Évaluation des patients en réadaptation fonctionnelle : le KCE recommande l’usage des instruments BelRAI
Le secteur de la réadaptation fonctionnelle est très hétérogène, avec des profils de patients, des lieux de soins et des prestataires de soins très variés, et il dépend en outre de niveaux de compétences différents. Il est donc crucial que ce secteur puisse disposer d’un système permettant d’évaluer, dans un langage commun, les besoins fonctionnels, médicaux et psychosociaux de chaque patient individuel. Un tel système est capital pour la communication entre soignants, mais aussi pour l’organisation et le financement des soins. En Belgique, il a été décidé, il y a une quinzaine d’années, d’utiliser les instruments de la ‘suite interRAI’, scientifiquement validés et adaptés au contexte belge (BelRAI), dans le secteur des soins aux personnes âgées ainsi que pour certaines autres catégories de patients vulnérables. À la demande des autorités flamandes, le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a examiné si ces instruments pouvaient également convenir pour le secteur de la réadaptation fonctionnelle. La réponse est que ces instruments peuvent effectivement être utilisés dans ce secteur, pour la planification des soins (individuels) mais aussi comme aide à l’allocation des budgets. Toutefois, il reste encore un travail assez conséquent à effectuer avant que ce ne soit concrètement réalisable.
La réadaptation fonctionnelle: un secteur complexe
Les patients nécessitant une réadaptation fonctionnelle présentent des profils très variés : des victimes d’accidents de la route, des personnes se remettant d’un infarctus ou d’une opération de prothèse de hanche, mais aussi des enfants avec autisme, des personnes aux prises avec des assuétudes ou avec des problèmes de démence. L’objectif des soins de réadaptation est de permettre à toutes ces personnes de préserver ou de retrouver une vie aussi normale que possible.
Les soins de réadaptation adoptent par ailleurs des formes très variables, dans des lieux très différents (résidentiels ou ambulatoires, dans des centres de réadaptation, des hôpitaux, à domicile, etc.) et sont prodigués par des professionnels aux compétences très variées : médecins, kinésithérapeutes, infirmiers, logopèdes, ergothérapeutes, etc.
La dernière réforme de l’état a transféré certaines compétences en matière de réadaptation du niveau fédéral à celui des entités fédérées.
Un système de classification pour une bonne qualité des soins
Au sein du secteur complexe de la réadaptation, il est fréquent que les patients proviennent d’autres secteurs de soins et repartent ensuite vers d’autres environnements encore. Tous ces patients entrent donc en contact avec des prestataires de soins d’horizons différents. C’est pourquoi il est essentiel de disposer d’un vocabulaire commun, de manière à ce que les besoins fonctionnels, médicaux et psychosociaux de chaque patient individuel puissent être décrits de façon standardisée et soient communiqués de façon optimale. La meilleure solution est de faire appel à un système d’évaluation uniformisé.
La ‘suite InterRAI‘ est un tel système. Il s’agit d’une série d’instruments d’évaluation développée par un consortium international réunissant plus de 35 pays. Cette ‘suite’ bénéficie d’une reconnaissance internationale et est utilisée dans de nombreux pays à travers le monde. Elle permet aux cliniciens d’optimiser les plans de soins de leurs patients et d’identifier ceux qui nécessitent une attention spécifique. Un autre avantage est que les décideurs peuvent utiliser le même système pour organiser les différents types de soins et répartir les budgets de la manière la plus rationnelle possible.
Il y a une quinzaine d’années, les décideurs politiques belges ont fait le choix d’utiliser eux aussi ces instruments d’évaluation. Certains d’entre eux ont été adaptés au contexte belge, sous le nom de ‘suite BelRAI’ et différents projets pilotes ont été lancés pour les mettre en œuvre, notamment dans les soins aux personnes âgées. Récemment, la Conférence Interministérielle Santé publique a décidé d’élargir l’emploi de ces instruments à d’autres types de soins et à d’autres catégories de patients, dont les malades chroniques.
À la demande des autorités flamandes, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a examiné si ces instruments pouvaient également convenir pour le secteur de la réadaptation, tant pour planifier les soins individuels des patients que pour aider à l’allocation des budgets.
La suite interRAI convient à l’évaluation des besoins des patients
Dans le cadre de la 6e réforme de l’état, deux secteurs importants de la réadaptataion ont été transférés aux Communautés : les services spécialisés isolés de réadaptation (services Sp) et les Centres de Réadaptation Ambulatoire (CRA). Le KCE estime que la suite interRAI peut être utilisée pour les patients relevant de ces deux catégories. Toutefois, pour certains groupes spécifiques de patients des CRA, les instruments d’évaluation sont encore en développement et il est clair qu’il faudra encore y travailler assez bien avant qu’ils ne soient opérationnels.
La suite interRAI convient aussi à l’allocation des budgets
Avec le transfert de certaines catégories de patients du secteur de la réadaptation vers les entités fédérées, les modes de financement doivent également être revus. Les montants qui seront attribués devront idéalement être basés sur les besoins des patients et sur la consommation de soins correspondante (p. ex. le nombre d’heures de réadaptation à la marche).
Comme le coût relatif des soins peut être déterminé sur la base du profil de fonctionnement (déterminé à l’aide de la suite BelRAI) et de la mesure de la consommation des soins (p.ex. en minutes), l’instrument interRAI/BelRAI peut donc également être utilisé comme aide à l’allocation des budgets.
Encore du pain sur la planche
Il reste toutefois encore beaucoup d’étapes à franchir avant que le BelRAI puisse être opérationnalisé dans le secteur de la réadaptation, ne serait-ce que pour l’adaptation d’un certain nombre de modules de la suite interRAI au contexte de soins belge, et pour leur validation. L’expérience des prestataires de soins dans l’évaluation systématique du fonctionnement du patient est aussi un élément crucial pour la réussite du système. Pour cela, les institutions de soins devront recevoir des autorités un solide soutien en matière de formation du personnel soignant et de développement d’outils de travail conviviaux – ce qui exige en outre un environnement informatique performant.
Il faudra également consacrer un travail scientifique assez conséquent au développement du système d’allocation des budgets. L’ensemble de ce processus d’implémentation nécessitera donc probablement encore plusieurs années.
Pour éviter la coexistence de financements différents pour une même catégorie de patients, il faudra également veiller à ce que l’instrument BelRAI soit mis en application dans l’ensemble du secteur, sans introduire de différences entre les compétences fédérales et fédérées.