession a frôlé les 30 %.